Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Pour définir un vote catholique, encore faudrait-il que le politologue ou le « sondologue » puisse définir exactement ce qu’est un catholique : un citoyen qui se dit d’identité catholique, un citoyen qui se dit catholique pratiquant (mais à quel rythme ? Pour les grandes occasions ou chaque dimanche ?), une personne engagée dans un mouvement explicitement catholique mais ne fréquentant pas une communauté paroissiale…

Autant dire que l’exercice n’est pas simple pour qui veut lire l’histoire longue des positions électorales des catholiques français, alors que les « pratiquants réguliers », aujourd’hui, ne représentent qu’une petite minorité de la population. En fait, pour le dire simplement, moins le catholique est pratiquant, plus son vote se rapproche de celui de l’ensemble des Français. C’est en resserrant le focus sur les plus engagés que des différences se font jour, avec certes des tendances marquées, mais aussi l’expression d’un réel pluralisme. Ce qui paraît constant, c’est que le catholique pratiquant vote plutôt à droite. Il se distingue également par un fort engagement civique (un taux de participation très élevé à tous les rendez-vous électoraux) et social (55 % des pratiquants réguliers sont actifs dans une association). En outre – peut-être est-ce un effet de son âge – il accorde une plus grande confiance que les autres aux institutions et aux élus. Ce qui explique que cette population intéresse toujours les candidats à une élection… tout du moins durant le temps de la campagne.

La foi joue-t-elle un rôle dans le vote des catholiques ?

Le pluralisme politique est aujourd’hui un fait admis par la plupart des catholiques. Le rapport sur « Politique, Église et foi », présenté en 1972 par Mgr Gabriel Matagrin à l’assemblée plénière des évêques à Lourdes à l’issue de trois ans de travaux, reconnaît ce pluralisme, présenté comme « inconfortable et nécessaire », car « il n’y a pas de politique de foi chrétienne ». Les responsables religieux dès lors ne donnent pas de consigne de vote, mais proposent des critères de discernement, en insistant sur la valeur de l’engagement politique. Ce que le pape François appelle la politique avec un P majuscule, « la Politique en tant que service qui ouvre de nouvelles voies pour que le peuple s’organise et s’exprime » (2).

Quelles sont donc les raisons qui orientent les choix des catholiques ? Une enquête de l’Institut Ifop pour le magazine le Pèlerin s’est penchée sur la question, le 20 octobre 2021 (1), dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022. Ainsi, il apparaît que 23 % seulement de l’ensemble des catholiques disent que leur foi détermine leur vote : 18 % chez les non-pratiquants (88 % de l’échantillon) et 57 % chez les pratiquants réguliers. Il est intéressant de noter, parmi l’ensemble des catholiques, des différences entre les générations : 44 % des 18-24 ans et 35 % des moins de 35 ans disent que leur foi joue un rôle dans leurs choix politiques. Plus que les autres électeurs, les catholiques jugent que l’élection présidentielle représente un enjeu majeur pour le pays.

Quels sont leurs sujets de préoccupation ? Ils mettent en avant les mêmes thématiques que les autres électeurs : la santé, la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le pouvoir d’achat, etc. Mais là encore, les jeunes se distinguent par leur attention à la question environnementale (65 % des moins de 35 ans, contre 49 % pour les plus de 65 ans). Alors que 65 % des plus âgés insistent sur la lutte contre l’immigration, les moins de 35 ans ne sont « que » 48 %. Ces jeunes sont également plus engagés dans des partis politiques que leurs aînés (13 % des moins de 35 ans) et ils sont présents sur tout l’échiquier des sensibilités.

Même si les manifestations autour du mariage pour tous et de la PMA pour couples de femmes ou femmes seules voient des catholiques monter au créneau, au final, les sujets de bioéthique n’apparaissent pas comme prioritaires pour l’ensemble des catholiques : ils ne le sont que pour 25 % des catholiques pratiquants. La question est quand même classée comme un thème important sur lequel ils exercent leur vigilance.

Pour d’autres catholiques, encouragés par les très nombreux textes du pape François, la vigilance se porte plutôt sur les programmes en direction des plus pauvres, sur la lutte contre les inégalités, sur les politiques migratoires, sur les engagements écologiques… Des valeurs non négociables, pour reprendre un vocabulaire emprunté à Benoît XVI, sur lesquelles les catholiques dans leur diversité ne portent pas le même regard.

Pour qui les catholiques ont-ils voté ?

Voir tableau (PDF ) vote-catholique-depuis-2002-v2 (2)

Au premier tour de la présidentielle de 2017, les catholiques ont voté à 29 % pour François Fillon (mais 47 % chez les catholiques pratiquants), à 22 % pour Emmanuel Macron (19 % chez les pratiquants). 22 % des catholiques (15 % des pratiquants) ont voté pour Marine Le Pen ; 15 % pour les candidats de gauche et écologistes.

On se souvient qu’au cours de la campagne, des militants issus de la Manif pour tous, « Sens commun », avaient fortement marqué leur soutien à François Fillon, mettant les sujets sociétaux en bannière de leur combat. Dans un article publié dans Études, en juillet-août 2017, Yann Raison du Cleuziou, maître de conférence en sciences politiques à l’université de Bordeaux, analyse le rôle qu’a pu jouer La Manif Pour Tous et le mouvement Sens Commun dans une mise en avant des catholiques, bien au-delà de la réalité numérique qu’ils représentaient et au-delà de leur représentativité réelle de l’ensemble des catholiques.

Au second tour de l’élection, 62 % des pratiquants ont voté pour Emmanuel Macron. Ce choix catholique explique peut-être les relations apaisées entre le président de la République et l’Église de France, au début de son mandat, avec notamment la rencontre au collège des Bernardins à Paris, en avril 2018, où le président reconnut que le lien entre l’Église et l’État s’était abimé et qu’il convenait de le réparer. Le soutien à Emmanuel Macron se confirmera lors des élections européennes de 2019, où 43 % des pratiquants, qui participèrent largement au vote, mirent la liste macroniste en tête. S’illustre là une autre caractéristique de l’électorat catholique, son soutien au projet européen.

Au fur et à mesure du quinquennat, le confinement et la fermeture des lieux de culte, les évolutions sociétales en matière de procréation, pour les uns, l’insuffisance des politiques en faveur des plus pauvres pour les autres, ont vu le climat se tendre entre le monde catholique et le gouvernement. Prenant conscience de leur statut minoritaire, les catholiques se sentent de plus en plus socialement marginalisés. Pourtant, dit encore Yann Raison du Cleuziou, « les débats des catholiques font vivre le débat public. Leur pluralisme nourrit celui de la société ». Mais ils n’en sont sans doute pas conscients !

Les catholiques sont-ils tentés par l’extrême droite ?

La résistance aux idées d’extrême-droite reste forte, même si elle s’effrite, notamment lors de certaines élections locales, au fur et à mesure de la dédiabolisation du parti de Marine Le Pen. Mais cela reste une ligne rouge à ne pas franchir pour une majorité de catholiques. On peut citer la publication d’un texte signé par 40 associations et mouvements d’Église à la veille du second tour de 2017 : « transformer la clameur du monde en espérance ». Il s’agissait de dire non au Front national, et de le dire plus clairement que ne l’avaient fait les évêques dans le texte publié avant les élections.

Ces derniers avaient été plus tranchants en 2002. Il est vrai que des propos de Jean-Marie Le Pen « N’ayez pas peur, entrez dans l’espérance » les avaient conduits à intervenir avant le second tour opposant le président du FN à Jacques Chirac. « L’Église et les chrétiens ne peuvent accepter que l’on détourne de leur signification les symboles et les convictions religieuses au service de la polémique électorale », avait protesté le cardinal Lustiger.

Le pape François, quant à lui, dans nombre de ses textes, dénonce le populisme et le souverainisme qu’il voit à l’œuvre aujourd’hui dans de nombreux pays. Au populisme jugé dangereux, il oppose le « popularisme », « une politique pour le peuple mais avec le peuple » (2).

Y aura-t-il une tentation Zemmour lors de la présidentielle de 2022 ? Des catholiques issus du Mouvement conservateur (ex Sens commun) ou de l’association Les Éveilleurs, lancés dans la mouvance de La Manif Pour Tous, voient dans le polémiste un défenseur de la France et de ses racines chrétiennes et un adversaire résolu de l’Islam. Si le candidat Zemmour met en avant un catholicisme culturel « qui a fait la France », il se méfie de sa « compassion pour les faibles » (dans un entretien à l’hebdomadaire France Catholique de novembre 2018), et tient à distance ce christianisme qui, dans la lignée de Vatican II, est devenu une « folle machine à aimer l’autre » ! (Cf. son livre « Destin français »).

Devant cette récupération perverse du catholicisme par un candidat, quel sera le message des évêques français que le polémiste ne manque pas de critiquer, d’ailleurs ? Comme dans la déclaration « 2017, année électorale : quelques éléments de réflexion », ils inviteront à un vrai débat national, en évitant les risques de crispations identitaires, en appelant à lutter contre l’« hystérie de la vie publique ». À nouveau, ils présenteront sans doute les enjeux sur lesquels devront être jugés les programmes : démocratie, éducation, solidarité, écologie, migrants, etc. « La qualité humaine d’une société, écrivaient-ils en 2017, se juge à la manière dont elle traite les plus faibles de ses membres : ceux qui sont laissés au bord du chemin de la prospérité, personnes âgées, malades, personnes handicapées. Nous ne pouvons être indifférents à aucune victime de notre société. Nous sommes responsables du respect de toute vie de son commencement à sa fin », écrivaient-ils alors. Mais iront-ils plus loin ?

 

(1) Enquête IFOP réalisée, en ligne, du 21 au 24 septembre 2021, auprès de 1 010 catholiques, dont 88 % de non pratiquants, 5 % de pratiquants occasionnels et 7 % réguliers. La marge d’erreur est de 1,4 à 3 %.

(2) Message vidéo du pape François, adressé le 15 avril 2021, aux participants de la conférence internationale « Une politique enracinée dans le peuple» à Londres, à partir de son livre Un temps pour changer : conversation avec Austen Ivereigh.

 

« Aujourd’hui, nous disons clairement que la peine de mort est inadmissible et l’Église s’engage résolument à proposer qu’elle soit abolie dans le monde entier » (Pape François, Fratelli Tutti n° 263)

Un enjeu anthropologique

En 1981, 30 états étaient abolitionnistes. Aujourd’hui sur 195 états, 109 sont abolitionnistes et 50 le sont de fait. Le combat pour l’abolition de la peine de mort reste cependant plus que jamais d’actualité. En 2020 : 483 exécutions, sans compter les exécutions extra-judiciaires. Tant qu’un seul pays s’autorisera à utiliser la mise à mort, l’humanité restera menacée.

D’autant plus que nous assistons depuis une vingtaine d’années à une nette dégradation du principe : « Tu ne tueras pas ». Les atteintes graves à la dignité de la personne se multiplient. Ainsi la torture pratiquée par la moitié des pays du monde a-t-elle été admise dans plusieurs sociétés démocratiques (Cf. les U.S.A. du président Trump). En France, un candidat n’a pas hésité à recommander la création d’un « Guantanamo à la française » contre les terroristes et les islamistes !

Il semble que l’éclatement du monde et les violences qu’il entraîne, la recrudescence des phénomènes de « terrorisme », la banalisation des processus de déshumanisation, l’augmentation du ressenti d’insécurité globale, érodent en nous, et dans la conscience humaine, le devoir de s’interdire de toucher à la vie d’une personne. Nous risquons de nous laisser submerger par un sceptique : « À quoi bon protester » !

Un enjeu géopolitique

Depuis l’espoir illusoire d’une certaine unité mondiale, après la disparition de l’URSS en 1989, le monde loin de s’unifier « s’archipélise ». Les clans se multiplient. La violence explose un peu partout. Elle prend des formes très variées, lourdement aggravées par la sophistication des armes et des moyens de communication. Sans oublier la France où l’évocation du rétablissement de la peine de mort reste un argument « efficace » auprès d’une partie de l’opinion. Dans un tel climat il importe de rappeler, en urgence, les fondements de la survie de l’humanité.

La mobilisation pour l’abolition mondiale s’impose. Il ne s’agit pas de stigmatiser les partisans de cette peine cruelle, mais d’agir dans deux directions : plus que jamais maintenir son interdiction légale et en même temps ouvrir le dialogue en profondeur avec les partisans du châtiment suprême.

La volonté d’abolir mondialement la peine de mort doit s’exprimer sur le terrain juridique et politique. La société civile, et en son sein les communautés chrétiennes, peuvent jouer un rôle décisif pour amener leurs autorités à rejoindre le processus législatif vers une abolition effective. Le soutien que nous leur apportons peut être déterminant. La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre1948 (O.N.U.) affirmait le droit à la vie mais ne posait pas le principe de l’interdiction de la peine de mort. En 1989, l’O.N.U. a adopté le deuxième protocole facultatif (Pacte international relatif aux droits civils et politiques) visant à abolir la peine de mort. Ses auteurs s’affirment « convaincus que l’abolition de la peine de mort contribue à promouvoir la dignité humaine ». Les textes du Conseil de l’Europe en font une condition d’appartenance à ce groupe.

Un enjeu convictionnel

Le combat doit se poursuivre sur le terrain des convictions. L’abolition de la peine de mort se gagne aussi, et peut-être d’abord, dans les esprits et les cœurs.

Divers arguments pourront être partagés : Qui donne la vie ? Serais-je prêt à donner la mort ? Pourquoi confier à une autorité le pouvoir de vie ou de mort ? Comment limiter la prolifération des gouvernements autoritaires à travers le monde ? Tuer ne blesse-t-il pas toute la société qui autorise ce geste ? Ne favorise-t-il pas la désespérance ? Comment écarter le drame irréparable de l’erreur judiciaire ? Quelle finalité a le travail de justice : sanction, vengeance, respect, réinsertion ? À chacun de trouver les moyens de signifier la valeur insondable de chaque personne… celle-ci fut-elle gravement fautive. Il en va de notre survie.

« J’invite les chrétiens qui doutent et sont tentés de céder face à la violence, quelle qu’en soit la forme, à se souvenir… de Jésus qui, face à un disciple gagné par la violence, disait avec fermeté : ʺ Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ʺ (Mt 26, 53). Cette réaction de Jésus jaillissant de son cœur a traversé les siècles et parvient jusqu’au temps actuel comme un avertissement permanent » ! (FT n° 270)

 

 

« Donner un supplément d’âme à l’Europe ». Pour réussir ce programme ambitieux il faut parvenir à convaincre tous nos partenaires. Et aussi établir un lien fort avec le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz, car la convergence de vues entre nos deux pays reste indispensable pour faire progresser l’Europe…