La responsabilité de protéger

Après le colloque «Le désarmement nucléaire demain ?» organisé en mars 2012 (les Actes seront prochainement disponibles), la Faculté des sciences sociales et économiques (Institut catholique de Paris), Justice et Paix et Pax Christi, viennent d’organiser, à la demande des évêques, un nouveau colloque sur la responsabilité de protéger.

Celle-ci  a été définie par le Sommet mondial des Nations unies de 2005 :

« C’est à chaque Etat qu’il incombe de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité consiste notamment dans la prévention de ces crimes, y compris l’incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous l’acceptons et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les Etats à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.

Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII[1] de la Charte, afin d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.

Nous soulignons que l’Assemblée générale doit poursuivre l’examen de la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et des conséquences qu’elle emporte, en ayant à l’esprit les principes de la Charte et du droit international. Nous entendons aussi nous engager, selon qu’il conviendra, à aider les Etats à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et à apporter  une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu’une crise ou qu’un conflit n’éclate. »

Quatre types de crimes donc et trois niveaux de responsabilité : l’Etat, la communauté internationale pour le soutenir pacifiquement, la communauté internationale pour agir militairement en dernier recours.

Le colloque a permis l’examen concret des situations précises qui ont vu le Conseil de sécurité intervenir depuis 2005, chaque fois de façon spécifique. Au Darfour en 2006, il a élargi le mandat d’une force déjà présente ; en Côte d’Ivoire, en 2011, il a mis dans le circuit la Cour pénale internationale et prononcé des sanctions visant les opérations financières et les déplacements des auteurs de crimes. Le cas libyen de 2011 constitue le cas le plus flagrant de recours à la force dans ce nouveau cadre: le Conseil envisage toutes les mesures possibles, sauf le déploiement sur le terrain de forces étrangères, ce qui explique le caractère aérien des attaques françaises et britanniques. En Syrie, le Conseil a décidé de l’envoi d’une mission de 300 observateurs qui fut un échec.

Pour le Mali, dès juillet 2012, les Nations unies se sont emparées du dossier. En octobre, le Conseil condamne les violations des droits de l’homme et les crimes. En décembre 2012, il décide d’un déploiement d’une force africaine pour appuyer l’armée malienne. L’intervention de la France est une anticipation de l’arrivée des Africains, mais demandée par les autorités maliennes, elle  a été approuvée par le Conseil de sécurité.

 

En concluant le colloque, Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi, insistait sur l’aspect éthique de la responsabilité de protéger. L’important est d’abord la prévention. Et il s’agit de protéger la vie de chacun : la force est toujours un pis-aller.  La responsabilité de protéger n’est pas que militaire dans sa mise en œuvre. Ce nouvel outil de la communauté internationale manifeste l’importance du rôle des Nations unies et des demandes répétées de l’Eglise depuis Pacem in terris il y a 50 ans : « De nos jours, le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale.

Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent, eux aussi, des dimensions mondiales et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle. »(137)

[1] Actions pacifiques, actions au moyen de forces militaires