Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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1 – Mettre un peu de cohérence dans nos aspirations.

Dans le contexte électoral, différentes enquêtes récentes (réalisées en cours de pandémie) révèlent des orientations socio-politiques qui prennent d’abord en compte l’individu. Ce trait comporte une face positive : la confiance dans la capacité de chacun à prendre des initiatives qui lui seront favorables, notamment en matière économique. En recherchant son intérêt chacun peut aussi offrir des services à la collectivité. On cite souvent le boulanger qui veut gagner sa vie en produisant du pain : il contribue à nourrir la population. Mais l’individualisme comporte parfois une face de rejet de l’autre, notamment s’il est différent et/ou pauvre : cela peut aller jusqu’à la caricature quand l’immigré est vu comme la source de tous les maux, ou quand toute aide publique est considérée comme une prime à la paresse.

On peut s’étonner des tendances contradictoires manifestées par ces mentalités. Les problèmes sanitaires ont révélé le rôle fondamental de métiers  qui mettent en premier le service du public plutôt que les avantages particuliers : soignants, enseignants, etc. Et certains, qui se méfient de toute personne venant d’ailleurs, profitent des services rendus par les caissiers des magasins d’alimentation ou les livreurs de repas à domicile ! D’autres, qui habituellement ne voient en toute aide publique que l’incitation à une dépendance coupable, sont les premiers à revendiquer afin de recevoir des indemnisations pour perte d’activité. Il y a de la contradiction dans l’air !

Dans cette affaire, quel rôle est joué par les commentateurs ? Et nous avons tous un avis sur ces questions. Si les sondages d’opinion décrivent la mise au pinacle d’un individu dérivant parfois vers la xénophobie ou le mépris des faibles, certains estiment nécessaire de suivre les courants dominants. Il s’agirait d’un fait auquel il faudrait se plier, bon gré, mal gré. Au contraire, j’estime qu’il est nécessaire de résister, chacun commençant par une critique de ses propres tendances douteuses et contradictoires. Résister non à coup d’insultes, mais avec des arguments posés. Le bien de la personne se trouve-t-il dans le repli sur soi et la méfiance envers l’autre, ou dans une solidarité ouverte qui offre de belles rencontres ? La liberté brille au fronton de nos édifices publics, mais n’oublions pas la fraternité : elle réveille ce qu’il y a de meilleur en nous. Alors, ne laissons pas les discours à la mode polluer notre désir d’une vie plus humaine.

 2 –  Noter des chiffres qui renvoient à des situations humaines.

Plus de 200 ONG alertent sur la situation de 34 millions de personnes dans le monde : elle ne sont pas seulement en manque alimentaire, mais vraiment privées de nourriture ; et les enfants en sont les premières victimes. L’aide d’urgence pour les sauver est évaluée à 5,5 milliards de dollars, or les fonds nécessaires pour de tels programmes ne sont pas au rendez-vous. Parmi les pays en difficulté, on cite la République démocratique du Congo, le Yémen, l’Afghanistan, la Syrie, le Soudan sud, le Nigéria…

Dans le même temps, les USA débloquent 1 900 milliards pour le soutien de leurs citoyens qui connaissent des difficultés et le montant total des aides à la reprise et aux investissements publics s’élève à environ 7 000 milliards de dollars.

Autre chiffre : en 2020, les dépenses militaires dans le monde se montent à 2 000 milliards, en hausse de 2,6 % par rapport à l’année précédente. Pour la France, les dépenses militaires sont de 52,7 milliards d’euros (+ 2,9 %).

Deux remarques. D’un côté, des montants vertigineux ; de l’autre, un oubli ou un refus de considérer le désespoir de populations qui voient leurs enfants mourir de faim, qui se savent condamnées à mort ; et une incapacité à organiser des secours d’urgence. En laissant ainsi de côté des membres de notre famille humaine, c’est notre commune humanité que nous trahissons. Il s’agit bien d’une violence faite aux plus fragiles.

Alors que nous sommes en situation de pandémie, on pourrait souhaiter que les efforts portent d’abord sur la santé, par exemple en fournissant des vaccins aux populations les plus pauvres. Mais on constate le choix d’augmenter notablement les dépenses militaires, au risque d’accentuer les peurs et d’amplifier la course aux armements.  Depuis Jean XXIII, les papes ont constamment dénoncé cette erreur tragique dans l’affectation des ressources : privilégier les armes au détriment de la nourriture et de la santé.

Le drame vécu par des familles condamnées à mourir de faim ne fait pas la une de l’actualité. On parle plus volontiers de foot, pas seulement en raison d’exploits sportifs, mais sur la manière dont les clubs les plus riches cherchent à maximiser leurs profits. Dans le même temps, on salue le courage de ceux qui vont dans l’espace, ce qui permet d’améliorer nos connaissances, mais on perçoit aussi les discours feutrés d’investisseurs qui espèrent s’enrichir en organisant un « tourisme de l’espace ». Les écarts dans l’accès aux biens s’accentuent : les plus fragiles sont laissés à l’abandon, considérés comme des déchets, tandis que l’info nous gave avec les frasques de quelques stars.

3 – Demeurer vigilant à l’égard de nobles sentiments.

Céline HOYEAU, journaliste à La Croix, vient de publier La trahison des pères, Bayard. Elle a mené l’enquête sur les abus de pouvoir en Église et les emprises sur les personnes qui ont conduit jusqu’à des délits, voire des crimes sexuels. La quête spirituelle peut être pervertie en raison d’une hypertrophie de l’idéal qui empêche de voir les désordres au quotidien, ou encore d’une idolâtrie à l’égard de personnages charismatiques qui ouvre à tous les dérèglements ; il y a aussi la tentation de se situer du côté des « purs », d’estimer que le mal à combattre ne peut se situer que chez les autres… Tout cela étant amplifié par un recours pervers au sacré qui fascine et qui aveugle.

L’auteure invite en finale à une vigilance spirituelle qui dépend de chacun. « L’enjeu d’un travail de connaissance de soi et de vérité, loin d’être narcissique, est bel et bien éthique : car plus on affronte avec courage ses propres ambiguïtés, son besoin non avoué de rassurance ou de reconnaissance, ses peurs et ses lâchetés intérieures, plus on sera à même de déceler ce qui se joue dans les relations humaines et d’être alerté intérieurement par des comportements déviants. Il sera plus difficile de se laisser fasciner ou piéger par des personnalités narcissiques manipulatrices. » (p. 142-143)

 4 – Minorités en danger. Dans la Lettre de Justice et Paix France du mois de mai, Michel ROY évoque les minorités menacées en Asie. Des puissances financières et militaires dénient les droits élémentaires des personnes, dont celui de vivre selon leur culture. En plus des atteintes à la dignité humaine, de telles pratiques privent notre humanité des richesses que portent les cultures traditionnelles.

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A quoi bon se lamenter sur les violences en Israël et dans les territoires palestiniens occupés encore une fois ! si rien n’est fait de sérieux pour trouver une solution pérenne aux problèmes que représente cette réalité unique, nous recommencerons à nous lamenter encore de nombreuses fois.

La communauté internationale s’est penchée depuis longtemps sur la situation du peuple juif jusqu’à ce qu’elle profite de l’occasion de la première guerre mondiale pour créer un foyer juif en Palestine et la fin de la seconde guerre mondiale et de ses horreurs envers le peuple juif pour faciliter la création de l’état d’Israël. Cette création ainsi que les violences qui l’ont accompagné car c’était le fait du prince, sans consultation des populations locales a provoqué l’exil de centaines de milliers de palestiniens chassés de leurs terres. En 1967, la guerre a conduit à l’occupation puis à la colonisation de ce qui restait de la Palestine. Depuis lors, et de manière de plus en plus agressive, les terres palestiniennes ont été soit annexées par Israël soit appropriées par des colons, pour ne laisser que des lambeaux de territoire au peuple palestinien, dans un cadre extrêmement contraint, sans possibilité aujourd’hui d’envisager la création d’un état palestinien.

L’idée de deux états côte à côte disparaissant, l’unique alternative est la création d’une république sur l’ensemble de la Palestine historique, avec égalité des droits pour tous les citoyens. Disparaît ainsi l’idée d’un état juif pour les juifs, même s’il a été de manière incongrue proclamé officiellement.

La réalité qu’a créée cette option renforce le concept de double appartenance avec des droits différents selon que l’on est juif ou pas. Les Palestiniens sont aujourd’hui comme hier invités par la violence et les restrictions de toutes sortes à partir ailleurs. Ils se retrouvent bloqués dans des bantoustans qui rappellent l’apartheid en Afrique du Sud, empêchés de circuler librement, aux maisons détruites pour des prétextes insignifiants, à l’accès aux soins de santé limités, aux ressources bloquées par l’occupant. Il faut le dire et le redire : il y a bien un agresseur et un agressé sans recours.

La communauté internationale devrait s’employer activement, et non seulement par des discours, à permettre enfin la réalisation des droits de tous sur l’ensemble de ce territoire. La société civile a pour sa part des initiatives comme la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions qui, si elle est menée de manière pertinente, peut contraindre le gouvernement d’Israël à changer de position pour adopter une approche ouverte de la question.

L’avenir dépendra de la volonté des populations juives et palestiniennes de vivre ensemble. Les arabes d’Israël ont montré leur capacité à aller dans ce sens. Les extrémistes des deux bords qui ont besoin les uns des autres pour entretenir l’illusion de l’impossibilité de solution pacifique et juste doivent être mis à l’écart et les forces vives œuvrant pour la paix être soutenues. Cette Terre Sainte et la Jérusalem sainte où devraient se retrouver tous les croyants en un Dieu unique en valent bien la peine.

15 mai 2021

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