Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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L’émigration portugaise : un exemple
Lorsqu’en 2016, le président François Hollande a accueilli le président de la République portugaise Marcelo Rebelo de Sousa et deux cents représentants de la communauté portugaise à l’Hôtel de Ville de Paris, c’est sans hésitation qu’il a indiqué le chemin qui a permis aux migrants portugais d’atteindre leur niveau d’intégration actuel dans la société française : le travail.

Dans l’histoire de l’émigration portugaise, nul ne peut ignorer l’impact de la décision prise par Georges Pompidou, en avril 1964, d’imposer au ministre de l’Intérieur de l’époque, Roger Frey, la libre entrée en France des Portugais démunis de papiers et la demande de « ne pas entreprendre de poursuites pour entrée clandestine »[1]. Comme le disent encore de nombreux Portugais ayant émigré en France entre les années 1960 et 1980, c’est la possibilité « d’arriver à Paris le dimanche soir et de commencer à travailler le lundi matin » qui a permis à la communauté portugaise de trouver sa place et de s’intégrer dans la société française.

Le taux de chômage peut être considéré comme un indicateur de polarité négative du concept d’intégration : dans les communautés où le taux de chômage est plus élevé, le niveau d’intégration peut être considéré comme plus faible.

L’insertion dans un contexte de travail permet aux personnes migrantes d’apprendre plus rapidement la langue, les habitudes, les règles implicites et explicites du lieu où elles se trouvent. En même temps, le travail leur permet de renforcer leur confiance en eux, de créer un lien avec la communauté et le territoire dans lesquels ils vivent.

Travail : accès difficile
Cependant, si l’accès au marché du travail est généralement complexe pour tous, il l’est encore plus pour les migrants. Pour eux, les difficultés ordinaires sont aggravées par des raisons bureaucratiques et sociales, notamment la reconnaissance des qualifications, les relations souvent limitées avec la communauté d’accueil et la connaissance du contexte. De plus, près d’un quart du marché de l’emploi leur est interdit pour des raisons juridiques, ce qui peut expliquer leur concentration dans certains secteurs d’activité « ouverts ».

Les membres d’une communauté dans laquelle les activités professionnelles sont diversifiées ont la possibilité d’interagir avec des autochtones dans différents contextes de travail et, dans l’ensemble, de mieux connaître la société d’accueil. Ainsi, une situation de ségrégation sectorielle indique également un faible niveau d’intégration sociale d’une certaine communauté.

En France, l’accès aux fonctions qui peuvent être exercées par des étrangers n’implique pas que leur recrutement se fasse sans formalités administratives pour les entreprises et les travailleurs. En effet, que ce soit pour effectuer des fonctions salariées ou non salariées, une procédure d’autorisation préalable est nécessaire. Pour les non-salariés, elle prend la forme de la carte de commerçant étranger. Les travailleurs salariés, pour leur part, doivent obtenir une autorisation de travail. Seuls six autres pays européens (Autriche, Chypre, République Tchèque, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas) appliquent cette procédure.

Évidemment, la situation dans laquelle l’accès au travail reste plus compliqué est celle de la personne étrangère n’ayant pas de titre de séjour lui permettant de travailler en France. Les personnes étrangères, soit postulant pour certains métiers, soit installées depuis plusieurs années et démontrant avoir déjà occupé un emploi similaire, peuvent être régularisées mais à la discrétion du préfet. Si une personne migrante remplit certains critères (temps de présence sur le territoire, emploi, liens familiaux etc..), le préfet a le pouvoir de la régulariser… ou non. Les cas d’employeurs français qui tentent de régulariser la situation de leurs salariés et se désespèrent face à la lenteur et à la complexité du processus ne sont pas rares (Nous n’avons certainement pas oublié le boulanger de Besançon qui a fait une grève de la faim pendant plus d’une semaine pour protester contre l’expulsion de son apprenti guinéen[1]).

 

Réfugiés : dure réalité en France
En ce qui concerne les réfugiés, ils affichent des taux d’emploi plus faibles que les autres groupes de migrants. Cela tient à la fois à la fragilité de leur position et de leur parcours de vie, y compris les

traumatismes qu’ils ont subis, mais aussi aux obstacles administratifs et aux longs délais d’attente pour l’examen des demandes d’asile.

D’ailleurs, en ce qui concerne l’accueil et l’intégration des réfugiés, on peut se bercer de l’illusion que la France dispose d’un cadre stratégique similaire à celui de la plupart des autres États européens. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Une étude récente du JRS[1] montre que la France est à égalité avec la Hongrie en ce qui concerne l’accès effectif des demandeurs d’asile au marché du travail. La France est l’un des cinq États de l’UE qui refusent aux demandeurs d’asile l’accès à la formation professionnelle ; elle est également l’un des sept États de l’UE qui n’ont pas de véritable politique linguistique pour les demandeurs d’asile.

Un nouveau rapport élaboré dans le cadre du projet de recherche européen « Mécanisme National d’Évaluation de l’Intégration » (NIEM) montre également que la France « fait figure de mauvais élève en ce qui concerne le cadre législatif pour l’accès des réfugiés à l’emploi. La France demeure ainsi en queue de peloton, juste derrière la Roumanie et la Lettonie, notamment en raison des restrictions d’accès persistantes à certaines professions »[2].

Malheureusement, le débat politique en France sur le phénomène migratoire est largement conditionné par des peurs, des préjugés et des idées fausses. L’idée prévaut qu’il est nécessaire de restreindre l’accès des migrants au marché du travail, car ils volent les emplois des nationaux, augmentent la concurrence entre les travailleurs et font baisser les salaires.

Immigration : un plus économique
Contrairement aux idées reçues, l’immigration n’a que très peu d’effet sur l’emploi et sur le niveau de salaire, et a parfois même un effet positif. Dans son ouvrage le plus récent[3], Sophie-Anne Bisiaux, chercheuse et juriste en droit des étrangers, affirme que « dans un pays où la loi du marché domine, le nombre d’emplois n’est pas fixe, mais augmente en même temps que la population (les nouveaux arrivants se nourrissent, s’habillent, achètent des services et des biens, occupent un logement…). Autrement dit, le marché de l’emploi n’est pas un gâteau de taille fixe à partager en davantage de morceaux lorsque le nombre de convives se multiplie, mais le nombre de migrants lui-même augmente la taille du gâteau. Ce qui rend inopérant l’argument selon lequel les immigrés prendraient la place des nationaux ».

De fait, les effets positifs de l’immigration sur l’économie sont confirmés par une étude macroéconomique[4] publiée en 2018. Après avoir analysé des données de pays d’Europe couvrant la période de 1985 à 2015, les chercheurs ont constaté que lorsqu’un pays connaissait une augmentation du nombre d’immigrés, le PIB par habitant s’accroissait de manière significative pendant quatre ans, le taux de chômage baissait et les finances publiques s’amélioraient.

Même constat concernant les systèmes de protection sociale : les étrangers sont tout autant bénéficiaires que contributeurs. Et encore, ils ne sont pas toujours bénéficiaires, car bien souvent, les immigrés ne profitent pas pleinement de toutes les aides auxquelles ils pourraient prétendre, que cela soit par manque d’information, par discrimination au guichet ou encore par restriction des conditions d’attribution de ces aides.

Trois idées à retenir
Il n’y a pas de point final à la construction de la paix sociale d’un pays, mais le rôle fondamental du travail dans l’intégration des personnes migrantes dans la société d’accueil est indéniable. De plus, à la lumière des dernières études réalisées, il est difficile de soutenir que le système d’accès des étrangers au marché du travail français ne peut pas être amélioré. Mais au-delà des arguments sociologiques et économiques, n’oublions pas ce que nous enseigne la doctrine sociale de l’Église : « Il n’existe pas pire pauvreté que celle qui prive du travail et de la dignité du travail. Dans une société réellement développée, le travail est une dimension inaliénable de la vie sociale, car il n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie, mais aussi une voie pour l’épanouissement personnel, en vue d’établir des relations saines, de se réaliser, de partager des dons, de se sentir coresponsable de l’amélioration du monde et en définitive de vivre comme peuple »[5].

 

 

[1] Pereira Victor, « Chapitre 6 / L’encadrement bilatéral de la migration portugaise vers la France », dans : La dictature de Salazar face à l’émigration. L’État portugais et ses migrants en France (1957-1974), sous la direction de Pereira Victor. Paris, Presses de Sciences Po, « Académique », 2012, p. 203-250.

[1] https://www.lepoint.fr/societe/doubs-l-apprenti-boulanger-guineen-regularise-son-patron-cesse-sa-greve-de-la-faim-14-01-2021-2409647_23.php

[1] Jesuit Refugee Service, 2021, Rapport « Bien accueillir les réfugiés et mieux les intégrer »

[2] Rapport NIEM, 2020, p. 43

[3] Sophie-Anne Bisiaux, En finir avec les idées fausses sur les migrations, Éditions de L’Atelier, 18 mars 2021.

[4] Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et Dramane Coulibaly, « Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European countries », Science Advances, vol. 4, n° 6, juin 2018, étude citée par Saman Musacchio, « De l’effet bénéfique des migrations sur l’économie », CNRS Le journal, 20 juin 2018.

[5] Pape François, Lettre encyclique Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale, 3 octobre 2020, n 137.

 

Au cours de ces deux dernières années, la Chine continentale a accru ses incursions dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan de manière très sensible, totalisant plus de 5.704 vols. Les relations entre Taïwan et la Chine sont devenues de plus en plus tendues. Dans le même temps, la Chine a envoyé un grand nombre de navires de guerre et organisé des exercices militaires en mer de Chine du sud. La Chine a aussi construit de nombreuses lignes de défense côtière (la Grande Muraille de sable). Tout cela a causé beaucoup d’anxiété et de nervosité dans les pays voisins et eu un impact majeur sur la sécurité de l’Asie de l’Est et de la région Asie-Pacifique.

Il faut comprendre pourquoi la Chine est si tendue sur la question de la souveraineté de la mer de Chine du Sud. D’un côté, il y a des considérations géostratégiques, de l’autre de riches réserves de pétrole. Après la défaite navale de la dynastie Qing au 19ème siècle, la Chine a perdu la mer de Chine méridionale avant de se voir elle-même divisée par les envahisseurs occidentaux. Cette histoire représente un siècle de honte pour la Chine. Pour ce qui est du fond marin de la mer de Chine du sud, il est le troisième plus grand réservoir de pétrole au monde. À l’heure actuelle, le Vietnam et la Chine possèdent chacun plus d’une douzaine de zones de forages pétroliers offshore. Les forages du Vietnam sont utilisés par des compagnies américaines et britanniques. La Chine veut contrôler la mer de Chine méridionale tout comme elle veut contrôler Taiwan.

Taiwan a décidé d’améliorer ses propres capacités de défense et d’augmenter rapidement ses armements, ainsi que de renforcer l’alliance militaire avec les pays voisins comme les États-Unis et le Japon. Il continue à chercher une reconnaissance internationale plus grande. Il ne faut pas oublier que l’industrie des semi-conducteurs (nécessaires dans la fabrication des voitures et des téléphones portables) représente 77,3% du marché mondial en 2020 et que d’autres industries comme celles de l’emballage et des tests sont parmi les premières sur la planète. Taiwan est le modèle le plus important de liberté et de démocratie dans la région et a une positions stratégique essentielle dans la chaîne d’îles qui bordent l’océan Pacifique. Lorsque davantage de pays reconnaîtront la contribution et l’importance de Taïwan dans le monde, la Chine n’osera plus envahir Taiwan par la force.

Au cours des 60 dernières années, le peuple taiwanais s’est habitué aux attaques civiles et à l’intimidation militaire de la Chine. Les échanges inter-détroit se sont multipliés mais après le mouvement de résistance à l’extradition de Hong Kong vers la Chine populaire en 2019 et la pandémie du covid 19 au cours des deux dernières années, le régime autocratique et l’absence d’état de droit en Chine continentale ont poussé de nombreux hommes d’affaires taiwanais à quitter le continent pour se concentrer à nouveau sur Taiwan. L’apparence vicieuse de la diplomatie Loup Guerrier du gouvernement continental rend également les Taiwanais très dégoûtés. Dans un sondage d’opinion à Taiwan l’année dernière, 61,6% ont déclaré qu’ils étaient taiwanais, 33,6% qu’ils étaient à la fois taiwanais et chinois et 2,7% pensaient qu’ils étaient chinois.

J’espère que le pape pourra venir visiter Taiwan. Ce serait un événement très symbolique. S’il y a une protestation de la Chine continentale, le pape peut également se rendre en Chine en même temps.  Le Vatican peut agir comme un pont de paix entre Taiwan et la Chine.

 

 

Cette technologie est très intéressante, passionnante même, porteuse d’avancées et de promesses, mais la compétition économique et la volonté de domination la détournent assez largement de ses objectifs initiaux qui étaient de faciliter les relations et la communication. Les réseaux sociaux, l’accès au virtuel, l’intelligence artificielle et les « chatbots » (robots logiciels capables de dialoguer avec des humains), les objets connectés qui « discutent » entre eux sans nous, le Big Data et la collecte d’informations sur nos faits et gestes à notre insu modifient progressivement mais sûrement notre écosystème relationnel. La manipulation de l’information menace notre libre arbitre. L’anonymat transforme les relations et contribue à libérer la parole, voire l’agressivité. La montée de la haine en ligne et du harcèlement en témoignent. L’utilisation massive des jeux en ligne ou des réseaux sociaux créent de nouvelles addictions.

Comment réagir ?

D’abord en en prenant conscience et en se demandant comment adopter des comportements plus appropriés en tant que consommateurs, utilisateurs, citoyens et chrétiens. On observe aussi que les usages du numérique renforcent le désir d’immédiateté. La patience n’est plus une vertu. Le court terme compte plus que tout, même en économie et en politique. Mais alors, quel monde voulons-nous pour nous-mêmes et pour les générations à venir ? Comme pour l’écologie, nos excès peuvent conduire à une mise en danger. En revanche, les messageries, les sites, les smartphones sont des outils précieux. Les confinements en ont apporté la preuve tout en en mettant certaines limites en évidence.

Trois points de vigilance : le contrôle des individus, la manipulation des esprits, les nouvelles conflictualités.

Les dictatures n’ont aucun état d’âme pour contrôler les réseaux alors que les démocraties se doivent de respecter les droits des citoyens. Même si ce n’est pas à proprement parler du contrôle, les Gafam captent massivement, en toute impunité, nos données à des fins de profilage et de revente, avec l’accord plus ou moins tacite des usagers en échange de la gratuité des services. De ce fait, ils enregistrent une grande partie de nos déplacements, messages, recherches sur internet. De plus, les techniques de reconnaissance faciale sont très utilisées, y compris dans le domaine public. Un véritable contrôle social a ainsi été mis en place dans certains pays et tout comportement individuel ‘déviant’ est enregistré et sanctionné.

La manipulation des esprits a toujours existé, mais elle est beaucoup plus efficace et rapide grâce aux réseaux sociaux et aux sites Internet. Le complotisme y a trouvé un moyen extrêmement efficace pour prospérer, dans tous les domaines, jusqu’à mettre la démocratie en danger.

Quant aux cyberattaques, elles sont de plus en plus nombreuses, sournoises et menaçantes, souvent liées à des organisations étatiques et pas seulement criminelles. Une généralisation de la culture de la cybersécurité est indispensable pour y faire face. Les États démocratiques sont conduits à créer de nouvelles structures, pour se défendre, voire mener des attaques en représailles. Ces nouvelles méthodes nécessitent des compétences très poussées mais pas de grosses infrastructures. On peut donc craindre leur généralisation au niveau mondial. Les services ad hoc, militaires ou services secrets, disposent là de nouvelles armes tactiques, précises et dangereuses. Il est admis par de nombreux experts que la Russie, la Chine et la Corée du Nord notamment sont très avancées dans ce domaine. Une réglementation internationale s’impose au même titre que pour d’autres armes, telles les armes biologiques ou chimiques.

Une nouvelle donne

En quelques années avec le numérique, nous bénéficions de facilités nouvelles, ce qui explique leur adoption si rapide dans le monde, et simultanément les dégâts sont déjà avérés sur le fonctionnement des sociétés humaines. Cependant ne sous-estimons pas le fait que la puissance d’innovation du numérique est immense et que nous en aurons besoin…

Bernard Jarry Lacombe, membre associé de Justice et Paix France