Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Si vous avez besoin de vous poser un peu et de réfléchir sereinement sur la société actuelle, découvrez la rencontre des Semaines sociales de France « La fraternité, notre combat – pour bâtir un avenir durable ».

Du 28 au 30 octobre, à Lille pour le plaisir des échanges en direct (et à un tarif absolument exceptionnel de 20 euros) ou en ligne pour la vivre à son rythme, venez nourrir votre réflexion sur le monde à la lumière de la pensée sociale chrétienne grâce à des conférences, des débats, des témoignages.

Avec Jean-Marc Sauvé, Cécile Duflot, Adrien Candiard, Pierre Servent et bien d’autres intervenants et témoins engagés, réfléchissons ensemble aux moyens de faire grandir la fraternité en inventant de nouvelles pratiques démocratiques, en luttant pour une planète vivable et pacifiée, en redécouvrant la fécondité fraternelle des religions.

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1 – Quelques chiffres concernant l’état de notre monde
La publication de l’INED (Institut national d’études démographiques) Population et sociétés présente régulièrement des chiffres révélateurs de l’évolution de notre monde. Le N° 603 (septembre 2022) intitulé Tous les pays du monde paraît 3 ans après la précédente étude, l’écart entre deux publications était habituellement de 2 ans.
Notre humanité compte 7975 millions d’habitants, soit 261 millions de plus qu’en 2019 (+3,4%). En nombre d’habitants, l’Union européenne vient en 3ème position, derrière la Chine et l’Inde. L’indice de fécondité (nombre d’enfants par femme) est passé de 2,4 à 2,3 (-0,1%). L’espérance de vie a baissé de 2 ans pour les hommes (69 ans) et de 1 an pour les femmes (74 ans).
« Le revenu national brut 2021 par habitant en parité de pouvoir d’achat » en dollars US, à l’échelle du monde se monte à 18456 $, +322 $ (1,77%) en 3 ans ; entre 2017 et 2019, le revenu moyen avait progressé de 11,1%. Pour la France, ce revenu moyen est de 54233 $, +15,6% en 3 ans. Quelques mises en perspective : le Japon a connu une légère baisse de revenu ; au Mali il a cru de 1,39% pour atteindre 2261 $. Un petit cocorico malin : l’écart entre le Royaume-Uni et la France est de 4783 $, à l’avantage de notre pays, il y a 3 ans l’écart n’était que de 1366 $, serait-ce une conséquence du Brexit ?
* Quelques réflexions à propos de ces chiffres bruts. 
Attention ! Il s’agit de moyennes ! Si l’on ne raisonne qu’en fonction du revenu moyen, on ignore une bonne part des situations sociales. Le Qatar caracole en tête avec plus de 100000 $ par habitant, mais cette richesse ne dit rien du nombre très important de travailleurs étrangers (non citoyens) sous payés et dont les droits élémentaires sont bafoués ; au moment du mondial de foot, n’oublions pas les 6500 personnes mortes sur les chantiers ! Pour la France, l’augmentation a été notable en 3 ans, mais on remarque en même temps que la précarité est en croissance ; un signe : le plus grand recours à l’aide alimentaire. En des pays très pauvres, quelques fortunes vertigineuses font monter la moyenne, mais ne profitent pas aux plus fragiles.
Il s’agit de moyennes concernant les flux monétaires et non de qualité de vie : la montée des prix de l’énergie va handicaper le pouvoir d’achat des ménages alors que leur revenu apparaîtra plus élevé. Une hausse du revenu moyen n’indique pas forcément un mieux vivre des populations, surtout en ce qui concerne les plus fragiles !
Nous voyons l’impact du Covid : une progression du revenu moyen bien plus faible qu’avant et surtout une baisse de l’espérance de vie à l’échelle du monde. Nous ne sommes plus dans la perspective d’une amélioration des conditions de vie pour tous, un esprit positif qui prévalait lors de la formulation des Objectifs du développement durable (ODD) de 2015. La prise en compte de la justice sociale à l’échelle du monde apparaît plus que jamais nécessaire, d’autant que la guerre en Ukraine accentue le ralentissement de la croissance. Mais n’oublions pas l’urgence des défis écologiques, notamment climatiques. Si la croissance des flux monétaires ne signifie pas un mieux vivre de l’ensemble de la population, elle risque aussi de coïncider avec une altération grandissante de notre environnement naturel.
* Comment mieux vivre ensemble ? 
Ces défis peuvent être vus comme une saine provocation. Nous avons évoqué la sobriété comme un possible chemin de libération (DIÈSE de septembre).  Retenons l’urgence d’une plus grande justice sociale, à l’avantage des populations les plus fragiles, chez nous et dans le monde. Une meilleure répartition des biens ne se réduit pas à un réglage mécanique, elle suppose un partage fondé sur un esprit de solidarité. Nous pouvons agir de telle sorte que la fraternité inscrite au fronton de nos édifices publics inspire nos pratiques. Sobriété et solidarité ne sont pas des contraintes, elles peuvent ouvrir des chemins de vie partagée. Pourquoi se priver des bienfaits de la fraternité ?

2 – D’autres chiffres indicateurs de souffrances
* En France, plus de 3 millions de personnes
(dont des jeunes familles avec enfants) vivent sous le seuil de pauvreté. À l’occasion de la rentrée scolaire, plusieurs associations se sont mobilisées parce qu’il y a 1600 mineurs sans abri ; comment un enfant peut-il profiter des bienfaits de l’école quand sa famille ne dispose pas d’un toit et qu’il arrive fatigué en classe ? Des enseignants font preuve d’inventivité pour les aider, mais ils ne peuvent compenser à eux seuls les manques de la société. Notre pays jouit d’une bonne place en matière de richesse et nous ne sommes pas capables de résoudre ces problèmes de grande pauvreté ! Il y a bien des failles dans nos politiques sociales ! Or les débats politiques nourrissent souvent des polémiques artificielles au lieu de s’intéresser à la détresse des plus pauvres. Dommage pour notre vie démocratique !
* Les instances internationales signalent que 356 millions de personnes se trouvent en situation d’extrême pauvreté dans le monde (moins de 1,9 € par jour), un chiffre en nette augmentation. L’enrichissement global s’accompagne d’une dégradation de la situation des plus pauvres.
* Notre planète peut-elle nourrir tous ses habitants ? Sous l’égide de  l’ONU, le 29 septembre est la journée de sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture. Dans le monde, 14% des produits alimentaires sont perdus après la récolte et 17% sont gaspillés au stade de la vente et des consommateurs ; soit plus de 30% de la production qui ne sert pas à nourrir la population. Le pape François dénonce une « culture du jetable », un désintérêt pour les biens fondamentaux, ce qui prive les pauvres de ce dont ils ont besoin pour vivre dans la dignité. Le cri des affamés doit résonner dans les centres de décision. Il conclut : « Il faut mettre fin à la spéculation alimentaire ».

 3 – Des chiffres prometteurs : vive les associations ! On dénombre 1,3 million d’associations en France ; elles représentent
un atout remarquable pour la qualité de la vie commune. Elles sont actives grâce à l’engagement de 22 millions de bénévoles, si tous se mettaient « en grève » notre vie sociale en serait gravement troublée. 10% des associations emploient des salariés, principalement dans le monde sanitaire et social. Ce qui représente environ 2 millions d’emplois dans lesquels les femmes sont majoritaires. Comparaison : les 110 plus grandes entreprises privées emploient 2,1 millions de personnes…

Deux points d’attention. L’articulation de l’engagement des bénévoles et des salariés au service d’un même bien commun incarné en telle institution représente une expérience intéressante : la recherche d’un intérêt individuel n’est pas le seul motif d’engagement ! La différence de statut ne conduit pas fatalement à des rivalités. La qualité des relations entre les différents acteurs rejaillit sur la qualité des services rendus aux personnes en souffrance. La bienveillance peut être heureusement communicative !

Nous apprenons la mort de Bruno LATOUR, nous reparlerons de ses apports !

Télécharger le  n° 49 octobre 22 (PDF)

Le 27 août a été un jour très particulier pour l’Église en Inde : Mgr Anthony Poola, archevêque de Hyderabad et Mgr Filipe Neri Ferrao, archevêque de Goa et Daman ont été élevés au rang de cardinaux par le pape François au Vatican. Ce qui ajoute à l’importance de cette nomination pour l’Église en Inde, c’est que pour la toute première fois, un membre de la communauté dalit est devenu cardinal !

Le mot « Dalit » trouve ses racines dans le sanskrit « dalita » qui signifie « divisé, brisé, dispersé ». Il s’agit d’un concept développé par ceux que l’on appelle les « intouchables » pour ceux qui, depuis des siècles et encore aujourd’hui, se trouvent en dehors de la hiérarchie traditionnelle des castes hindoues.

La plupart des Dalits sont toujours condamnés à être engagés dans des emplois subalternes et serviles, tels que le transport des déchets, le nettoyage des toilettes, la lessive, la crémation ou l’enterrement de corps ou de carcasses, le travail du cuir, le pavage des routes et la servitude pour dettes dans le secteur agricole. Le fait de devenir chrétiens a certainement aidé beaucoup d’entre eux à avoir une vie meilleure : certains sont instruits et ont un bon emploi. Beaucoup sont également devenus prêtres et religieuses. Une enquête menée par certains chrétiens dalits indique que beaucoup d’entre eux se sentent encore discriminés au sein de l’Église. Si les dalits constituent un segment assez important de l’Église en Inde, peu de dalits sont en position d’autorité et encore moins devenus évêques.

Il est donc naturel qu’avec la nomination du cardinal Anthony Poola au collège des cardinaux, les chrétiens dalits ne ressentent pas seulement un sentiment d’allégresse, mais aussi un nouvel élan. Ils considèrent que c’est un honneur pour leur communauté et que c’est un véritable signe de reconnaissance du Pape François de l’oppression qu’ils subissent depuis des siècles.

 

* Cédric Prakash est un prêtre jésuite et un écrivain militant pour les droits de l’homme, la justice, la réconciliation et la paix. Il a entre autres été nommé Chevalier de la Légion d’honneur par le Président français.