Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Derrière cette formule provocatrice, voire simpliste, plusieurs remarques et interrogations se présentent.

D’abord la défaite, bien plus que la victoire, ne caractérise-t-elle pas beaucoup des opérations entreprises par les grandes puissances militaires depuis 1945 ?

À tout seigneur tout honneur, les États-Unis, en guerre sans discontinuer depuis cette date, n’ont pratiquement connu que des défaites dans les conflits majeurs. Contrairement aux perceptions courantes, depuis la guerre de Corée, du Vietnam à l’Afghanistan, en passant par Cuba, les opérations militaires n’ont, pour le moins, pas été suivies par des succès politiques probants. On inclura sans peine l’Irak, et plus encore l’Afghanistan. Au lieu de ressasser après Carl von Clausewitz que la guerre est la politique poursuivie par d’autres moyens, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur la construction de la perception de « victoires » lors de défaites concrètes ?

Pour rester dans les puissances occidentales, les guerres de décolonisation peuvent difficilement passer pour des victoires. Les guerres dans les Balkans donnent le beau rôle militaire aux États-Unis à travers l’OTAN. Mais finalement n’est-ce pas la gestion économique et sociale de ces conflits par l’Union qui a limité et, en partie, pacifié la région ? En revanche, et quelles que soient les justifications, la plupart des d’opérations françaises en Afrique et la fin récente de celle au Mali laissent un goût amer.

Passons à l’URSS puis à la Russie. Sauf à considérer que l’aide (surtout matérielle) aux pays en décolonisation a été bénéfique au statut international de l’empire russe, le bilan militaire n’est pas brillant, de l’Afghanistan à actuellement l’Ukraine.

« Les fausses victoires »

La puissante Chine dissimule mal l’échec de son agression frontalière contre les forces vietnamiennes de février à mars 1979, qui n’avait pas fait varier les objectifs vietnamiens. Pas plus que lors des affrontements de 1984. Sans doute, ses forces croissantes inquiètent la plupart de ses voisins et au-delà, mais sans vérification de terrain. Qu’on ne souhaite pas.

Le but de cet historique incomplet (notamment quant à la guerre contre Israël de 1967 et aux modes d’affrontements israélo-arabes depuis, mais il faudrait aussi analyser les « victoires » d’Israël), vise à interroger la perception courante des gains de la force militaire dans la politique internationale. Il ne s’agit pas de nier l’usage de la force létale, mais les défaites des agresseurs ne sont-elles pas sous estimées, notamment par des constructions de perceptions ?

Dans cette remise en cause de la perception commune (mais construite) de prétendue victoire militaire, ne faut-il pas avoir le courage d’examiner quelques effets paradoxaux des armes nucléaires ?

Celles-ci sont généralement déclarées hors débat public en France sous l’argument de la dissuasion, donc défensives. Or la France est le seul membre de l’Union à en disposer de façon autonome (avec le Royaume-Uni en Europe) mais elle bénéficie plus d’une retenue polie que d’un appui réel de la part des autres membres de l’Union. Non sans hypocrisie de leur part d’ailleurs puisqu’ils sont maintenant 23 sur 27 membres à accepter les armes nucléaires étasuniennes de l’OTAN -et la stratégie afférente- y compris sur leur sol pour plusieurs d’entre eux (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Turquie) en permanence ou rapidement déployables pour la plupart des autres.

Dans le contexte où la papauté réclame explicitement une dénucléarisation progressive dans les instances internationales, quelle réflexion pour les catholiques ?

N’y a-t-il pas lieu de reposer la question : dans quelle mesure peut-on admettre que la menace nucléaire a des effets inhibants ? La gesticulation poutinienne autour de cette arme (sans doute moins crédible que l’emploi du chimique) ne révèle-t-elle pas qu’elle contraint à l’usage, éventuellement de « haute intensité », des armes classiques (ou conventionnelles) ? Un « plafond de verre » existe-t-il qui arrête devant le passage à ce qui serait une guerre d’extermination ou d’anéantissement ?

De façon plus constructive, une « transition nucléaire » ou si l’on veut des avancées vers la dénucléarisation, ne pourrait-elle pas accompagner la prise en compte d’une dévalorisation de la notion et de la perception des victoires militaires, et la réalité des défaites dans l’emploi de la force comme moyen de la politique.

Ce qui ne signifie pas que d’autres moyens ne caractérisent les politiques de domination du XXIe siècle : économiques, techniques, culturelles, dont la construction des perceptions collectives.

La « victoire », une infox ?

 

Il semble difficile pour le commun des mortels de prendre conscience de l’urgence de la transition énergétique. Oui, il faut consommer moins d’énergie et il faut abandonner sans tarder l’énergie fossile, en particulier celle du pétrole.

Or TotalEnergies poursuit son développement dans ce domaine, au-delà des importantes réserves qu’il contrôle déjà, comme si l’avenir devait ressembler au passé. Il se prépare à mettre en production des champs découverts dans l’ouest de l’Ouganda, au cœur du parc national des Murchison Falls au bord du lac Albert, lac frontalier avec une région instable de la République Démocratique du Congo. Comme cet important champ pétrolier est très éloigné des côtes, il est prévu de construire un pipeline (appelé EACOP) de 1440 kms de long pour amener le brut jusqu’à un port pétrolier à construire à Tanga sur l’océan indien dans le nord de la Tanzanie. Ce pipeline devra être chauffé et le pétrole pulsé.

Prouesse technique sans doute, mais catastrophe humaine et désastre écologique. On fait comme si seul le pétrole comptait. Certes il est prévu de compenser financièrement les familles et les communautés concernées, mais cela ne pourra jamais être à la hauteur des bouleversements radicaux que ce projet leur impose : expulsion de leurs terres, destruction de leurs villages, sans réinstallation. Quant à l’environnement naturel, il est largement oublié. Et pourtant, ce projet sera à l’origine de l’émission de plus de 34,3 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère chaque année. Comme dans le delta du Niger, les populations chercheront à se procurer du pétrole en perçant les tuyaux, générant de graves pollutions et des risques d’explosion meurtriers.

Les gouvernements ougandais et tanzanien sont favorables à ce projet qui sera source de revenus et renforcera leur pouvoir. Les populations et leurs organisations sont empêchées de présenter leurs inquiétudes et leurs réserves, sinon leur opposition. Car toute opposition fait l’objet de maltraitance, voire d’emprisonnement. Et les voix qui s’élèvent localement contre le projet se font rares.

TotalEnergies doit abandonner ce projet. Le Saint-Siège a clairement exprimé son opposition à plusieurs reprises, donnant clarté et force à la voix du pape François sur cette question. Soutenons cette position, pour le bien des ougandais et des tanzaniens et pour l’avenir de l’humanité toute entière.

 

Le prix du choix de la Collusion

Messieurs les Ministres, Monsieur le Gouverneur, chers Membres de la délégation, La paix soit avec vous ! Je vous remercie de me donner la parole.

Souffrez que je me permette de me départir de la langue de bois à laquelle vous êtes habitués. A l’école nous avons appris que la religion est l’opium du peuple. Oui, la religion peut être l’opium du peuple, mais l’Evangile n’est jamais l’opium du peuple. Comme pasteur, c’est au nom de l’Evangile que je voudrais vous parler.

Votre gouvernement a été formé le 14 octobre 2022.
Le massacre des jeunes a eu lieu le 20 octobre 2022 dans les villes de N’Djamena, Moundou, Doba et Koumra. Le bilan est lourd.
Devant la Nation, devant la Communauté internationale et devant Dieu vous êtes comptables de ce massacre.
Vous avez choisi de collaborer avec un régime que vous connaissez parfaitement, un régime militaro-dictatorial au nom de la théorie du moindre mal. Vous pensiez que si vous n’étiez pas dedans, la situation allait être pire. Maintenant que vous faites partie des rouages du système, votre choix du moindre mal devient le choix du mal.
Le mal s’est produit, il vous a éclaboussés et il s’évalue par de nombreuses victimes : des morts et des blessés ainsi que des dégâts matériels..

[…] Que l’Etat refuse d’assumer sa responsabilité n’a rien de nouveau ni d’étonnant. La nature d’un régime militaro-dictatorial est de commettre des crimes puis de chercher à couvrir son crime : tout le ballet diplomatique, toutes les missions de propagande comme celle que vous conduisez n’ont qu’un seul objectif, couvrir le crime commis par le Gouvernement du 14 octobre 2022….

Moundou, le 29 octobre 2022

Télécharger l’ Intervention   du 29 octobre 2022 (PDF) de Mgr l’évêque de Moundou, TCHAD, suite aux massacres