Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Face au conflit qui se déroule sous nos yeux, questionnons les enjeux de paix. Trop longtemps, les questions de paix sont restées théoriques et lointaines pour beaucoup d’entre nous, citoyennes et citoyens (de Belgique), protégés par les remparts d’un continent pacifié depuis plusieurs décennies.

D’après Timur Uluç, secrétaire général de la Commission Justice et Paix Belgique, « Le plus grand piège serait – comme nous l’avons vu dans d’autres conflits – de s’accoutumer à un nouveau seuil de violence, avant de passer à d’autres considérations, d’autres préoccupations. »
Cette carte blanche acte le positionnement pris par la Commission Justice & Paix Belgique en Ukraine, et est à retrouver dans son intégralité sur  le site de La Libre.

Etat du Vatican, 8 avril 2022

Traduction libre. Voir le texte original

Prévenir la guerre nucléaire et la guerre contre les populations civiles: une tâche qui intéresse les scientifiques

L’humanité est à nouveau confrontée à une grave menace, découlant des conflits armés et de la guerre intense que la Russie a infligée à l’Ukraine. La possibilité d’une guerre nucléaire a été évoquée par les agresseurs.

Le pape François a fait part de ses préoccupations au sujet de cette guerre « terrible, inhumaine, sacrilège et insensée » qui pourrait potentiellement s’intensifier au-delà du terrible niveau qu’elle a déjà atteint et poser des risques nucléaires[1].

Il existe un danger croissant que de nombreux autres pays et groupes terroristes puissent acquérir des armes nucléaires ou développer la capacité de les produire. Les risques les plus critiques concernent notamment :

– les destructions intentionnelles ou non intentionnelles de centrales nucléaires ayant de graves conséquences pour de nombreuses populations,

– la fuite non contrôlée de déchets nucléaires pouvant être utilisés pour des bombes dites sales,

– l’utilisation potentielle d’armes nucléaires dites tactiques sur les champs de bataille, par exemple en Ukraine,

– le fait de maintenir les armes nucléaires en état d’alerte élevée, qui pourrait accroître la probabilité qu’une arme nucléaire soit lancée accidentellement ou par la suite d’une cyber-manipulation,

– l’utilisation d’armes nucléaires puissantes et d’autres armes au-delà du territoire de l’Ukraine en cas d’escalade de la guerre.

L’Académie pontificale des sciences a abordé de manière exhaustive le risque de guerre nucléaire, par exemple avec une importante « DÉCLARATION SUR LA PRÉVENTION DE LA GUERRE NUCLÉAIRE » par une assemblée des présidents des académies scientifiques et d’autres scientifiques du monde entier, convoquée par l’Académie Pontificale des Sciences les 23 et 24 septembre 1982. Cette note reprend des éléments de cette déclaration qui est soudain redevenue d’actualité[2]. Et pourtant, le monde a bien changé et la situation s’est détériorée de diverses manières.

La défiance et la suspicion entre les nations se sont accrues. Il y a une rupture du dialogue sérieux entre les nations de l’Est et de l’Ouest et entre le Nord et le Sud et, en particulier, entre les nations les plus grandes et les plus puissantes que sont les États-Unis, la Chine, l’UE et la Russie.

De graves inégalités entre les nations et au sein des nations, des ambitions nationales ou partisanes à courte vue et la soif de pouvoir sont les germes de conflits qui peuvent conduire à une guerre générale et nucléaire.

Le scandale de la pauvreté, de la faim et de la dégradation de l’environnement devient en soi une menace croissante pour la paix. La pollution nucléaire des terres agricoles empêcherait l’agriculture pour longtemps. Déjà, les entraves à l’agriculture en Ukraine et au commerce alimentaire en provenance de l’Ukraine et de la Russie exacerbent la crise alimentaire mondiale parce que d’abondantes quantités d’aliments de base y étaient produites pour le monde.

Reconnaissant les droits naturels des humains à survivre, à vivre dans la dignité et à aspirer au bonheur, la science doit être utilisée pour aider l’humanité à trouver une vie florissante, épanouie et en paix.

Non seulement les potentialités des armes nucléaires, mais aussi celles des armes chimiques, biologiques et même conventionnelles se développent par l’accumulation régulière de nouvelles connaissances, y compris la robotique et l’intelligence artificielle[3], ainsi que de missiles hypersoniques avancés conçus pour échapper aux systèmes de défense existants.

Ce nouveau scénario implique une grave perte d’humanité et de liberté, ainsi qu’une vulnérabilité accrue, non seulement des individus, en particulier des non-belligérants, parmi lesquels les enfants, les femmes, les personnes âgées et les malades qui sont victimes indiscriminées de la terreur, ou forcés de migrer, mais de l’humanité toute entière et de toute la planète.

Il est clair que les guerres non nucléaires, aussi horribles soient-elles déjà, sont également devenues plus destructrices. La sagesse humaine, cependant, reste relativement limitée, en contraste dramatique avec la croissance apparemment inexorable du pouvoir destructeur.

En particulier, la conscience humaine ne peut pas comprendre la négativité ontologique, morale et humaine d’essayer de justifier l’utilisation de tels pouvoirs destructeurs qui sèment partout la mort pour « civiliser » et « moraliser » ou tout simplement occuper.

Il est du devoir des scientifiques de s’exprimer et de contribuer à prévenir l’usage pervers de leurs réalisations et de souligner que l’avenir de l’humanité dépend de l’acceptation par toutes les nations de principes moraux transcendant toutes les autres considérations. La recherche et la science sur le dépassement et la prévention des guerres, ainsi que la science de la promotion de la paix – et pas seulement l’absence de guerres – doivent être au cœur de toutes les disciplines scientifiques.

La catastrophe de la guerre nucléaire et l’escalade des guerres conventionnelles qui n’épargnent même pas les populations civiles peuvent et doivent être évitées. Les dirigeants et les gouvernements ont une grande responsabilité. Mais c’est l’humanité toute entière qui doit agir pour sa survie.

Reconnaissant que l’utilisation de forces conventionnelles excessives et la prolifération des armes nucléaires accroissent la méfiance entre les nations et pourraient conduire à une confrontation avec le risque de guerre nucléaire, et guidés par la conviction que les êtres humains devraient résoudre tous les différends et les conflits territoriaux par le raisonnement, le dialogue, le droit international, la négociation, l’arbitrage et d’autres moyens pacifiques, nous appelons toutes les nations à :

  • Respecter le principe selon lequel la force ou la menace de force ne sera pas utilisée contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État.
  • Prévenir le recours à la force comme méthode de règlement des conflits internationaux, car elle comporte le risque d’escalade des affrontements militaires, y compris le recours à la guerre nucléaire, chimique et biologique.
  • Fournir un abri et une protection aux millions de réfugiés de toutes les parties du monde fuyant les guerres et les persécutions.
  • Prévenir la prolifération des armes nucléaires dans d’autres pays, ce qui augmenterait considérablement le risque de guerre nucléaire et pourrait mener au terrorisme nucléaire.
  • Ne jamais être le premier à utiliser des armes nucléaires, et renouveler et accroître les efforts pour conclure des accords vérifiables pour freiner la course aux armements et réduire le nombre d’armes nucléaires et de systèmes de livraison. Ces accords devraient être surveillés au moyen de technologies de pointe.
  • Trouver des moyens plus efficaces de prévenir la prolifération des armes nucléaires. Les puissances nucléaires ont l’obligation particulière de donner l’exemple en matière de réduction des armements et de créer un climat propice à la non-prolifération.
  • Empêcher les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire d’être détournées vers la prolifération des armes nucléaires.
  • Prendre toutes les mesures pratiques qui réduisent la possibilité d’une guerre nucléaire par accident, erreur de calcul ou action irrationnelle.
  • Continuer à observer les accords de limitation des armements existants tout en cherchant à négocier des accords plus larges et plus effectifs. Notre objectif doit être de construire un système de sécurité collective où les armes nucléaires n’ont plus leur place.

Nous en appelons :

  1. aux dirigeants nationaux, de prendre l’initiative de mettre fin immédiatement à la guerre en Ukraine et d’initier une résolution pacifique du conflit ; tout d’abord, en cherchant des mesures pour inverser l’escalade de la guerre, regarder au-delà des préoccupations étroites de l’avantage national ; et en évitant les conflits militaires comme moyen de résoudre les différends.
  2. aux scientifiques, d’utiliser leur créativité pour l’amélioration de la vie humaine, et d’appliquer leur ingéniosité à explorer les façons d’éviter la guerre et de développer des méthodes pratiques de contrôle des armements, en particulier des armes nucléaires.
  3. aux responsables religieux et aux autres gardiens des principes moraux, de continuer à souligner avec force et insistance les graves questions humaines en jeu, afin qu’elles soient pleinement comprises et appréciées par la société. En particulier, tendre la main les uns aux autres dans les diverses communautés chrétiennes et dans toutes les autres communautés religieuses pour s’engager pour la paix avec leurs communautés respectives.
  4. aux peuples du monde entier, pour réaffirmer leur foi dans le destin de l’humanité, pour insister sur le fait qu’éviter la guerre est une responsabilité commune, pour combattre la croyance selon laquelle les guerres sont inévitables, et pour travailler sans relâche pour assurer l’avenir des générations à venir. Éviter les guerres et parvenir à une vraie paix exige non seulement les pouvoirs de l’intelligence, du savoir et de la science, mais aussi ceux de la bonne volonté animée par l’amour et la justice, les vertus éthiques, la morale, la responsabilité, les valeurs et les convictions.

Signataires

Joachim von Braun, Président de l’Académie Pontificale des Sciences
Mgr Marcelo Sánchez Sorondo
, Chancelier de l’Académie Pontificale des Sciences
Werner Arber
, Emeritus President for Life, Pontifical Academy of Sciences and Emeritus Professor of Molecular Microbiology, Biozentrum, University of Basel, Switzerland
Chen c.-J.
, PAS Council Member and Academician, Professor, Graduate Institute of Epidemiology, National Taiwan University College of Public Health
De Robertis E
., PAS Council Member and Academician, Norman Sprague Professor of Biological Chemistry, David Geffen School of Medicine, University of California Los Angeles, USA
Van Dishoeck E.
, PAS Council Member and Academician, Professor of Molecular Astrophysics, Leiden University, The Netherlands
Gianotti F.
, PAS Council Member and Academician, Director-General at CERN (European Organization for Nuclear Research), Switzerland
Hassan M.
, PAS Council Member and Academician, President of The World Academy of Sciences, Sudan
Ramanathan V.
, PAS Council Member and Academician, Distinguished Professor at Scripps Institution of Oceanography, University of California San Diego, USA, Climate Solutions Scholar, Cornell University, Ithaca, NY, USA
Singer, W.
, PAS Council Member and Academician, Founding Director of the Ernst Strüngmann Institute (ESI) for Neuroscience in Cooperation with Max Planck Society, Frankfurt, Germany

[1] « Face au danger de l’autodestruction, que l’humanité comprenne que le moment est venu d’abolir la guerre, de l’effacer de l’histoire humaine, avant qu’elle ne l’efface de l’histoire » (Pape François, Angelus, 27 mars 2022 et passim.
[2] https://www.pas.va/content/dam/casinapioiv/pas/pdf-volumi/documenta/documenta4pas.pdf
[3] https://www.pas.va/en/publications/scripta-varia/sv144_springer.html

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A l’occasion de l’élection présidentielle, nous, responsables d’organisations chrétiennes, protestantes et catholiques, et le représentant de la Métropole grec-orthodoxe de France, Patriarcat Œcuménique, appelions à un large débat démocratique. Nous insistions sur trois défis majeurs : le scandale des inégalités qui frappent en premier lieu les plus vulnérables, l’urgence écologique, et la paix et le vivre ensemble dans une société fracturée.

A l’issue du 1er tour de l’élection présidentielle, la France est profondément divisée.  Pour le 2ème tour, deux visions de notre pays s’affrontent.

Une vision qui, sous un discours social, est fondée sur la préférence nationale, le rejet de l’étranger, menace les droits fondamentaux et contribuerait à aggraver les fractures. Cette vision dangereuse cache sous une pseudo défense de l’égalité son refus des libertés et de la fraternité et son attrait pour les régimes autoritaires. Elle nous enfermerait dans une France forteresse, aveugle aux enjeux écologiques. Or la liberté, l’égalité et la fraternité sont nos repères communs. La solidarité, l’hospitalité, le respect de l’autre et de la planète guident nos choix de citoyens.

Une autre vision promeut la démocratie et les valeurs républicaines, porte une ambition pour l’Europe et les enjeux internationaux, mais relativise l’urgence d’une véritable transition écologique et solidaire et traite avec brutalité les questions sociales.

Pourtant, toute la Bible nous rappelle que l’attention aux plus fragiles et l’accueil de l’étranger sont au cœur de notre foi.

Si la colère peut se comprendre au regard de certaines décisions politiques de ces dernières années, le vote à l’élection présidentielle doit être guidé par notre vision. Nous voulons une société ouverte, fraternelle, qui cherche à renforcer la justice, à combattre la pauvreté et les inégalités, à accélérer une transition écologique juste et solidaire. Nous aspirons à construire une Europe citoyenne, et à vivre une solidarité internationale renforcée, dans une société qui respecte les droits fondamentaux de tous, y compris ceux des étrangers.

Le pire doit être évité. Il ne peut pas l’être par l’abstention et le vote blanc.

Il n’est pas envisageable de choisir pour notre avenir un projet de société xénophobe, fondé sur le repli sur soi, la division de la société et l’atteinte aux droits humains. En conscience, nous ne pouvons qu’appeler à voter contre cette option mortifère.

Engagés aux côtés des personnes vulnérables, fragiles, nous connaissons leurs inquiétudes, leurs vies difficiles, mais aussi leur sens de la solidarité. Ce sont elles que nous accompagnons dans nos différents engagements pour leur permettre de devenir actrices de leur vie, de vivre dignement et d’exercer leur citoyenneté.

Pour l’avenir, notre pays a besoin de la participation de toutes les personnes qui y vivent, à commencer par celles qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas.

L’élection présidentielle n’est qu’une étape. Au-delà de ce second tour, il faudra rassembler tous les citoyens et les associer réellement à la construction d’une société accueillante, solidaire et respectueuse de l’environnement, combattre résolument les inégalités et la pauvreté, et favoriser le dialogue avec toutes les forces de la société civile.

Chrétiens engagés dans la vie économique et sociale, dans la solidarité en France et à l’international, nous continuerons notre action avec exigence et vigilance, confiance et espérance.

Signataires :

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) – Bernadette Forhan, présidente
Action catholique des enfants (ACE) – Patrick Raymond, président
Action catholique des milieux indépendants (ACI) – Marc Deluzet, président, et Françoise Michaud, vice-présidente
Action catholique ouvrière (ACO) – Danielle Beauchet et Lionel Lecerf, coprésidents
Apprentis d’Auteuil – Jean-Marc Sauvé, président
A Rocha France – Rachel Calvert, présidente
Centre de recherche et d’action sociales (CERAS) – Marcel Rémon, directeur
Chrétiens dans l’enseignement public (CdEP) – Chantal de la Ronde,  présidente
Chrétiens dans le monde rural (CMR) – Margot Chevalier, coprésidente ; Jean-Luc Bausson, coprésident
Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre solidaire (CCFD-Terre solidaire) – Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente
Communauté de vie chrétienne France (CVX) – Brigitte Jeanjean, responsable nationale
Délégation catholique pour la coopération (La DCC) – Arnoult Boissau, président
Fédération d’entraide protestante (FEP) – Isabelle Richard, présidente
Instituts religieux et solidarité internationale (IRSI) – Sœur Bernadette Janura, présidente
Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) – Louise Lécureur, présidente
Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) – Chloé Corvée, présidente nationale
JRS France (Jesuit Refugee Service) – Véronique Albanel, présidente
Justice et Paix-France – Michel Roy, secrétaire général
Les Semaines sociales de France (SSF) – Dominique Quinio, présidente
Métropole grecque-orthodoxe de France, Patriarcat œcuménique – Mgr Dimitrios Ploumis, métropolite de France
Mouvement chrétien des cadres et dirigeants (MCC) – Cécile et Martin Lesage, responsables nationaux
Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) – Nelly Vallance, présidente
Pax Christi France – Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen, président
Secours catholique-Caritas France (SCCF) – Véronique Devise, présidente
Scouts et guides de France (SGDF) – Marie Mullet, présidente
Vivre ensemble l’évangile aujourd’hui (VEA) – Annick Faye, présidente‌

Publié dans Ouest-France, le 16 avril 2022