Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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La France, par la voix du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire puis du président Emmanuel Macron, a annoncé mardi 14 avril un accord pour suspendre une partie des paiements de la dette pour l’année 2020 de 77 des pays les plus pauvres du monde, obtenu dans le cadre du Club de Paris et du G20. Cette annonce doit être confirmée lors de la réunion des ministres des Finances du G20 prévue aujourd’hui. Pour les organisations de la Plateforme Dette et Développement, un tel accord peut donner une bouffée d’air aux pays concernés mais reste bien insuffisant. De véritables annulations des dettes sont nécessaires pour permettre aux pays du Sud de faire face à la crise.
Cet accord permettra de libérer 12 milliards de dollars dans les pays pauvres cette année, bien nécessaires pour leur permettre de faire face à la crise de Covid-19. Toutefois, un simple moratoire ne fait que reporter le problème et l’aggraver. “Les dettes n’étant pas annulées, les remboursements attendus en 2020 seront toujours dus en 2021 et majorés des intérêts accumulés sur la période : la dette sera d’autant plus insoutenable en 2021.” explique Fanny Gallois, coordinatrice de la Plateforme Dette et Développement.
Les paiements de dettes ainsi reportés seront majorés de 12,3 milliards de dollars, passant de 23 milliards à 35,3 milliards, alors que la crise économique qui débute risque de fragiliser les économies des pays les plus pauvres bien au-delà de 2020. La France a également annoncé un accord sur un moratoire de la part des créanciers privés, équivalent à 8 milliards de dollars. Cependant, une simple suspension de ces dettes est également insuffisante : il est indispensable de s’assurer que les ressources libérées par le moratoire accordé par les créanciers publics ne soient pas détournées pour rembourser les créanciers privés.
En particulier, le Royaume Uni et New York doivent légiférer pour prévenir toute poursuite contre un pays qui serait menacé pour avoir suspendu ses remboursements pendant la crise. La France a enfin annoncé que pour des cas d’insoutenabilité de la dette, des annulations pourrait être accordées, au cas par cas et dans un cadre multilatéral. Pour ces cas d’insoutenabilité qui ne manqueront malheureusement pas de se présenter, le seul cadre multilatéral qui existe à ce jour pour procéder à ce type d’annulations, est celui du Club de Paris, un club de créanciers dont ni la Chine, ni les créanciers privés ne sont membres, et où les restructurations passées n’ont pour l’heure pas permis de prévenir un ré endettement insoutenable des pays.“Alors que les crises de la dette risquent de menacer durablement les Etats du Sud, la création d’un mécanisme onusien international de restructuration des dettes, rassemblant l’ensemble des prêteurs, publics et privés, transparent et équitable est plus que jamais nécessaire pour décider des annulations de dettes lorsque celles-ci s’imposent, comme c’est ici le cas.” explique Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire.
Le lundi 30 mars le parlement hongrois a accordé au premier ministre, Viktor Orban, les « pleins pouvoirs » d’une durée indéterminée pour faire face à l’épidémie de coronavirus qui est en train de s’abattre sur le pays.
Pendant une période dont l’expiration n’est pas annoncée, mais juste liée à la fin de la pandémie, le chef du gouvernement aura pleine latitude pour gouverner par ordonnance, sans besoin de faire ratifier ses décisions par le parlement. Quiconque diffusera des informations « fausses » sera passible d’une condamnation pénale. Face aux réactions des forces d’opposition nationales, aux critiques d’autres États membres de l’Union européenne, de la Commission européenne et aux réserves de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, M. Orban a répondu, par la voix de son porte-parole sur le site du gouvernement, que « si le Conseil de l’Europe n’est pas en mesure d’aider, alors qu’il se taise ». Par la suite, cette réponse a été retirée et remplacée par l’affirmation que la loi sur la pandémie est conforme aux principes de l’État de droit.
Nous, les organisations et mouvements d’inspiration chrétienne membres de la Conférence des Organisations Internationales Non-gouvernementales du Conseil de l’Europe, exprimons notre plus vive réprobation à l’encontre de cette réponse méprisante. Elle montre une totale méconnaissance non seulement du rôle de la Secrétaire Générale, mais surtout des droits et devoirs que l’appartenance à l’Organisation implique de la part des autorités d’un État qui y a été accueilli chaleureusement en 1990, premier des « nouvelles démocraties » issues de l’effondrement des régimes communistes dans l’est de l’Europe. Être membre signifie non seulement respecter les droits de l’homme, les principes de l’État de droit, la démocratie, mais aussi considérer que ces droits et ces principes sont un patrimoine commun dont tous les États membres doivent se sentir solidairement responsables.
Rappeler les États au respect de leurs obligations auxquelles ils ont librement consenti, mettre en œuvre le dialogue et la coopération lorsque des difficultés ou des situations exceptionnelles surgissent, accepter de revoir des choix et des comportements politiques qui sont en contradiction avec ces droits et principes : c’est cela être pleinement membre du Conseil de l’Europe. Nous réaffirmons notre attachement à cette Organisation et aux valeurs qu’elle défend et demandons aux États membres de faire preuve de la même fidélité et du même attachement dans la défense de ce patrimoine commun qui nous a été légué par les fondateurs. Il appartient à tous les États membres et aux acteurs de la société civile de les faire vivre pleinement et fructifier. La pandémie ne sera pas vaincue si la démocratie est humiliée ou les droits fondamentaux piétinés. Nos sociétés ne sortiront grandies de cette épreuve que si le prix à payer pour la santé recouvrée n’entraine pas le déclin de nos valeurs, de la solidarité et de la fraternité qui sont au cœur du projet européen. Ensemble nous pouvons gagner ces combats !
Tout d’abord, nous avons une pensée pour les victimes de la pandémie et toutes les personnes qui se trouvent en souffrance.
Les malades et leurs proches, mais aussi les soignants, celles et ceux qui travaillent pour que la vie continue ; sans oublier toutes les personnes qui connaissent des difficultés en temps normal et qui subissent actuellement un redoublement de leurs problèmes…
L’actuelle situation sanitaire modifie profondément nos modes de vie, avec le risque qu’un climat angoissant prenne le dessus, avec la tentation de rêver que tout revienne comme avant, nostalgie ! Il est d’autant plus précieux de noter le déploiement de compétences en matière de service et de solidarité (notamment de la part des soignants), la créativité qui se manifeste dans le cadre familial et sociétal (par exemple, les enseignants). Ce coup d’arrêt nous conduit à nous interroger sur les faiblesses de notre organisation sociale et l’ambiguïté de nos modes de vie. Il nous faudra trouver les bons ressorts en vue d’un rebond qui ne soit pas un simple retour à la phase d‘avant crise. Pour cela, il ne faut pas avoir peur de remettre en question les critères de choix, les « valeurs » trompeuses qui ont pu s’imposer comme des évidences et qui montrent aujourd’hui leur inanité.
En ce jour, vendredi saint, les chrétiens font mémoire du jugement, accompagné de violences, qui a conduit Jésus à la mort sur la croix. Pourtant, s’il y a de la gravité dans cette célébration, gravité redoublée cette année par l’impossibilité de se rassembler, elle ouvre à une espérance. Plutôt que la plainte stérile, plutôt que la rêverie nostalgique, il vaut mieux cultiver l’espérance créatrice !
1 – Quelques réflexions en écho aux propos de Gaël Giraud, sur France inter le 29 mars. Au moment où Gaël G. aurait pu devenir un trader efficace et fort bien payé, il a choisi de devenir jésuite. Il continue de travailler en son domaine de compétence avec une grande liberté de ton. Son appartenance à une communauté religieuse le rend libre à l’égard des puissances économiques et financières, ce qui n’est pas le cas de tous ses collègues…
J’en retiens une interrogation majeure sur la globalisation marchande qui a pu séduire par les facilités qu’elle offre, en pesant notamment sur les prix. Mais ce système nous rend dépendants et donc gravement vulnérables. Les maîtres mots de ce temps (vite et loin, abondance de biens et profit maximal…) ont semblé des images de bonheur, au prix de l’illusion. Tout cela révèle une légèreté irresponsable, dramatique. Nous étions pris dans une course concurrentielle, qui profitait d’abord aux plus puissants, pour accéder à des biens tout à fait secondaires. Et nous voici conduits à privilégier ce qui est vital. Cette agitation futile nous faisait oublier que toute vie est foncièrement fragile. Mais nous découvrons heureusement que notre humanité est capable d’engagements compétents et généreux. La prise de conscience de notre vulnérabilité constitue le premier pas de lucidité et elle induit une belle et heureuse responsabilité : le soutien mutuel devient un enjeu vital. Nous sommes aptes à cultiver la solidarité.
Les responsables politiques évoquent la mobilisation de sommes astronomiques pour faire face aux urgences et soutenir l’économie. Mais on ne répare pas en un claquement de doigt une incurie en matière d’équipement hospitalier, un manque de reconnaissance à l’égard des acteurs de la santé. On se gausse des bonnes réactions politiques lors de la crise de 2008 ; mais on oublie que les liquidités mises à disposition par les banques centrales ont d’abord alimenté la bulle financière, au lieu de servir une économie réelle permettant à tous de répondre à leurs besoins vitaux. Le rebond sera-t-il solidaire ?
2 – La rhétorique guerrière a eu son moment de gloire ! On comprend qu’il fallait mobiliser et centrer sur un objectif prioritaire : éviter la contagion, soigner efficacement. Mais le langage guerrier peut entretenir la confusion. Il faut redire avec force que la guerre consiste d’abord à détruire et à tuer. Certes, la mobilisation nous conduit à faire corps, mais il faut se demander pour quel objectif : semer la mort ou servir la vie ? Aurait-‐on peur de paraître benêts en employant des mots tels que responsabilité, solidarité, fraternité ? Pense-‐t-‐on que ce sont des valeurs faibles ? Il est urgent d’oser débattre entre nous d’éthique et de morale, ce qui nous permettra de partager des images de bonheur qui ne se réduisent pas à l’illusion d’une consommation inconséquente. Il est beau et bon de devenir plus créatif pour servir toute vie fragile.
3 – Les beaux exemples de solidarité responsable, dont nous sommes tous bénéficiaires d’une manière ou l’autre, réinterrogent les références de « la vie d’avant ». D’ailleurs, on entend peu les chantres d’un libéralisme économique censé apporter à tous un bonheur sans peine, alors qu’en fait il profite surtout à ceux qui sont forts, puissants et en bonne santé. Quand les inégalités explosent, la qualité de la vie commune est menacée. En 2017, les 1% les plus riches de la planète ont capté 82% des richesses nouvellement créées. On s’inquiète et on s’attriste à juste titre du nombre de victimes du coronavirus (près de 100 000 morts à ce jour), mais se souvient-‐on qu’en 2018 il y eut 18 000 décès dus à la rougeole, surtout en des pays pauvres ?
Appartenons-‐nous vraiment à une même humanité ? Quel regard portons-‐nous sur notre semblable ? Est-‐il celui dont je vais profiter au maximum ou celui dont je vais prendre soin ? La crise sanitaire nous rappelle notre vulnérabilité foncière : notre vocation ne se réduit pas à l’enrichissement sans fin et à la course aux envies insatiables, elle suscite la sollicitude mutuelle. Nous découvrons alors la force de l’héritage solidariste, exemple la sécurité sociale, qui organise un engagement de tous envers tous : chacun contribue selon ses capacités et reçoit en fonction des ses besoins majeurs.
4 – Nous redécouvrons que les circuits de distribution en proximité sont résilients tout en étant facteur de relations au quotidien. Plutôt qu’une mondialisation anonyme, dont on voit les limites quand il s’agit de produits sanitaires, il vaut mieux organiser des productions et des échanges en cercles concentriques. Pour des raisons de sécurité et d’écologie il est bon de produire et d’échanger au plus près. Dans le même temps il est nécessaire de renforcer les coopérations internationales. L’Union européenne a failli à son objectif originel de solidarité ; si nous voulons construire une histoire commune, il faut le montrer dans les situations dramatiques. On peut noter aussi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a guère pris d’initiatives, faute de moyens et de compétence reconnue, les États jouant en solo. Une double avancée : solidarité locale et coopération internationale (et non la guerre !).