Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Maria Biedrawa vient de se voir décerner le Prix de la paix de Brême dans la catégorie « Pionniers du travail de paix ».

Active depuis vingt ans sur le continent africain dans différents contextes et pays, par exemple en République centrafricaine et au Sud-Soudan, elle y travaille essentiellement à titre bénévole. Les multiples conflits et affrontements armés laissent la population civile avec des traumatismes divers et complexes. Maria Biedrawa aide les personnes concernées en les accompagnant dans leur traumatisme et permet ainsi de rétablir la coopération et la cohabitation sociale. En tant que logothérapeute, elle met à profit ses connaissances dans cette forme de psychothérapie centrée sur les questions de sens.

Pour prévenir les conflits, elle propose une formation aux bases et aux méthodes de la non-violence. Un exemple frappant a été la formation avec de jeunes adultes au Sud-Soudan en 2016. Les jeunes ont expliqué qu’ils ne pouvaient rien faire avec des concepts tels que la paix ou la justice, « parce que personne n’a jamais vu cela ici, ni nous, ni la génération de nos parents ou grands-parents ». Avec le soutien de Maria Biedrawa, ils ont élaboré du matériel pour faire connaître ces thèmes à d’autres jeunes.

Lire la suite sur le site  Missions et Migrations

1–Un regard sur la politique mondiale qui s’intéresse à l’humain.
Bertrand BADIE a été reçu dans le cadre de Justice et Paix France pour évoquer la situation mondiale, notamment à partir des conflits qui l’endeuillent. Je reprends certains de ses propos qui mettent l’humain au cœur des considérations, à la différence de certaines approches en « géopolitique » qui ne veulent voir que de bruts rapports de forces, en des affrontements permanents.
+  Tout d’abord, les médias s’intéressent à certains conflits et aux souffrances qu’ils provoquent, tandis que d’autres situations semblent laisser les commentateurs indifférents. Qui parle des 7 millions de morts dans l’est de la République démocratique du Congo (les autorités du pays évoquent même 10 millions de victimes), des 10 millions de personnes qui meurent de faim chaque année, des 1 000 enfants qui décèdent chaque jour en raison d’une mauvaise qualité de l’eau ? Certaines souffrances humaines ne mériteraient-elles pas notre attention ?
+  Dans les conflits, on retient surtout la puissance des armes, faisant peu de cas de l’énergie sociale. Ce fut le cas avec les guerres de décolonisation : les dirigeants – notamment français – pensaient qu’une armée bien équipée viendrait facilement à bout des révoltes (par exemple en Indochine et en Algérie) ; on sait qu’après des années de tensions, de dénis des droits humains, ce fut l’énergie populaire qui l’emporta. La guerre en Ukraine a montré aussi la puissance d’une résistance populaire ; la Russie croyait l’emporter en quelques semaines, le conflit s’est enlisé.
+  La mondialisation a pu être rêvée comme un heureux commerce entre égaux, mais les souffrances sociales n’ont jamais été réellement prises en compte ; de telles injustices provoquent des conflits. Il n’y aura pas de sécurité globale tant que les besoins vitaux des populations ne seront pas satisfaits. La paix repose sur la construction d’une sécurité commune qui offre des chances de vie à chacun, tandis que la volonté hégémonique, qui conduit à affirmer son pouvoir de manière cynique, apparaît comme une cause de conflits. Il nous faut apprendre à mieux penser le bien commun de l’humanité entière, afin d’y travailler efficacement, ce que nous ne savons pas bien faire aujourd’hui ! 

2– Ne pas oublier les « morts de la rue »
Depuis 20 ans, un collectif leur rend un hommage national, une manière de montrer qu’ils appartiennent à notre commune humanité. On sait que le nombre de personnes sans abri augmente régulièrement. Le journal La Croix publie chaque année la liste de ces personnes disparues : 656, moyenne d’âge 48 ans, dont 10 enfants de moins de 4 ans. Leurs noms ont été lus, afin qu’un hommage personnalisé leur soit rendu ; mais certaines n’ont pu être identifiées, on note alors « un homme », « une femme », « un bébé »…

Il est important de manifester la dignité humaine des personnes les plus vulnérables, parce qu’on est tenté de les oublier, de faire comme si elles n’avaient pas existé. C’est un acte de résistance et une heureuse initiative, au nom d’un humanisme concret, au cœur d’une vie qui se prétend commune mais qui exclut et considère certains de ses membres comme des « déchets ». C’est apparemment triste une liste de gens décédés, mais en cas il s’agit d’honorer la mémoire de ceux qu’on a laissés en marge.

3 – Des solidarités au quotidien
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  Une famille de réfugiés syriens vient d’être accueillie à Poitiers grâce aux couloirs humanitaires créés par la communauté Sant Egidio. Tout un réseau de solidarité s’est mis en place et continue de s’étendre, ce qui montre une heureuse capacité de mobilisation : les bonnes volontés ne manquent pas ! L’étranger qui a dû fuir son pays n’est pas considéré comme une menace, mais comme un être humain qui a besoin de soutien. Cependant, la synergie des engagements particuliers ne peut s’opérer qu’en raison du savoir-faire d’une institution et grâce à l’implication de personnes responsables.
+  Une preuve de plus que le bénévolat n’est pas mort, que les causes humanitaires continuent de mobiliser, qu’il existe de précieuses ressources de générosité. De telles initiatives peuvent se déployer dans la mesure où certains s’engagent dans la durée, acquièrent des compétences techniques et surtout humaines. Il serait exagéré de parler de « crise du bénévolat » mais il est important de former des responsables. Si les candidats manquent, des prises en charge de personnes en difficulté se feront difficilement, des bonnes volontés latentes resteront en friches… Notre société est riche de toutes ces solidarités au quotidien : une belle manière de grandir ensemble en humanité.

4 – Des humains en prison
Il y a des records inquiétants, notamment celui du nombre des détenus en France : 76258 au 1er février (+ 5,5% en un an). Derrière les chiffres, il y a un surnombre qui complique sérieusement la vie quotidienne des détenus, mais aussi du personnel.

Pourquoi une telle augmentation ? Sans doute en raison d’une montée de la violence : un signe, le nombre d’homicides est reparti à la hausse, après des années de diminution ; un climat malsain qui empoisonne la vie quotidienne. Sans doute aussi une attente populaire voit en la prison une solution magique, alors qu’elle risque d’amplifier le problème. Ou encore la vision d’une « peine » vécue en des situations dégradantes comme une juste compensation du mal fait. Certes, la prison joue un rôle de mise à l’écart de celui qui perturbe gravement la vie commune, mais elle ne permet pas la « réparation » vis-à-vis des victimes, et surtout elle ne facilite guère la réinsertion du délinquant. Celui-ci a gâché de l’humain, comment l’aider à devenir plus humain ? Plutôt que la « peine » qui évoque souffrance pour un rachat, on peut mettre en avant la « sanction » comme provocation à une prise de conscience du bien et du mal, du sens de la responsabilité.

La construction de nouvelles prisons ne résoud pas le problème : dès l’inauguration elles connaissent un surpeuplement. Dans le même temps, on estime le coût d’une journée de détention à 105€, on peut multiplier les sanctions alternatives. La personne qui a commis un acte répréhensible ne se réduit pas à ce méfait : comment l’aider à s’humaniser ?

Parlant du rôle de la sanction dans l’éducation, Alain Thomasset écrit : « L’enfant doit grandir dans la conscience de sa responsabilité envers les autres, tout en étant assuré de sa dignité, de ses droits et de son identité unique. » Revue d’éthique et de théologie morale N° 322.

Des lecteurs de DIÈSE ont dit avoir été intéressés par les réflexions du dernier message à propos de l’humanisme. Mais ils attendaient aussi l’évocation de paroles, voire de figures, susceptibles de mettre en lumière un humanisme en actes. Les thèmes retenus pour ce mois d’avril répondent en partie à cette attente.

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Plus petit État d’Afrique continentale (11 300 km2 et 2,1 millions d’habitants), la Gambie est totalement enclavée dans le Sénégal, bien qu’anglophone.

L’Assemblée gambienne vient d’adopter par 42 voix (uniquement des hommes) sur les 47 députés présents, une résolution en faveur d’un projet de loi qui vise à lever l’interdiction des mutilations génitales des femmes (celles-ci sont interdites depuis 2015) afin « de préserver les principes religieux et sauvegarder les normes et les valeurs culturelles de la Gambie ».

Le Conseil suprême islamique (la population est à 95 % musulmane) refuse l’appellation mutilations génitales et parle de circoncision féminine, et considère qu’il ne s’agit pas seulement d’une coutume ancestrale mais aussi d’« une des vertus de l’islam ». Le Président se tait et les militantes des droits des femmes sont très minoritaires.

76 % des Gambiennes de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales, mais depuis quelques années la Gambie a signé de nombreux textes internationaux qui défendent et protègent les droits des femmes et des filles. La Gambie, si elle adoptait ce texte, serait le premier pays au monde à revenir sur de tels engagements.

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