« Faites la paix ! »

L’association « Centenaire pour la paix », créée à l’initiative de fidèles des diocèses catholiques de Lille et d’Arras, et ouverte à toutes les confessions et options de foi, a organisé, du 19 au 22 avril 2018, un rassemblement intitulé « Faites la paix ! ». Ces quatre jours ont été précédés de plusieurs mois de sensibilisation.

 

Le déroulement même de l’événement voulait mettre en œuvre une démarche intérieure :

 

  • Le Jeudi 19, jour 1, était centré sur la mémoire, l’émotion suscitée par les grands mémoriaux des batailles de l’Artois en 1914-1918. La journée s’est terminée à la nécropole-sanctuaire de Notre-Dame-de-Lorette avec la proclamation d’un appel à une paix juste, signé par des représentants catholiques, anglicans, protestants, évangéliques, musulmans, juifs et bouddhistes. Une chorale de 600 enfants, témoins de l’événement, chantait la paix. Des collégiens, partenaires d’un échange franco-allemand, ont transmis cet appel aux représentants institutionnels et politiques présents.

 

  • Le Vendredi 20, jour 2, se voulait un temps de réflexion: quels enseignements tirer, pour aujourd’hui, du désastre de la première guerre mondiale ? L’Université catholique de Lille, pour un jour « Campus de la paix », voyait une trentaine d’intervenants explorer les défis de la paix, suite au traumatisme de la Grande Guerre. Il a été noté une bonne participation de lycéens de la Métropole lilloise aux débats.

 

  • Le Samedi 21, jour 3, était celui de l’engagement concret, aujourd’hui, pour le développement d’une culture de paix et de justice. Outre une scène musicale, sept « villages », animés par de nombreux partenaires, offraient plusieurs portes d’entrée dans l’engagement pour une paix juste : éducation à la paix, dialogue des cultures, justice sociale et droits humains, non-violence active, religions au service de la paix, transition écologique, paix avec soi-même.

 

  • Le Dimanche 22, jour 4, portait le message, le symbole: une immense chaine humaine de 4 500 personnes était déployée sur la ligne de front de 14-18, entre grands mémoriaux et nécropoles. L’écho médiatique a été important sur la région.

 

Beaucoup d’autres initiatives se sont greffées sur cette trame de fond.

 

Quel bilan tirer de cet événement ?

 

Le projet initial partait d’un souhait : honorer le devoir de mémoire, en permettant qu’il engage concrètement nos choix et nos comportements aujourd’hui, selon l’Évangile ; ne pas faire de l’appel à la paix une vaine incantation politique, mais développer la conscience d’un effort quotidien à fournir, impliquant plusieurs dimensions de notre vie personnelle, spirituelle et sociale. L’objectif  semble avoir été atteint, au prix d’une organisation de quatre jours, lourde à porter pour des équipes en grande partie bénévoles. Deux éléments nous le font penser :

 

  • La participation massive des enfants, des jeunes, des familles, dans une ambiance faite d’émotions, de symboles et d’actions concrètes.

 

  • La grande diversité des partenaires : organismes spécialisés dans les problématiques de paix et de non-violence, associations pour la transition écologique ou pour la justice sociale, écoles et mouvements de jeunesse, différentes religions et confessions, acteurs d’expériences de quartier, etc. La paix s’est trouvée promue au rang d’objectif fédérateur, chacun offrant sa manière d’y entrer.

 

Dans ce rassemblement, les discours ont plutôt fait place à une pédagogie basée sur l’invitation à expérimenter concrètement la construction de la paix, à goûter la joie de bâtir une relation aimante à ce qui nous entoure : greffer, sur la commémoration de la première guerre mondiale, – guerre menée avec une logique industrielle, guerre nourrie par la construction des haines collectives – l’expérience d’une paix élargie, inclusive, à portée de tous, joyeuse.

 

Une question pour la mission de l’Église

 

Durant la préparation, nous avons dû avancer avec une question complexe : l’Église s’y trouve-t-elle dans sa mission ? Nous avons voulu donner toutes les garanties de laïcité, pour permettre aux pouvoirs publics d’apporter leur contribution, pour aussi ouvrir la participation à ceux qui ne se seraient pas retrouvés sous une étiquette catholique trop prononcée. Il nous a fallu tenter de distinguer ce qui relèverait d’une dimension cultuelle, de ce qui serait de l’intérêt général. Mais l’intérêt général n’est-il pas cette « célébration » de la paix, cette « catéchèse » du vivre-ensemble ? Certains catholiques trouvent qu’une telle opération n’est pas du ressort de l’Église, puisqu’il n’y a pas une évangélisation directe et explicite.

 

Pourtant, nous ne faisons qu’enraciner localement la voie ouverte, il y 30 ans, par le pape saint Jean-Paul II à Assise. C’est bel et bien au nom du Christ que l’Église catholique rassemble toutes les personnes de bonne volonté, y compris celles qui ne partagent pas sa foi. Et je ne pense pas que cela ait été ignoré par qui que ce soit durant ces quatre jours. La meilleure preuve réside certainement dans la frilosité des collectivités territoriales à se joindre, sur un tel événement, à des partenaires qu’elles savent religieux. Mais l’Église a rassemblé ici, non pas sous sa « bannière », mais sur cette aspiration profonde de l’être humain à la paix juste, dont nous, chrétiens, pensons qu’elle est un don de notre Créateur universel. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ?