Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Durant le 4ème trimestre 2021, un atelier du Centre théologique de Poitiers a réuni une quinzaine de membres autour du thème « Servir la vie ». Sur fond de pandémie, avec en vue les élections du printemps prochain, le groupe a conduit une réflexion sur les enjeux de la vie commune. Ce travail relève d’une élaboration collective : chacun apportant une contribution en fonction de son expérience, dans un climat d’écoute mutuelle qui induit une dynamique féconde. Chaque séance a donné lieu à un écrit qui servait de base à la réflexion suivante. Les participants souhaitent partager les fruits de leur travail en commun.

Une culture démocratique.
La démocratie ne se réduit pas aux rendez-vous électoraux, elle comprend une manière de vivre ensemble qui permet l’expression des désaccords. La démocratie vit du débat, à condition que chaque citoyen respecte les règles établies et s’efforce de connaître les enjeux pour donner un avis informé. Un tel débat met en avant l’argumentation et non l’invective, il s’ouvre à la diversité des points de vue tout en précisant les points d’accord. Pour vivre ensemble dans une paix relative, au travers des conflits, il est nécessaire de s’accorder sur des références fondamentales, même si la mise en œuvre de ces principes donne lieu à des appréciations diverses et à de nouveaux débats.

Des exemples de démocratie participative ont été partagés : à partir de situations précises, une mise en commun de points de vue variés peut conduire à trouver des solutions inédites. L’apport d’experts est nécessaire pour préciser ce qui est réalisable et à quel prix, mais il ne se confond pas avec une stratégie de communication en vue d’imposer un projet déjà ficelé. La démocratie participative se conjugue avec la démocratie représentative : les élus exercent le pouvoir de manière légitime pour prendre les décisions et les mettre en œuvre au service du bien commun.

Ce bien commun se décline à différents niveaux de responsabilité. Le principe de subsidiarité met un frein aux tendances centralisatrices en respectant les compétences de chaque échelon politique et en lui donnant les moyens, notamment financiers, de décider et de réaliser. La subsidiarité conduit aussi à une promotion des corps intermédiaires (ex. syndicats, associations, etc.) et de la responsabilité des professionnels pour contribuer efficacement à la vie commune. La pandémie a mis en lumière les capacités de créativité des soignants et des éducateurs, des acteurs économiques et des associations humanitaires. La société civile est riche de capacités ; chacun peut prendre sa part dans la vie commune et bénéficier ainsi de la reconnaissance de ses concitoyens.

La culture démocratique met donc en garde contre une « culture du chef » qui appauvrit le débat public et qui mésestime l’engagement des citoyens. Une valorisation unilatérale de l’individu et de ses intérêts affaiblit la culture citoyenne : elle conduit à rechercher dans le chef un substitut de père, quitte à le clouer au pilori au premier désaccord !

Un goût de fraternité
La République française se fonde sur les principes de liberté et d’égalité. La liberté honore la dignité de chacun des citoyens, elle lui garantit des droits et l’investit d’une responsabilité à l’égard de ses semblables. L’égalité doit permettre à chaque membre de la cité de bénéficier de sa part du bien commun et d’y apporter sa propre contribution. En régime démocratique, la mise en œuvre de ces principes donne lieu à des débats, en raison des opinions variées et des intérêts divergents.

Mais on risque d’oublier le troisième terme : la fraternité. Elle est précieuse pour que la vie commune apparaisse comme un bien désirable. Elle comprend d’abord l’hospitalité, la reconnaissance de l’autre comme semblable et différent ; ce qui permet de ne pas s’enfermer en des oppositions insurmontables, tout en cultivant le goût d’une vie commune riche d’héritages et de projets. Afin de ne laisser personne sur le bord de la route, il importe de prendre en considération la situation des plus fragiles, de ceux dont on entend difficilement la voix. Tous frères ! Le goût de la fraternité conduit à une ouverture au-delà des frontières afin de prendre en compte le bien de toute la « famille humaine ». La fraternité conjugue les émotions positives, notamment l’aspiration au bonheur et le désir d’alliance, avec des engagements concrets au service de solidarités effectives, particulièrement à l’égard des membres les plus faibles du corps social.

Des projets au service de la vie.
Le défi écologique
nous provoque à la lucidité concernant les risques majeurs qui menacent la vie sur terre et donc la vie des humains. Il interroge des choix politiques qui privilégient les intérêts particuliers et à court terme des plus puissants. Ce qui conduit à mettre en cause les attitudes de domination et des pratiques prédatrices tant sur la nature que sur le monde animal, sans oublier les humains : on prend pour user, puis on jette derrière pour oublier, quelles qu’en soient les conséquences. De telles postures cherchent à tirer profit de la nature et de l’humain, au détriment de relations pacifiées avec les semblables, l’ensemble du vivant, l’environnement. Face à ce défi, chacun se trouve sollicité pour une « conversion écologique ». La « sauvegarde de la maison commune », selon les mots du pape François, requiert l’engagement des citoyens, mais aussi des choix politiques courageux.

Une quête de vérité.
Nous souffrons d’une crise de la confiance, au risque de fracturations sociales. La défiance affecte le rapport aux autorités politiques et religieuses, mais aussi aux médias ; elle se traduit notamment par l’abstention aux élections. La culture démocratique comprend le débat, l’engagement citoyen, l’élection de représentants légitimes : nous ne pouvons en rester à une défiance généralisée. L’échéance électorale nous rappelle que notre société n’est pas un agrégat d’individus centrés sur eux-mêmes et de réseaux enfermés sur leurs codes particuliers. Membres d’une même communauté politique, nous devons apprendre à nous entendre et à promouvoir ensemble la justice sociale, ce qui suppose un travail en vérité, avec un souci d’objectivité, avec l’ouverture aux différentes prises de position et la référence aux sources de nos affirmations. La volonté de « faire la vérité » comprend un engagement efficace afin que l’action s’accorde avec les mots.

Nul ne peut se référer à la vérité comme s’il la possédait à lui seul, la démocratie implique un débat contradictoire avec un échange d’arguments en raison. La quête de la vérité suppose un esprit ouvert à la critique, y compris de ses propres convictions, et une volonté d’avancer ensemble avec bienveillance et clairvoyance. Une telle quête permet de chercher un bien commun plus grand que la somme de nos avantages particuliers et immédiats. Cette recherche ne se confond donc pas avec un relativisme selon lequel toutes les opinions se valent. Il importe de discerner ce qui sert vraiment la vie, de distinguer le bien du mal, sans s’enfermer en un monde binaire et prétendre se situer dans un « camp du bien », chacun porte des conflits intimes. Mais il n’est pas indécent de chercher à « bien penser » pour restaurer la confiance mutuelle et ouvrir ainsi la voie à l’espérance.

Le pape François invite à « réhabiliter la politique » : « Reconnaître chaque être humain comme un frère ou une sœur et chercher une amitié sociale qui intègre tout le monde ne sont pas de simples utopies. Cela exige la décision et la capacité de trouver les voies efficaces qui les rendent réellement possibles. » Encyclique Fratelli tutti n° 180.

Janvier 2022

Télécharger le n°40 janv. 22 (PDF)

Rendre justice aux victimes d’abus et d’emprise : vers une justice restauratrice dans l’Église ?

– Quel est le statut des biens d’Église en droit canonique et en droit français ? Qui en est le propriétaire ?
– Comment peut-on se représenter la justice restauratrice que les institutions  ecclésiales veulent mettre en œuvre en faveur des victimes d’abus ?

Pour réfléchir à ces questions, nous recevrons :

Brigitte Basdevant-Gaudemet,
Professeur émérite d’histoire du droit à la faculté de Paris-Sud

Antoine Garapon,
Magistrat, membre de la Ciase et président de la commission Reconnaissance et réparation

Sous réserve de l’évolution du contexte sanitaire, cette rencontre se déroulera à Paris, le 19 janvier 2022 à 19h00
Salle Christophe Dumont,
45 rue de la Glacière
75013 Paris

Test PCR négatif ou pass sanitaire demandés.
Débat disponible en ligne en direct, le lien vous sera communiqué quelques jours avant.

Entrée libre – Participation aux frais

 

Dans son message pour la 55e Journée Mondiale de la Paix, le pape François continue de décliner des aspects pratiques de l’engagement pour une paix durable. S’il rappelle la nécessité d’une « architecture de la paix » aux niveaux national et global, il veut insister sur « l’artisanat de la paix », celle que nous construisons les uns et les autres, ensemble, dans le dialogue.

Il nous propose 3 voies : le dialogue entre les générations comme base pour la réalisation de projets communs, l’éducation en tant que facteur de liberté, de responsabilité et de développement, et le travail pour une pleine réalisation de la dignité humaine. Ces éléments étant essentiels pour l’élaboration d’un pacte social sans lequel tout projet de paix est inconsistant.

Si la pandémie a renforcé la tendance au repli sur soi d’un côté et la violence destructrice de l’autre, la voie à suivre est celle du dialogue et en particulier du dialogue entre les générations. Les jeunes et les personnes âgées ont besoin les uns des autres, les jeunes pour trouver leurs racines sans lesquelles ils ne sauraient porter de fruits, les anciens pour renouveler leur dynamisme et leur créativité. Un projet commun central est le soin de notre maison commune.

L’éducation et l’instruction ne doivent pas être considérées comme des dépenses mais comme des investissements. Or les budgets qui y sont consacrés sont en baisse alors que les dépenses d’armement sont toujours en hausse. Il est urgent, nous dit le Pape, d’inverser ce rapport. Le Saint Siège a récemment encore pris des positions claires sur la nécessité d’un processus de désarmement mondial. Il appelle à un pacte éducatif global qui promeuve l’éducation à l’écologie intégrale comme modèle de paix et de développement durable axé sur la fraternité et l’alliance entre l’homme et la nature.

Enfin le travail est un facteur essentiel de construction et de préservation de la paix. L’impact de la crise, en particulier sur les travailleurs précaires, a été dévastateur. Il est urgent de promouvoir partout des conditions de vie décentes et dignes, y compris avec le développement de l’intelligence artificielle.

En encourageant chacun à promouvoir activement la paix, au nom de Justice et Paix France, je vous souhaite une bonne année.

Cf. https://www.vaticannews.va/fr : Message du Saint Père François pour la 55e Journée Mondiale de la Paix – 1er janvier 2022