Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Au nom de la protection du « monde russe », Vladimir Poutine a décidé d’envahir à nouveau l’Ukraine, en commençant par le Donbass, le 21 février dernier.[1] Il a été soutenu par le patriarche orthodoxe Cyrille de Moscou. Avant même le début de la guerre, le patriarche parlait de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie comme appartenant à « la Sainte Russie » et considérait les gens qui y habitaient comme « liés par un seul fond baptismal« . Le 6 mars dernier, après l’invasion de toute l’Ukraine par l’armée russe, il ajouta, de façon plus manichéenne que chrétienne, que cette idéologie du monde russe était la seule en mesure de lutter contre le monde occidental « décadent » considéré comme « le monde de la gay-pride ». Dans son sermon du 9 mars, le primat de l’Église russe est revenu sur le fait que pour lui les habitants de la Russie et de l’Ukraine formaient « un seul peuple russe« .[2]

Cette idéologie du « russki mir » a été vertement condamnée le 13 mars dernier par une déclaration fameuse signée par plus de 70 théologiens orthodoxes au motif qu’elle ne saisit la nation que de façon ethnique.[3] Le récit du président Poutine, soutenu par le patriarche Cyrille et un certain nombre d’idéologues comme Alexandre Douguine et Vladislav Sourkov, consiste, pour le dire brièvement, à affirmer que la Russie doit sortir de son état « d’abaissement », voire « d’humiliation », politico-économique, pour retrouver la grandeur de la Sainte Russie, rassembler l’ensemble des terres russes partout où se trouvent des minorités russophones, et créer un vaste empire eurasiatique qui deviendrait un contre-modèle à la civilisation occidentale, sécularisée et décadente.

Dans mon livre « Russie-Ukraine de la guerre à la paix ? », publié en 2014, j’avais expliqué que l’hérésie chrétienne du monde russe s’était construite sur la base d’une fausse historiographie et d’une fausse théologie du politique. Le 12 juillet 2021, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a confirmé ma thèse en publiant un article intitulé « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »[4]. Le président russe y affirmait que « les Russes et les Ukrainiens forment un seul peuple » et déniait aux Ukrainiens le droit de former un État indépendant de la Russie. L’historien Nicolas Karamzine (1766-1826) fut à l’origine de ce récit mythologique qui sert de fondation à l’idéologie impériale de l’État russe. Celle-ci a été résumée de la façon suivante par l’historien russe Nikita Sokolov :

« Depuis toujours l’État puissant se construit de façon spécifique et distincte du modèle ‘européen’. La Russie depuis mille ans vit dans un état de forteresse assiégée, entourée par des forces hostiles. Dans ces conditions l’unique moyen de préserver la nation est de concentrer toutes les ressources – économiques, matérielles, mais aussi idéologiques – dans les mains d’un seul centre directeur qui seul peut les distribuer de la meilleure façon, en évitant les disputes fatales qui apparaissent nécessairement lorsque se produit un contrôle social de celles-ci. Les droits de l’homme deviennent secondaires au nom de la conservation du tout de ‘l’État’, de la ‘nation’. L’État, le principal défenseur de la ‘forteresse assiégée’ a le droit entier d’utiliser la violence contre les dissidents au nom de la préservation de l’unité monolithique du ‘peuple’ ».[5]

En 1928, l’historien russe émigré Georges Fedotov (1886-1951) a proposé un récit alternatif à la théologie politique monolithique et stato-centrée de Karamzine. Il était possible selon lui de penser la séparation des pouvoirs temporels et spirituels en même temps qu’un certain niveau de coopération entre l’État et l’Église. Mais à la seule condition que « la vérité » du Christ trône au-dessus des deux pouvoirs et qu’aucun des deux ne puisse se l’approprier à lui seul. C’est là que se trouvait selon lui le génie du métropolite Philippe de Moscou (1507-1569). Selon ce chef de l’Église moscovite, le tsar Ivan le Terrible ne se trouvait pas plus haut que la justice-vérité, la pravda. C’est pourquoi il considérait de sa responsabilité de rappeler au tsar qu’il était lui-même soumis à la norme de la loi divine. Mais il mourut étouffé par les émissaires du tsar. Depuis ce temps en Russie, ni l’Église ni l’État n’ont pu trouver une juste compréhension de la souveraineté divine et de son expression trinitaire dans l’histoire.

Les Ukrainiens, ainsi que le peuple russe, paient donc aujourd’hui les conséquences d’une conception hérétique de la souveraineté divine, d’une représentation mythologique de l’histoire, d’une vision impériale de l’État et d’une conception ethnique de la nation.

[1] Часовая речь Путина о признании ЛНР и ДНР. «Бумага» (paperpaper.ru) 

[2] Des changements tectoniques arrivent dans l’orthodoxie mondiale ! (Partie 1) (egliserusse.eu)

[3]LOrthodoxie-la-Russie-et-lUkraine-Déclaration-sur-le-Monde-russe-13-mars-2022-Rev2.pdf (publicorthodoxy.org)

[4] Стаття Володимира Путіна «Про історичну єдність росіян та українців» • Президент России (kremlin.ru)

[5] http://polit.ru/article/2008/10/15/history/

Les choix politiques que nous ferons lors des élections présidentielles auront un impact sur le reste de notre monde confronté à une grave crise écologique, sociale, économique, sanitaire et politique, et actuellement, des atteintes à la paix et au droit international au cœur même de l’Europe. C’est pourquoi trente-six organisations chrétiennes appellent à un large débat des candidats et des citoyens sur trois défis majeurs

Pour que la démocratie puisse correctement s’exercer, l’attention aux plus vulnérables doit constituer un axe central de la vie politique. La justice exige que chacun – homme, femme, enfant, jeune, aîné – soit respecté dans sa dignité inaliénable d’être humain, puisse exercer ses droits les plus fondamentaux (travail, alimentation, habitat décent, éducation, santé, culture) et participer à la vie sociale…

Pour garantir l’avenir des générations futures, l’urgence écologique implique des changements immédiats. Les décisions prises aujourd’hui seront déterminantes pour maintenir la vie sur terre. Certains effets du changement climatique et de la destruction de la biodiversité sont d’ailleurs déjà sans retour et nous devons trouver des solutions pour nous y adapter. La raréfaction des terres cultivables, le déracinement auquel sont contraints les personnes déplacées pour des raisons environnementales, la gestion de l’eau, les risques de nouvelles pandémies, la nécessaire réduction des énergies fossiles sont autant d’éléments qui nécessitent de revoir nos modes de vies. Tout est lié…

Dans notre société marquée par la diversité des cultures, des traditions, des croyances et des religions, la peur de l’autre ne doit pas dicter nos choix aux dépens des droits humains. Cette peur ne peut être surmontée ni par des recherches identitaires ni par le repli sur nos frontières, mais par la rencontre fraternelle et le dialogue. Les personnes migrantes ne doivent plus être considérées comme un danger et un risque mais comme des individus dont la rencontre est source d’enrichissement et de progrès…

Ces défis majeurs pour notre avenir, exigent une politique claire et résolue au service du bien commun, mais aussi la participation de toutes et tous, dans les débats comme dans les urnes.

 

  1. www.justice-paix.cef.fr

« Nous habitons tous la même maison ».
La guerre en Ukraine pas plus que les élections présidentielles françaises ne doivent nous faire oublier que les conséquences du changement climatique s’accélèrent, conduisant à « une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète ».