Centenaire
Nous sommes entrés dans le temps des commémorations de la première guerre mondiale. C’est de souffrances et de mort qu’il s’agit. Les initiatives sont nombreuses et diverses.
Pour le centième anniversaire de la « der des der », nul ne veut arriver le dernier. Il y a la crainte que juin 1944 ne porte de l’ombre à août 1914. Il y a le risque que l’intérêt réel porté aux événements ne retombe vite, une actualité chassant l’autre. Il y a aussi les enjeux touristiques et donc économiques, chacun des départements du champ de bataille cherchant à attirer visiteurs et « pèlerins » un peu plus tôt que le département voisin.
Faire mémoire de la Grande Guerre, c’est retrouver des images : files de soldats qui montent au front, groupes qui en reviennent, moins nombreux au retour qu’à l’aller, quelques valides soutenant les blessés, le regard vide de ceux qui ont vu l’indicible ; la roulante qui fume à l’arrière ; la chasse aux rats et aux poux. C’est retrouver la boue, les blessés abandonnés entre les lignes, l’héroïsme des officiers et des hommes, les interrogations sur le « commandement ». C’est rappeler les otages fusillés, les civils massacrés, les villages incendiés.
Les livres et les films ne manquent pas pour alimenter ce regard vers le passé. Mais à côté de la mémoire qui vient toute seule, n’y a-t-il pas place pour la mémoire qui fait le présent et commence à construire l’avenir. « Plus jamais ça ! », c’est aussi le souhait qu’on entend. Le temps des commémorations est aussi le temps où préparer la paix. Malheureusement pour elle, la paix n’est pas aussi spectaculaire que la guerre. Essayez d’organiser une exposition sur la paix ! Les documents que vous pourrez y présenter seront beaucoup moins attractifs pour le « grand public » que les documents sur la guerre, plus nombreux, susceptibles d’émouvoir ou de choquer.
Difficiles à formuler en temps de paix, les paroles de paix le sont encore davantage en temps de guerre. Le Pape Benoît XV en a fait l’éprouvante expérience. Elu le 3 septembre 1914, il succède à Pie X alors que l’Europe est en feu. Des chrétiens, des catholiques s’affrontent dans les deux camps. Stigmatisant un « massacre inutile », Benoît XV rappelle que les belligérants descendent d’un même ancêtre : « Nous appartenons tous à une même société humaine ». Il précise : « Le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit ». On lui reproche de rester neutre dans le conflit, « pape français » pour les Allemands : « pape boche » pour les Français ! En 1917, il formule des propositions détaillées : « Très Saint Père, nous ne pouvons pas pour l’instant retenir vos appels à la paix » dira le Père dominicain Sertillanges.
Benoît XV organise la pastorale des soldats, mais aussi le soutien aux orphelins, propose des échanges de prisonniers : des gestes et des paroles héritières de la pensée de Léon XIII ; celles-ci sonnent plus juste aujourd’hui que les discours enflammés des politiques d’alors. On rêve de ce que le monde serait devenu si le pape avait été entendu. On mesure aussi la distance entre le monde tel qu’il aurait pu être et le monde tel qu’il est : une méditation réaliste peut-elle nourrir l’espérance aujourd’hui ?
Repères
Sur les pas du Père Anizan
Le Père Emile Anizan, qui allait fonder les Fils de la Charité, fut curé du village de Damloup (Meuse) et aumônier volontaire sur le champ de bataille proche de Verdun en 1914, 1915 et au début de l’année 1916.
En allant rencontrer les soldats, le Père Anizan cherchait à vivre en « fils de la charité ». Il peut être un guide en ces lieux qui interrogent sur le sens de la vie et de la mort.
Des « voyages de paix » sont organisés sur les chemins qu’il a parcourus (Fils de la Charité, Secours Catholique).
Verdun
843 : le traité de Verdun partage l’empire de Charlemagne et organise l’Europe
1916 : Verdun, ville frontière, entourée de 50 forts, fait l’objet d’une attaque menée par les Allemands avec les plus grands moyens d’artillerie qu’on ait connus jusque là. C’est la guerre industrielle. La bataille emblématique oppose pendant 10 mois les Français et les Allemands (sans le concours de leurs alliés). Plus de 300 000 morts sur quelques kilomètres carrés. « Ils ne passeront pas », car s’ « ils » passaient, plus rien ne les arrêterait.