Madagascar : enfin le rebond ?

Madagascar n’a plus fait la une de la presse ces dernières années. Tout juste a-t-on mentionné l’élection de son nouveau président, investi le 25 janvier, en particulier à cause de son nom de famille de dix-neuf lettres et huit syllabes.

La grande île de l’Océan indien a pourtant traversé depuis 2009 une crise peu sanglante, mais néanmoins meurtrière. Dans un contexte d’extrême fragilité – plus des quatre cinquièmes de la population vit sous le seuil de pauvreté –  la brutale régression économique ayant fait suite au renversement du président Marc Ravalomanana a bouleversé la (sur)vie de millions de familles.

L’un des indicateurs de ce surcroît de précarité est la hausse de la criminalité, tant dans les villes que dans les campagnes. Alors que 80% de la population vit en milieu rural, le phénomène des « dahalo » (voleurs de zébus) a généré une grande insécurité dans certaines régions. Attaques de villages, embuscades, exécutions sommaires de bandits capturés… Derrière ce phénomène relevant autrefois d’une tradition plutôt pacifique se cachent aujourd’hui des élus, des responsables politiques et sécuritaires qui fournissent armes et munitions et usent de leur entregent pour  fournir les certificats nécessaires au « blanchiment » du bétail.

Autre symptôme inattendu de la crise au sommet de l’Etat : une invasion de criquets migrateurs. Cette véritable « plaie d’Egypte » voit des milliards d’insectes, capables de se déplacer sur des milliers de kilomètres, ravager intégralement les cultures sur leur passage. A l’origine de l’invasion de 2013, des conditions climatiques favorables, mais surtout le fait que, sous l’effet notamment de la suspension de l’aide internationale, le gouvernement de transition n’a consacré que 30% des budgets nécessaires à la prévention de ce fléau.

On pourrait multiplier les exemples de conséquences funestes de la soif de pouvoir et de richesse – le plus médiatisé étant le trafic de bois précieux, qui a atteint des sommets ces cinq dernières années, encore une fois grâce à des complicités remontant jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.

Expert-comptable de profession, le président Hery Rajaonarimampianina est relativement un nouveau venu dans la vie politique. Les défis qu’il doit relever sont immenses. L’agriculture, le tourisme et le textile, qui étaient avant la crise les secteurs les plus dynamiques de l’économie malgache, sont totalement sinistrés.

Mais, plus largement, c’est une façon de vivre ensemble qui a besoin d’être rétablie. Dans un « message aux gouvernants » publié en novembre dernier, les évêques de Madagascar les exhortaient à « protéger les richesses nationales et à les distribuer selon la justice pour faire épanouir l’homme et tout homme ». Un programme ambitieux pour de nouveaux ministres et parlementaires souvent issus des régimes précédents.

Repères

2002 : Arrivée au pouvoir de Marc Ravalomanana après une crise de sept mois avec son prédécesseur Didier Ratsiraka.

2007 : Marc Ravalomanana est réélu et obtient par référendum un renforcement des pouvoirs présidentiels. Andry Rajoelina, un candidat indépendant récemment entré en politique, est élu maire de la capitale, Antananarivo.

2008 : La chaîne de télévision privée Viva appartenant à Rajoelina est interdite après la diffusion d’une interview de l’ex-président Didier Ratsiraka, exilé en France.

2009 : Après plusieurs mois de manifestations et une tuerie près du palais présidentiel, Rajoelina, devenu le porte-parole de la contestation politique, est porté au pouvoir par des militaires. Ravalomanana est contraint à l’exil.

2013 : L’élection présidentielle désigne Hery Rajaonarimampianina, soutenu par Rajoelina, face au candidat pro-Ravalomanana, Robinson Jean Louis. Les législatives ne donnent pas de majorité claire au nouveau président.