Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Vendredi, 21 octobre 2022

Tchad : La répression systématique des manifestations contre la prolongation de la période de transition doit immédiatement cesser
Des manifestations ont eu lieu jeudi 20 octobre 2022 contre la prolongation de la période de transition au Tchad et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Deby Itno. Selon les chiffres du gouvernement tchadien, il y aurait au moins « une cinquantaine de morts et plus de 300 blessés ». Les signataires de ce communiqué appellent les autorités tchadiennes à mettre immédiatement fin à la répression des manifestants, conformément à la Constitution tchadienne et aux obligations internationales auxquelles adhère le Tchad. Nous invitons les acteurs internationaux à agir fermement pour mettre fin à cette spirale de violences.

Jeudi 20 octobre 2022, à l’appel d’une plateforme regroupant une partie de l’opposition politique et des organisations de la société civile, des manifestants sont descendus dans les rues de la capitale N’Djaména et de plusieurs villes de provinces dont Moundou pour dénoncer la prolongation de la période de transition. Le 10 octobre dernier, à l’issue d’un dialogue dit de « réconciliation nationale » boycotté par une partie de la société civile et de l’opposition, Mahamat Idriss Déby Itno a été investi comme Président de transition pour vingt-quatre mois supplémentaires. Il a aussi obtenu le droit de se présenter en tant que candidat aux prochaines élections présidentielles en contradiction avec la décision du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine du 3 août 2021 [1] et réaffirmée le 19 septembre 2022 fixant au 20 octobre 2022 la fin de la transition et interdisant aux membres du Conseil militaire de transition (CMT) d’être candidat aux élections à la fin de la transition [2].

La manifestation du 20 octobre avait été interdite par les autorités mais de nombreuses mobilisations ont néanmoins été organisées dans les différents quartiers des villes de N’Djamena et Moundou notamment. Ces manifestations ont été immédiatement réprimées par les forces de l’ordre par le jet de gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. Selon le Premier ministre du gouvernement de transition tchadien, au moins une « cinquantaine » de personnes ont été tuées, dont une « dizaine » de membres des forces de sécurité. Il y aurait aussi « plus de 300 personnes blessées ». Mais le bilan pourrait être bien plus lourd que celui annoncé par les autorités. Les organisations de la société civile continuent à documenter les violences en se rendant dans les différents hôpitaux et centres de santé où se trouvent de très nombreux blessés.

Parmi les victimes, on déplore notamment le décès du jeune journaliste Narcisse Oredje. L’artiste Ray’s Kim, engagé depuis de nombreuses années dans la promotion des droits humains et de la démocratie, serait à l’hôpital en soins intensifs après avoir été touché par balle. Ces deux cas sont emblématiques de la brutalité qui s’est abattue sur tous les citoyens présents dans les rues tchadiennes ce jeudi 20 octobre 2022.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’association et de réunion pacifique, Clément Voule, a rappelé aux autorités tchadiennes que « tout recours à un usage excessif de la force contre les manifestants expose leurs auteurs à des poursuites conformément aux standards internationaux ».

Alors que les violations des droits humains perdurent, la France et l’UE ont soutenu la transition et ont maintenu la coopération avec le Tchad, notamment la coopération militaire et policière. La communauté internationale ne peut se contenter de déplorer ces violences et d’appeler à les faire cesser. Le régime doit être isolé et des sanctions ciblées doivent être mises en place tout en veillant à ce que la population tchadienne ne soit pas la première impactée.

Les organisations signataires de ce communiqué demandent :
– aux autorités tchadiennes de mettre fin, de façon immédiate, à l’usage délibéré et excessif de la force létale à l’encontre de manifestants ;
– à l’ensemble des acteurs internationaux (États européens, États-Unis, ONU, Union Africaine…) de condamner le recours à la force contre les manifestations pacifiques et d’exiger des enquêtes indépendantes sur ces violations massives des droits humains ;
– à la France et aux Etats-Unis de suspendre toute coopération avec les forces de défense et de sécurité impliquées dans ces violences ; – à l’ensemble de la Communauté Internationale, et notamment la France et l’UE, d’envisager la mise en place de sanctions ciblées à l’encontre du gouvernement tchadien et des personnes responsables de la répression.

Télécharger le Communiqué Tchad v.fr  (PDF)

[1] Union Africaine, Communiqué de la 1016eme réunion du CPS, 3 août 2021 : https://bit.ly/3TmJppH 
[2] Union Africaine, PSC/PR/COMM.1106 (2022), 19 septembre 2022, Addis-Abéba http://www.peaceau.org/uploads/1106th-comm-fr.pdf 

 

La Conférence des Evêques du Tchad constate avec douleur et amertume, qu’une fois de plus, le sang des filles et des fils du Tchad a coulé ce 20 octobre 2022 au cours d’une manifestation qui se veut pacifique mais qui a été violemment réprimée. Elle exprime son regret et son indignation face à cette situation qui a causé tant de pertes en vies humaines et matérielles. Elle dénonce ces violences injustifiables contre une population déjà sinistrée par des inondations et proteste avec véhémence contre ces violations de la dignité humaine.

Dans cette circonstance dramatique, elle présente ses condoléances à toutes les familles victimes de ces atrocités et au peuple tchadien. Elle prie pour le repos des âmes des victimes précocement arrachées à la vie et pour le prompt rétablissement des blessés tout en rassurant chacun de sa proximité et de son soutien moral.

Elle exprime par ailleurs sa vive préoccupation et demande à tous les acteurs politiques et les forces de défense et de sécurité de privilégier, dans toutes les circonstances, le dialogue sincère et le respect de la dignité de l’homme e de la sacralité de la vie humaine.

La CET invite toutes les communautés et les institutions chrétiennes catholiques, les fidèles du Christ, les croyants, les hommes et les femmes de bonne volonté de prier sans cesse pour la réconciliation des cœurs afin de favoriser la paix dans notre pays.

Télécharger le Communiqué de la Conférence des Evêques du Tchad   (PDF)

L’Europe d’après 1945, et en dépit des rivalités géopolitiques dont elle était le terrain, a exploré la voie de la réconciliation entre la France et l’Allemagne et construit des États-Providence pour mieux faire société.

Ce sont cette utopie et cette ambition qui sont aujourd’hui attaquées de toute part. Les pouvoirs autoritaires et dictatoriaux s’installent dans des logiques brutales d’un passé qu’on voulait révolu et qui ne l’est pas. Dans nos démocraties, des voix se font entendre qui critiquent, de manière plus ou moins argumentée, l’idéalisme européen. L’histoire est convoquée, instrumentalisée, ou pire encore niée pour nourrir des fantasmes ou des rancœurs ravageuses.

Serions-nous prisonniers de notre histoire ? Serait-on condamné à la répéter au prétexte qu’il ne peut pas y avoir de progrès, que la nature humaine est conflictuelle, que le pouvoir est expansionniste et ne connaît que les rapports de forces ? Qu’ont à dire les chrétiens ? Les entend-on aujourd’hui alors même qu’ils sont porteurs d’une mémoire qui les dépasse ?

*Vendredi 9 décembre 2022 – 9h00-17h00
58, avenue de Breteuil, 75007 Paris

Télécharger le programme  (PDF) de la journée

Inscription au colloque : https://colloqueofc2022‐cef.venio.fr/fr
Secrétariat OFC : 01 72 36 68 16 ofc@cef.fr