Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Le 9 mai est lancée une Conférence sur le Futur de l’Europe. Cet exercice de démocratie participative à grande échelle est un projet conjoint de la Commission, du Conseil et du Parlement européen. Après de nombreuses tractations, ces trois institutions s’en sont partagé la gouvernance, ainsi que le comité exécutif.

L’idée est de relancer l’adhésion des citoyens européens à l’EU dont les ténors ont enfin pris conscience qu’elle est essentielle à sa survie. Si l’Europe est une idée que rien n’a pu arrêter en son temps, elle court aujourd’hui le risque d’avoir « fait son temps », faute d’adhésion. L’EU a toujours été mal connue de ses citoyens malgré l’élection du parlement européen au scrutin universel depuis 1979 et malgré ses nombreux programmes dans les domaines de l’éducation, du développement des territoires, de l’innovation et de la recherche. L’institution reste facilement critiquée par les leaders nationaux pour ses échecs qui, parfois, ne sont que les leurs, dans les champs financiers ou migratoires notamment. Ces 20 dernières années, de vraies divisions et fragmentations l’ont particulièrement fragilisée. Paradoxalement, alors qu’elle a réagi de façon unifiée dans les négociations sur le Brexit, et face à la crise sociale due à la pandémie, elle est vilipendée, comme cause des lenteurs de la vaccination.

Si l’idée d’une telle Conférence pré-date la crise sanitaire, cette dernière a encouragé le Comité exécutif à miser sur le digital. Le cœur du réacteur est donc une plateforme digitale dite inclusive pour encourager les citoyens à proposer leurs idées. La vice-présidente de la Commission européenne et co-présidente du comité exécutif, Dubravka Šuica, a insisté fin mars : ‘‘La Conférence permettra aux citoyens de tous les coins de l’UE, et de tous horizons, de partager leurs idées, leurs espoirs et leurs rêves concernant l’avenir de l’Union. C’est un moment unique et historique pour la participation citoyenne au sein de l’UE. »[1] Depuis le 19 avril, la plateforme ‘l’avenir est entre vos mains’ s’est ouverte, en 24 langues.[2]

Démocratie participative : un outil de changement social ?

Si les modalités de la participation se clarifient peu à peu, l’articulation avec la prise de décision reste très floue. Ici se trouvent deux enjeux majeurs pour faire de l’initiative un succès : participation et impact.

Les formes de démocratie plus directes se développent depuis plusieurs années à tous les étages de nos démocraties. Outre les classiques ‘votations’ suisses, se développent les expériences de consultations pour des projets (par exemple dans le Bad Wurtemberg après le conflit sur la nouvelle construction de la gare centrale de Stuttgart), les conventions thématiques comme en France en réponse au mouvement des gilets jaunes ou sur l’environnement. L’essor du numérique se joue aussi dans les entreprises, dans les administrations, les universités. En théorie, il ouvre des portes, des espaces de co-construction de la prise de décision. En même temps, les expériences se révèlent très délicates. Elles ont montré qu’il est difficile de mobiliser les citoyens, compliqué de trouver les bons processus et équilibres, en particulier d’arbitrer entre expertise et engagement, entre intérêt général et intérêts sectoriels, etc. De plus, dans un monde surmédiatisé, l’exercice risque toutes formes de manipulation politiques. Enfin, et c’est peut-être la question principale : qu’en est-il du suivi ? « Hackaton », « consultation », « concertation », s’accumulent sans que l’on ne perçoive de transformation de la démocratie. Les premiers commentaires francophones sur la plateforme digitale alternent d’ailleurs entre cynisme et scepticisme.

Un chemin étroit pour démontrer la résilience démocratique

L’impact d’une telle consultation est une question ouverte. Et pourtant il est à souhaiter que dans l’élan de participation qui a marqué les élections européennes de 2020, les citoyens réagissent, s’engagent. Au-delà de résultats éventuels, le chemin en lui-même compte : apprendre à se servir du numérique pour proposer, délibérer, écouter et, en cela, engager un chemin de transformation politique de long terme. Dans un monde où les régimes autoritaires et les partis populistes sont dominants, où certains leaders n’hésitent pas à réprimer les oppositions dans le sang et la terreur, réinventer la discussion en politique est essentiel. Il nous faut tisser des liens virtuels et réels, occuper ces lieux d’expression et d’échange respectueux en ligne et ‘en vrai’. L’Action Concertée de Justice et Paix Europe en 2021, centrée sur le dialogue, a pour objectif de relayer ce message. L’Europe est une idée à la fois forte et fragile. Il est temps que ses citoyens se demandent ce qu’ils peuvent faire pour elle.

[1] UE Déclaration, 24/03/2021 ; https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/STATEMENT_21_1401

[2] https://futureu.europa.eu/?locale=fr

Fragilité sans frontières : une expérience

Quatre amis, anciens de l’Arche et de Foi et Lumière, font l’expérience que la relation avec la personne ayant un handicap mental et ses proches les a transformés en profondeur.

La fragilité des personnes avec un handicap vient toucher celle de ses proches et provoque souvent douleur, impuissance et solitude. Mais lorsqu’elle est accueillie et partagée, on découvre qu’elle crée des liens étroits, qu’elle nous parle de notre humanité commune, quelles que soient nos différences.

Et si la personne en situation de handicap avait un don particulier pour faire tomber les murs de nos frontières sociales, culturelles et religieuses ?

Et si la rencontre avec les plus fragiles ouvrait pour nous tous des chemins d’unité ?

 

Fragilité sans frontières : trois rencontres en 2020

Au Liban, en Egypte et en France, des personnes liées à la personne handicapée, issues de différentes nationalités, des chrétiens et des musulmans, ont mis en commun leur expérience.

Ils ont partagé leurs projets, puis l’expérience de leur humanité, leurs peurs, leurs larmes aussi devant le rejet, leurs différences parfois souffrantes. Or de tout ce travail de transformation laborieuse, a jailli comme une joie, une force de vie. Une liberté aussi.

Et si ces rencontres étaient prophétiques pour nos sociétés divisées ?

 

Fragilité sans frontières : un documentaire

Pour témoigner de cette expérience, et encourager la mise sur pied de ces petits lieux de partage autour de la personne fragile, les initiateurs ont tiré un documentaire de ces trois rencontres.

Diffusé sur les réseaux sociaux fin janvier 2021, il a rencontré de nombreux échos et permis l’émergence d’un projet en France, celui de « l’anthropologie de la rencontre ».

A travers ce documentaire et ce projet inédit, « Fragilité sans frontières » ouvre des chemins inédits pour penser une anthropologie de la rencontre et témoigner de cette réalité : « la paix est fragile, mais la fragilité peut nous conduire à la paix ». 

Contact Presse : Marie-Vincente Puiseux  mvincentepuiseux@gmail.com

Cette année, la Journée de l’Europe, le 9 mai, marque le lancement de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe. La Conférence est une bonne nouvelle. La Commission des Épiscopats de l’Union européenne (COMECE) et la Conférence des Églises Européennes (CEC) s’en réjouissent et souhaitent qu’elle soit un succès.

Nous saluons le fait que la Conférence soit une initiative visant à impliquer tous les citoyens européens, la société civile, ainsi que les Églises et les communautés religieuses, dans une discussion sur l’Union européenne que nous voulons. Un débat large, ouvert et inclusif sur l’avenir de l’Europe est une première étape indispensable pour renouveler la confiance et raviver l’engagement envers l’Union européenne en tant que véritable communauté de valeurs.

La COMECE et la CEC – qui représentent, par l’intermédiaire de leurs membres, des millions de citoyens européens dans tous les États membres de l’UE – s’engagent fermement à contribuer activement à la Conférence au niveau européen et sont impatientes de le faire. Nous nous efforcerons également d’enthousiasmer, d’inspirer et de faciliter la participation de nos membres aux niveaux local, régional et national. Nous encouragerons tout particulièrement les jeunes à prendre part aux discussions sur l’avenir de l’Europe. En effet, l’implication des jeunes dans la Conférence devrait être une priorité essentielle de la Conférence : Comment les jeunes Européens, l’avenir de l’Europe, peuvent-ils retrouver de grands espoirs, la foi et la confiance dans le projet européen ?

En tant qu’Églises, enracinées à tous les niveaux dans les sociétés européennes et présentes dans tous les États membres de l’UE et au-delà, nous pouvons effectivement apporter une valeur ajoutée et contribuer de manière constructive à la Conférence. Nous considérons qu’il est également important d’inclure d’une certaine manière les futurs États membres de l’UE dans les discussions sur l’avenir de l’Europe.

La COMECE et la CEC, partenaires de dialogue des Institutions de l’UE, s’attacheront à renforcer les valeurs européennes communes, à lutter contre le changement climatique, à préserver la Création, et à développer des politiques migratoires fondées sur le respect des droits de l’Homme et de la dignité humaine de chacun. Nous devons également repenser et développer le marché commun – qui est au cœur, mais pas le cœur du projet européen – en accord avec les valeurs de solidarité, de justice sociale, de coopération intergénérationnelle, d’égalité et de transitions verte et numérique justes. S’agissant de l’UE en tant qu’acteur mondial, nous devons nous demander comment promouvoir les intérêts économiques sans compromettre nos valeurs européennes fondamentales.

La COMECE et la CEC se réjouissent de participer de manière ouverte, constructive et inclusive tout au long de la conférence, et attendent beaucoup de la plateforme numérique interactive multilingue. Les préoccupations, les points de vue et les visions des citoyens européens, de la société civile et des Églises devraient être entendus et les conclusions de la Conférence transformées en recommandations concrètes pour les politiques de l’UE. Nous invitons tous les Européens à participer à la Conférence, en espérant qu’elle donnera un nouvel élan au projet européen et des visions nouvelles et innovantes pour une Union européenne plus durable, équitable, inclusive et prospère dans les années à venir.

Nous souhaitons sincèrement le succès de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe et que l’Union européenne se réaffirme comme un vecteur fort d’espoir, de paix et de justice dans les années à venir, en particulier pour nos jeunes générations.

S.Em. Card. Jean-Claude Hollerich SJ
Archevêque de Luxembourg
Président de la COMECE

et
Rev. Christian Krieger
Président de la CEC