Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

« La guerre en Ukraine n’est pas une guerre entre deux Etats mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie »

Publié par « Le Monde » le 10 décembre 2022, nous reprenons ci-dessous l’intégralité du discours prononcé à Oslo, par Oleksandra Matviichuk, présidente du Centre pour les libertés civiles, ONG ukrainienne, lors de la remise du prix Nobel de la paix, également attribué au militant biélorusse Ales Bialiatski et à l’ONG russe Memorial.

Oleksandra Matviichuk, lauréate du prix Nobel de la paix, lors d’une interview à Oslo, le 10 décembre 2022. SERGEI GAPON / AFP

Cette année, l’Ukraine entière attendait avec impatience l’annonce des lauréats du prix Nobel de la paix. A nos yeux, ce prix est la reconnaissance des efforts du peuple ukrainien, qui résiste avec courage aux tentatives de destruction de l’évolution pacifique de l’Europe. Ce prix rend également hommage au travail réalisé par les militants des droits humains pour lutter contre la menace militaire qui pèse sur le monde entier. Nous sommes fiers que, pour la première fois de l’histoire, la langue ukrainienne résonne lors de cette cérémonie officielle.

Nous recevons aujourd’hui le prix Nobel de la paix tandis que sévit cette guerre déclenchée par la Russie, une guerre qui se poursuit depuis maintenant huit ans, neuf mois et vingt et un jours. Pour des millions de personnes, les termes « bombardements », « torture », « déportation », « camps de filtration » sont devenus des termes ordinaires. En revanche, aucun mot ne peut exprimer la douleur d’une mère qui a perdu son nouveau-né dans le bombardement d’une maternité. Un instant plus tôt, elle caresse son petit, l’appelle par son nom, lui donne le sein, respire son odeur. L’instant d’après, un missile russe réduit tout son univers à néant. Et à présent, son bébé, chéri et tant désiré, repose dans le plus petit cercueil du monde.

Il n’existe pas de solution toute faite aux défis auxquels nous, Ukrainiens, et le monde entier sommes confrontés. Dans plusieurs pays, des personnes se battent pour leurs droits et leur liberté dans des conditions extrêmement difficiles. Aussi, aujourd’hui, je vais au moins tenter de poser les bonnes questions, pour que nous puissions commencer à chercher des solutions.

 

Comment redonner du sens aux droits humains ?

Les survivants de la seconde guerre mondiale ne sont plus de ce monde. Et les nouvelles générations ont tendance à considérer les droits et les libertés comme des acquis. Pourtant, même dans les démocraties développées, les forces qui remettent en question les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme gagnent du terrain. Ce n’est pas parce que les droits humains ont été garantis par le passé qu’ils le seront à l’avenir. Nous devons continuer, sans relâche, de protéger les valeurs de la civilisation moderne.

La paix, le progrès et les droits humains sont inextricablement liés. Un Etat qui tue les journalistes, emprisonne les militants et disperse les manifestations pacifiques représente une menace pour ses citoyens, mais aussi pour l’ensemble de la région, et pour la paix dans le monde entier. En conséquence, le monde doit répondre de manière adéquate à ces violations systématiques du droit. Il faut que les droits humains aient autant de poids dans les décisions politiques que les bénéfices économiques ou la sécurité, en particulier dans le domaine de la politique étrangère.

La Russie, qui anéantit sans répit sa propre société civile, est un parfait exemple de ces Etats qui enfreignent systématiquement le droit. Pourtant, les pays du monde démocratique ferment les yeux, depuis longtemps. Ils continuent de serrer la main aux dirigeants russes, de construire des gazoducs et de mener leurs affaires. Cela fait des décennies que les troupes russes perpètrent des crimes dans différents pays, en toute impunité. Le monde n’a pas réagi comme il aurait dû à l’agression et à l’annexion de la Crimée, un cas sans précédent en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Aussi la Russie a-t-elle cru qu’elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait.

Aujourd’hui, la Russie s’en prend volontairement aux civils pour mettre un terme à notre résistance et occuper l’Ukraine. Les troupes russes détruisent intentionnellement immeubles d’habitation, églises, écoles, hôpitaux, bombardent les couloirs d’évacuation, enferment les gens dans des camps de filtration, multiplient les déportations forcées, enlèvent, torturent et tuent des personnes dans les territoires occupés.

Le peuple russe sera responsable de cette page abjecte de son histoire et de cette tentative de restaurer son ancien empire par la force.

Quand allons-nous appeler un chat, un chat ?

Le peuple d’Ukraine veut la paix plus que quiconque sur cette terre, mais un pays agressé ne peut parvenir à la paix s’il dépose les armes. Ce ne serait pas la paix, mais l’occupation. Après la libération de Boutcha, nous avons découvert une multitude de civils assassinés dans les rues et les cours de leurs maisons. Ils n’avaient pas d’armes.

Nous ne pouvons plus prétendre que différer la menace militaire russe est un « compromis politique ». Le monde démocratique s’est accoutumé à faire des concessions aux dictatures. C’est pour cette raison que la détermination du peuple ukrainien à résister à l’impérialisme russe est si importante. Nous ne laisserons pas les populations des territoires occupés être tuées et torturées. Sacrifier la vie des Ukrainiens ne peut être un « compromis politique ». Se battre pour la paix ne signifie pas céder à la pression de l’agresseur. Cela signifie protéger les gens contre sa cruauté.

Dans cette guerre, nous nous battons pour la liberté dans tous les sens du terme. Et nous payons le prix le plus lourd. Nous, citoyens ukrainiens de toutes nationalités, avons le droit, droit indiscutable, de vivre dans un Etat ukrainien souverain et indépendant, ainsi que de faire vivre la langue et la culture ukrainiennes. En tant qu’êtres humains, nous avons le droit de déterminer notre propre identité et de faire nos propres choix démocratiques. Les Tatars de Crimée et les autres peuples autochtones ont le droit de vivre librement sur leur terre natale de Crimée.

Notre combat d’aujourd’hui est primordial : il façonne l’avenir du pays. Nous voulons que l’Ukraine d’après-guerre bâtisse non pas des structures branlantes, mais des institutions démocratiques stables. Il est fondamental que nous défendions nos valeurs précisément au moment où elles sont menacées. Nous ne devons pas devenir le miroir de l’Etat agresseur.

Cette guerre n’est pas une guerre entre deux Etats, mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie. Nous nous battons pour pouvoir construire un Etat où les droits de chacun sont garantis, les autorités doivent rendre des comptes, les tribunaux sont indépendants et la police ne réprime pas violemment les manifestations pacifiques d’étudiants sur la place centrale de la capitale du pays.

Sur le chemin qui nous conduit au sein de la famille européenne, nous devrons surmonter le traumatisme de la guerre et les risques qui y sont liés, et affirmer le choix du peuple ukrainien déterminé par la révolution de la dignité [la révolution de Maïdan, en 2014].

Comment garantir la paix pour les populations du monde entier ?

Le système international qui garantissait la paix et la sécurité ne fonctionne plus. Le militant tatar de Crimée Server Moustafaïev et tant d’autres sont jetés dans les prisons russes parce qu’ils défendent les droits humains. Longtemps, nous avons utilisé la loi pour protéger les droits humains, mais aujourd’hui nous ne disposons pas de mécanisme juridique qui puisse stopper les atrocités russes. En conséquence, une multitude de militants des droits humains sont contraints de prendre les armes pour défendre ce en quoi ils croient : mon ami Maksym Boutkevytch, par exemple, qui est aujourd’hui incarcéré en Russie. Lui et les autres prisonniers de guerre ukrainiens, ainsi que tous les détenus civils, doivent être libérés.

Le système des Nations unies, créé après la seconde guerre mondiale par ses vainqueurs, fait preuve d’une indulgence injustifiée envers certains pays. Il faut que cela change si nous ne voulons pas vivre dans un monde où les règles sont écrites par les Etats les plus forts militairement.

Nous devons réformer le système international pour protéger les populations contre les guerres et les régimes autoritaires. Nous devons mettre en place des dispositifs qui garantissent efficacement la sécurité et les droits humains des citoyens de tous les Etats, qu’ils fassent ou non partie d’alliances militaires, quelles que soient leur capacité militaire et leur puissance économique. Les droits humains doivent être au cœur de ce nouveau système.

La responsabilité de ces réformes n’incombe pas aux seuls dirigeants politiques. Le monde politique a tendance à ne pas chercher de stratégies complexes, qui demandent beaucoup de temps. Il agit souvent comme si les défis mondiaux allaient disparaître d’eux-mêmes. Or ils ne font qu’empirer. Nous, peuples qui voulons vivre en paix, devons demander à nos responsables politiques l’établissement d’un nouvel ordre mondial.

Nous n’avons peut-être pas d’outils politiques, mais il nous reste nos mots et nos actes. Les gens ordinaires ont beaucoup plus d’influence qu’ils ne le pensent. Les voix de millions de personnes de différents pays peuvent changer le monde plus vite qu’une intervention de l’ONU.

Comment traduire en justice les auteurs des crimes de guerre ?

Les dictateurs ont peur que le principe de la liberté ne finisse par l’emporter. Aussi la Russie cherche-t-elle à convaincre le monde entier que l’Etat de droit, les droits humains et la démocratie sont des valeurs sans fondement parce qu’elles ne protègent personne dans cette guerre.

Oui, le droit n’est plus opérant aujourd’hui, mais cela ne durera pas toujours. Nous devons briser ce cycle d’impunité et changer notre approche de la justice dans le cas de crimes de guerre. Une paix durable qui libère de la peur et apporte l’espoir d’un avenir meilleur est une chose impossible sans justice.

Nous voyons encore le monde à travers le prisme du tribunal de Nuremberg, qui n’a condamné les criminels de guerre qu’après la chute du régime nazi, mais la justice ne doit pas dépendre de la faillite des régimes autoritaires. Nous vivons dans un siècle nouveau. La justice ne peut plus attendre.

Nous devons mettre les criminels devant leurs responsabilités et rendre justice de tous les crimes de cette guerre, même si le système national est débordé par le nombre de crimes de guerre, même si la Cour pénale internationale ne peut juger que quelques cas sélectionnés, même dans les cas où elle n’a pas de compétence.

La guerre transforme les personnes en chiffres. Nous devons connaître le nom de toutes les victimes des crimes de guerre. Quels que soient leur identité, leur statut social, le type de crime qu’elles ont subi, que les médias et la société s’intéressent ou non à leur cas, car chaque vie humaine est sans prix.

Le droit est une matière vivante en perpétuelle évolution. Nous devons instituer un tribunal international et traduire Poutine, Loukachenko et tous les autres criminels de guerre devant la justice. Oui, c’est audacieux, mais nous devons prouver que l’Etat de droit fonctionne et que la justice existe, même si les effets ne sont pas toujours immédiats.

Comment renforcer la solidarité mondiale ?

Notre monde est devenu très complexe et interconnecté. En ce moment même, les Iraniens se battent pour leur liberté. Les Chinois résistent à la dictature numérique. Les Somaliens redonnent à des enfants soldats une vie paisible. Mieux que quiconque, ces peuples savent ce que signifie être humain et défendre la dignité humaine. Notre avenir dépend de leur réussite. Nous sommes tous responsables de tout ce qui se passe dans le monde.

Les droits humains reposent sur une certaine vision des choses, sur une perception du monde qui détermine notre manière de penser et de nous comporter. Ils perdent de leur force si seuls les avocats et les diplomates les défendent. Il ne suffit pas d’adopter les bonnes lois et de créer des institutions. Les valeurs portées par la société priment toujours.

Nous avons besoin d’un nouveau mouvement humaniste qui redonne du sens à nos valeurs, éduque les gens, rallie un vaste soutien des populations et implique celles-ci dans la protection des droits et des libertés. Ce mouvement doit rassembler les intellectuels et les militants de différents pays, car les principes que sont la liberté et les droits humains sont universels et ne connaissent aucune frontière.

Les populations seront demandeuses de solutions et nous pourrons surmonter ensemble les défis planétaires – les guerres, les inégalités, les atteintes à la vie privée, la montée de l’autoritarisme, le dérèglement climatique, etc. Ainsi pourrons-nous faire de ce monde un endroit plus sûr.

Nous ne voulons pas que nos enfants vivent des guerres et des souffrances. En tant que parents, nous devons assumer notre responsabilité et agir – nous ne pouvons reporter cette tâche sur eux. Aujourd’hui, l’humanité doit saisir cette occasion de surmonter ces crises mondiales et d’imaginer une nouvelle philosophie de vie.

Il est urgent d’assumer nos responsabilités. Nous ne savons pas combien de temps il nous reste.

Et comme cette cérémonie de remise du prix Nobel de la paix a lieu en pleine guerre, je me permets de tendre la main vers les populations du monde entier et de lancer un appel à la solidarité. Car il n’est pas nécessaire d’être ukrainien pour soutenir l’Ukraine. Il suffit d’être humain.

 

©  Le Monde – Sergei Gapon / AFP – Traduit de l’anglais par Valentine Morizot 

 

 

 

 

La traite des êtres humains est un phénomène qui continue à se développer dans la plupart des pays du monde, qui n’a pas de frontières géographiques, culturelles, d’âge ou de sexe et qui relève souvent de la criminalité organisée.

Ayant déjà contribué lors de précédentes phases de suivi de la mise en œuvre en France de la Convention Internationale des droits de l’Enfant[1], le Collectif “Ensemble contre la traite des êtres humains”, en complément aux autres rapports officiel et alternatifs a choisi de mettre l’accent sur des questions peu en évidence dans le rapport de la France ou présentant une certaine actualité au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant et des protocoles qui lui sont liés.

Des enfants victimes, ou potentielles victimes de traite des êtres humains, ou enfants de personnes victimes de traite parfois bébés, sont exploités ou en danger de l’être.

Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » (ci après le Collectif) est créé pour lutter contre ce fléau qui nie les droits fondamentaux des victimes et pour amener les décideurs politiques à s’impliquer dans la lutte contre ce trafic.

Cette lutte doit permettre de protéger les droits des victimes dans le respect de chacun et chacune, dans le cadre d’une coopération internationale qui engage tous les acteurs, publics et privés, qui travaillent dans ce domaine. Elle doit aussi favoriser l’adoption de mesures destinées à sanctionner les personnes qui se rendent coupables de trafics.

Les membres du Collectif s’accordent à dire que la lutte contre la traite des êtres humains, compte tenu de sa complexité et de sa dimension mondiale, doit faire l’objet, pour être efficace, d’actions concertées dans le cadre d’une vision globale de la problématique. Ces actions doivent porter tout particulièrement sur les institutions.

Ce collectif vient de publier un rapport sur le suivi de la mise en œuvre en France de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant voir ici  http://www.contrelatraite.org/index.php/cide

Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » est un réseau créé pour une lutte plus efficace contre toutes les formes de ce déni des droits humains. Créé par le Secours Catholique en 2007, il regroupe 28 associations françaises, engagées de façon directe ou indirecte avec les victimes d’exploitation et de traite des êtres humains sous toutes ses formes en France ou dans les pays de transit et d’origine de la traite.

Ces mineurs ont droit à la reconnaissance pleine et entière et à l’exercice de tous les droits de l’enfant inscrits dans la Convention internationale des droits de l’enfant entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990. Ils doivent avoir accès au droit commun.

Les rétablir dans leurs droits fondamentaux est la meilleure manière de faire échec aux réseaux criminels ou aux individus qui les exploitent, tarissant ainsi les profits qu’ils en retirent ; cela permet aussi de réduire la vulnérabilité de ces jeunes face aux risques de traite des êtres humains ou de revictimisation. Enfin cela les aide à se reconstruire et à obtenir réparation des graves préjudices qu’ils ont subis.

La lutte contre la traite des mineurs doit passer par la protection et l’accompagnement des enfants et la réparation ; tout ceci sans discrimination.

La France est devenue en 2022 “pays pionnier dans le cadre de l’Alliance 8.7, un partenariat mondial engagé à atteindre la cible 8.7 des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 établis par les Etats membres des Nations Unies. Mais la mise en œuvre effective des mesures prévues dans le cadre de la Stratégie nationale d’accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage contemporain tarde à se concrétiser dans certains domaines.

Les questions liées à l’exploitation et la traite des enfants ont été peu prises en compte dans les précédents rapports de suivi de la mise en œuvre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en France.

Pourtant le sujet est aujourd’hui préoccupant qu’il s’agisse de nouvelles formes de traite se développant sur internet et les réseaux sociaux, une traite davantage cachée suite aux confinements de la crise Covid ; la conscience du risque de traite des mineurs mis en exergue par les conséquences de la guerre en Ukraine et des évolutions actuelles dans les différentes formes de traite ou les méthodes d’exploitation :

  • Utilisation de drogues pour avoir une emprise plus forte sur des enfants parfois très jeunes et développement de la traite à des fins de commettre des délits,
  • Développement de plateformes et ubérisation qui rend facile l’utilisation de mineurs exploités au travail dans la restauration, les livraisons, le ménage et des services à la personne ;
  • Une exploitation des mineurs de plus en plus jeunes ;
  • L’utilisation de sextorsion  grâce aux réseaux sociaux.

Concernant la lutte contre les discriminations

La non-discrimination de certains enfants à risque d’exploitation demande de plus en plus une attention particulière ; en effet, certains enfants (en famille ou mineurs non accompagnés) sont moins bien pris en compte parce que confiés à l’Aide Sociale à l’enfance, ASE, ou à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, PJJ: cela doit changer. La France a montré qu’elle était capable de mettre en œuvre une protection de l’enfance améliorée pour les enfants de nationalité ukrainienne.

Il est attendu des démarches et des moyens similaires pour tous les enfants, quel que soit le pays d’origine, le sexe, la vulnérabilité (et en particulier la situation de handicap).

Concernant l’entière protection des enfants

Ces mineurs doivent sur l’ensemble du territoire relevant de la République française être toujours considérés comme victimes ou survivants, et non comme « délinquants » ou « migrants irréguliers » ; la présomption de minorité doit, en cas de doute, leur être automatiquement accordée ; et la transition vers la majorité préparée et accompagnée au-delà de 18 ans ; la collaboration au niveau international est aussi une nécessité.

Ces mineurs doivent recevoir systématiquement le soutien d’un administrateur ad hoc, s’ils sont isolés ou en danger dans leur famille et l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours être pris en compte dans les démarches réalisées.

Concernant leur accompagnement

La coordination étroite et constante entre les services publics et les associations travaillant auprès de ces mineurs victimes ou potentielles victimes est impérative. Elle doit leur offrir les conditions d’accès aux droits fondamentaux leur assurant :

  • la santé,
  • un hébergement sécurisant,
  • une éducation adaptée,
  • une formation,
  • l’aide à la reconstitution de leurs documents d’état civil si nécessaire,
  • l’accès aux services bancaires qui est un préalable à de nombreux droits (pour obtenir un stage en alternance rémunéré dès 16 ans, et dès 18 ans pour les remboursements de soin ou pour recevoir une allocation…),
  • des conditions de vie décentes…
  • sans oublier l’accès à la culture et aux loisirs.

Cela suppose un engagement clair de l’Etat par des financements pérennes, une concertation et une mutualisation constante des approches et des moyens d’accès aux droits avec le réseau des associations spécialisées.

Concernant la réparation

Dans le suivi de ces jeunes, les instances publiques doivent intégrer la notion de long terme sur tous les plans (justice, formation, conditions de vie).

Elles doivent particulièrement veiller à ce que le passage à la majorité ne casse pas ce processus de réparation et s’intègre à la reconstruction du jeune.

 

Télécharger le document* Pour un accès de tous les enfants aux droits communs

*Sommaire du document :

1 – Les addictions des jeunes et l’inadaptation des dispositifs de soin pour les mineurs
2 – La question du principe de non-sanction des mineurs victimes de traite
3 – La traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou de prostitution de mineurs
        3.1 – Définition de l’exploitation sexuelle des enfants
dans le contexte de la prostitution et de la « vente d’enfants » dans le droit pénal (dans le code pénal).
        3.2 – Protection de l’enfant. Lutte contre l’exploitation sexuelle, la prostitution enfantine.
       3.3 – Protection de l’enfant. Lutte contre l’exposition à la pornographie sur internet et les réseaux sociaux
         3.4 – Les sites publiant des annonces favorisant la traite des êtres humains
       3.5 – Accès à un soutien psychologique, médical et social
         3.6 – L’éducation à la vie relationnelle, sexuelle et affective
4 – Le dispositif expérimental visant à protéger les mineurs victimes de traite des êtres humains, de 2016
5 – Création d’une structure spécialisée pour l’accueil de mineurs et jeunes victimes de traite des êtres humains
6 – Intégrer la traite des êtres humains dans les programmes de formation des professionnels
7 – Les mineurs en situation d’exploitation au travail
8 – Les conditions de vie psychique des mineurs victimes de traite des êtres humains
9 – L’hébergement
      9.1 – L’hébergement d’urgence pendant des premiers jours de la vie
      9.2 – L’hébergement des mineurs non accompagnés à risque ou victimes de traite
10 – Difficultés d’accès aux services bancaires pour les mineurs non accompagnés ou les mineurs relevant de l’Aide Sociale à l’Enfance
11 – Responsabilité des personnes morales des entreprises vis à vis des enfants, notamment dans le secteur du tourisme
12 – Exploitation et traite d’enfants handicapés
13 – Gestation pour autrui et traite des êtres humains dans le contexte de la guerre en Ukraine : un révélateur pour d’autres nationalités

Un cri pour la paix

Cette année, notre prière est devenue un « cri », parce qu’aujourd’hui la paix est gravement violée, blessée, foulée aux pieds et cela en Europe, c’est-à-dire sur le continent qui, au siècle dernier, a vécu les tragédies des deux guerres mondiales – et nous sommes dans la troisième. Malheureusement, depuis lors, les guerres n’ont jamais cessé d’ensanglanter et d’appauvrir la terre, mais le moment que nous vivons est particulièrement dramatique.

[…] La paix est au cœur des religions, dans leurs Écritures et dans leur message. Dans le silence de la prière, ce soir, nous avons entendu le cri de la paix : la paix étouffée dans tant de régions du monde, humiliée par trop de violence, niée même aux enfants et aux personnes âgées, qui ne sont pas épargnés par la terrible dureté de la guerre. Le cri de la paix est souvent étouffé non seulement par la rhétorique de la guerre, mais aussi par l’indifférence. Il est réduit au silence par la haine qui grandit en combattant.

Mais l’invocation à la paix ne peut être réduite au silence : elle s’élève du cœur des mères, elle est inscrite sur le visage des réfugiés, des familles en fuite, des blessés ou des mourants. Et ce cri silencieux monte jusqu’au Ciel. […] Il mérite que tous, à commencer par les dirigeants, se penchent pour l’écouter, avec sérieux et respect. Le cri de la paix exprime la douleur et l’horreur de la guerre, mère de toutes les pauvretés.

[…] Aujourd’hui, ce que nous craignions et ne voulions jamais entendre se produit : c’est-à-dire que l’utilisation des armes atomiques, que l’on a continué à produire et tester de manière coupable après Hiroshima et Nagasaki, constitue maintenant une menace ouverte.

[…] Ne nous laissons pas contaminer par la logique perverse de la guerre, ne tombons pas dans le piège de la haine de l’ennemi. Remettons la paix au cœur de notre vision de l’avenir, comme objectif central de notre action personnelle, sociale et politique, à tous les niveaux. Désamorçons les conflits avec l’arme du dialogue.

Rencontre interreligieuse de Sant’Egidio, au Colisée, 25 octobre 2022.

 

« Seigneur, pardonne-nous la guerre »
Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs !
Seigneur Jésus, né sous les bombes de Kiev, aie pitié de nous !
Seigneur Jésus, qui est mort dans les bras de sa mère dans un bunker de Kharkiv, aie pitié de nous !
Seigneur Jésus, envoyé au front à vingt ans, aie pitié de nous !
Seigneur Jésus, qui voit encore des mains armées à l’ombre de ta croix, aie pitié de nous !

Pardonne-nous, Seigneur,
Si, non contents des clous avec lesquels nous avons percé ta main, nous continuons à boire le sang des morts déchirés par les armes.
Pardonne-nous, Seigneur,
si ces mains, que tu as créées pour protéger, sont devenues des instruments de mort.
Pardonne-nous, Seigneur,
si nous continuons à tuer notre frère, si nous continuons comme Caïn à enlever des pierres de notre champ pour tuer Abel.
Pardonne-nous, Seigneur,
si nous continuons à justifier la cruauté par notre fatigue, si par notre douleur nous légitimons la cruauté de nos actes.
Pardonne-nous la guerre, Seigneur.
Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, nous t’implorons ! Arrête la main de Caïn !
Éclaire notre conscience, que ce ne soit pas notre volonté qui soit faite,
Ne nous abandonne pas à nos propres actions !
Arrête-nous, Seigneur, arrête-nous !
Et quand tu auras arrêté la main de Caïn, occupe-toi de lui aussi. C’est notre frère.
Ô Seigneur, arrête la violence !
Arrête-nous, Seigneur !

Prière lue le 16 mars 2022 par le Pape François à l’issue de son audience générale, prière composée par Mgr Domenico Battaglia, archevêque de Naples.

 

Un échec de la politique et de l’humanité

« On fait facilement le choix de la guerre sous couvert de toutes sortes de raisons, supposées humanitaires, défensives, ou préventives, même en recourant à la manipulation de l’information. De fait, ces dernières décennies, toutes les guerres ont été prétendument “justifiées”. Le Catéchisme de l’Église catholique parle de la possibilité d’une légitime défense par la force militaire, qui suppose qu’on démontre que sont remplies certaines « conditions rigoureuses de légitimité morale ». Mais on tombe facilement dans une interprétation trop large de ce droit éventuel. (…) Le problème, c’est que depuis le développement des armes nucléaires, chimiques ou biologiques, sans oublier les possibilités énormes et croissantes qu’offrent les nouvelles technologies, la guerre a acquis un pouvoir destructif incontrôlé qui affecte beaucoup de victimes civiles innocentes. (…) Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Il est important d’ajouter qu’avec le développement de la mondialisation, ce qui peut apparaître comme une solution immédiate ou pratique à un endroit dans le monde crée un enchaînement de facteurs violents, très souvent imperceptibles, qui finit par affecter toute la planète et ouvrir la voie à de nouvelles et pires guerres à l’avenir. Dans notre monde il n’y a plus seulement des “morceaux” de guerre dans tel ou tel pays, mais on affronte une “guerre mondiale par morceaux”, car les destins des pays sont fortement liés entre eux sur la scène mondiale. (…)

Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal. (…) Les lois ne suffiront pas non plus si l’on pense que la solution aux problèmes actuels consiste à dissuader les autres par la peur, en menaçant de l’usage d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques. Car « si nous prenons en considération les principales menaces à la paix et à la sécurité dans leurs multiples dimensions dans ce monde multipolaire du XXIe siècle, comme par exemple le terrorisme, les conflits asymétriques, la cybersécurité, les problèmes environnementaux, la pauvreté, de nombreux doutes surgissent en ce qui concerne l’insuffisance de la dissuasion nucléaire comme réponse efficace à ces défis. Ces préoccupations assument une importance encore plus grande si nous considérons les conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques qui découlent de toute utilisation des armes nucléaires ayant des effets dévastateurs indiscriminés et incontrôlables, dans le temps et dans l’espace. (…) Nous devons également nous demander dans quelle mesure un équilibre fondé sur la peur est durable, quand il tend de fait à accroître la peur et à porter atteinte aux relations de confiance entre les peuples. La paix et la stabilité internationales ne peuvent être fondées sur un faux sentiment de sécurité, sur la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total, ou sur le seul maintien d’un équilibre des pouvoirs. (…) Dans ce contexte, l’objectif ultime de l’élimination totale des armes nucléaires devient à la fois un défi et un impératif moral et humanitaire. (…)

Extraits de l’encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020).

 

Mosquée Al-Azhar © https://commons.wikimedia.org/

La culture du dialogue comme chemin

« Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix. […] Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux. Au nom de cette fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes. Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle. Au nom de la justice et de la miséricorde, fondements de la prospérité et pivots de la foi. Au nom de toutes les personnes de bonne volonté, présentes dans toutes les régions de la terre.

Au nom de Dieu et de tout cela, Al-Azhar al-Sharif – avec les musulmans d’Orient et d’Occident –, conjointement avec l’Église catholique – avec les catholiques d’Orient et d’Occident –, déclarent adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère.

Nous […] demandons à nous-mêmes et aux Leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation environnementale et au déclin culturel et moral que le monde vit actuellement.

[…] Nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. […] Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens.

En conclusion, nous souhaitons que cette Déclaration soit une invitation à la réconciliation et à la fraternité entre tous les croyants, ainsi qu’entre les croyants et les non croyants, et entre toutes les personnes de bonne volonté ; un appel à toute conscience vivante qui rejette la violence aberrante et l’extrémisme aveugle ; un appel à qui aime les valeurs de tolérance et de fraternité, promues et encouragées par les religions ; soit un témoignage de la grandeur de la foi en Dieu qui unit les cœurs divisés et élève l’esprit humain ; un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment.

Déclaration commune du pape François et du grand imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, à Abou Dhabi, le 4 février 2019.