Frustration : Israël – Palestine
Lors d’une visite annuelle, du 4 au 10 janvier, une délégation d’évêques catholiques représentant les diverses assemblées épiscopales d’Amérique du Nord et d’Europe, membres de la Coordination des évêques pour la Terre sainte, a rencontré des communautés chrétiennes dans la bande de Gaza, à Bethléem et à Beit Jala (Cisjordanie), ainsi qu’en Jordanie, à Madaba et à Zarqa.
Les années passent, et rien ne permet de penser que la situation au Moyen-Orient va s’améliorer rapidement.
Le mur qui protège Israël se prolonge, lance ses tentacules en direction des colonies qui se multiplient. Un recours en justice a pour but d’arrêter sa construction dans la vallée de Crémisan, mais qui peut croire que la justice, ici, puisse résister à l’argument de la sécurité, même quand, en l’occurrence, il est totalement fallacieux et cache la volonté de finir l’encerclement de Jérusalem et de couper celle-ci de Bethléem ?
Et sur la route de Jéricho, les colonies vont arriver à couper le territoire palestinien en deux.
Pendant quelques années, nous avons cru à la solution de deux États.
A chaque période, nous nous disions : « c’est la dernière année de Clinton, il va avoir les mains libres, il va pouvoir agir ; Obama a fait un superbe discours au Caire, il va agir ; Hillary Clinton a montré son agacement devant le projet de nouvelles colonies, les Américains vont agir ; la communauté européenne a publié un rapport précis et très critique sur la planification de l’encerclement par les colonies faite par les élus de Jérusalem, elle va agir… ».
C’est toujours pour demain.
Certes, le ton des communiqués monte. Diplomatiquement, il ne peut pas aller beaucoup plus loin… d’autant que les condamnations les plus fermes sont immédiatement assorties du : « évidemment, nous sommes contre la politique de sanction ».
Nous qui pensons qu’il n’y a pas de paix possible sans l’établissement de deux États égaux en droit, nous rêvons encore d’une fenêtre d’opportunité : les élections en Israël et le début de la mandature Obama II.
Mais soyons clairs : la fenêtre sera de courte durée, car les colonies s’installent et l’irrémédiable sera fixé.
Nous allons vers un statu quo… un seul État, Israël… et, au cœur d’Israël, la tentation, soit de chasser les Palestiniens, soit de l’ « apartheid ».
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Dans le monde tel qu’il est, il est difficile de ne pas se laisser prendre aux discours sur la sécurité. La conscience risque de s’endormir devant ceux qui ne prennent pas conscience de l’injustice qu’ils causent. La sécurité est un bien. Elle peut justifier des actions d’urgence. Elle ne peut pas justifier, sur le long terme, l’absence de considération pour les drames humains et le refus de chercher une solution politique aux problèmes. Bref, pour refuser d’oser la confiance.
La frustration est grande.
Israël est une jeune démocratie, mais c’est une démocratie et, en son sein, une grande partie de la population est horrifiée chaque fois qu’elle apprend les violations des droits de l’homme. Mais elle sait mal, même si ses réseaux sociaux peuvent permettre aujourd’hui de dépasser les censures et les politiques de communication.
Israël a besoin de sécurité, comme tous les peuples, mais Israël au aussi besoin d’ouverture… et les murs ne peuvent pas monter jusqu’au ciel : c’est Israël qui a la force, c’est donc cet Etat qui a le devoir d’oser la confiance malgré les terroristes des deux camps.
Les chrétiens sont majoritairement arabes. Mais ils sont soutenus par le monde entier. 45 % des ON.G travaillant en Palestine sont chrétiennes (2 % de la population), 25 % du service de santé est entre leurs mains. Et leur effort pour l’éducation des jeunes – quels qu’ils soient, musulmans ou chrétiens, pauvres ou riches- est un moyen pour eux de résister au manque d’espoir : elles cherchent à bâtir le futur.
Pourtant, cet engagement est le fait d’une partie importante, mais minoritaire : que ce soit chez les juifs, chez les musulmans ou chez les chrétiens, la sécularisation gagne, et, parallèlement, les tentations identitaires, voire extrémistes. La guerre n’est jamais une école de moralité.
A Beit Jala, la communauté chrétienne est celle qui va être privée de son gagne-pain, en étant privée de ses terres de Crémisan. Humainement, la frustration est grande. Le pire semble inévitable. Mais la communauté est non-violente, et elle s’est engagée dans une campagne de prière. Avec confiance.
Arriver à se faire confiance les uns les autres en demandant à Dieu d’y parvenir, c’est le seul plan.
Et il n’existe plus de plan B.