Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La décision du Royaume-Uni du brexit a surpris de nombreux observateurs. Elle marquait pourtant le terme d’une longue période d’hésitations et de doutes.

Les mécanismes de mise en commun des souverainetés qui caractérisent l’Europe communautaire ont en effet toujours suscité l’incompréhension de nombreux Britanniques, très attachés à leur souveraineté nationale et à la suprématie de leur Parlement. En adhérant aux Communautés européennes en 1973, le Royaume-Uni voulait d’abord s’associer à un ensemble économique qui avait jusque-là fortement stimulé la croissance de ses membres. Il craignait également une forme d’isolement politique en Europe occidentale mais il n’envisageait pas de partager sa souveraineté dans des domaines régaliens tels que la monnaie, l’admission d’étrangers sur son territoire ou la défense.

Une position britannique singulière au sein de l’Europe communautaire

La participation britannique aux Communautés européennes a, dès les premières années, suscité de fortes réticences au Royaume-Uni, notamment dans les rangs de la gauche travailliste. Le gouvernement travailliste d’Harold Wilson a donc dû organiser, après son arrivée au pouvoir, un référendum sur cette question en juin 1975. Les Britanniques ont alors largement confirmé le choix européen de leur pays.

Le Royaume-Uni n’en a pas moins toujours occupé une position singulière en Europe : le célèbre « I want my money back », lancé par Margareth Thatcher dès 1979, aboutira, en 1984, aux accords de Fontainebleau, accords de réduction de la contribution britannique au budget européen.

Après la fin de la guerre froide, un mouvement de mise en commun croissante des souverainetés des États membres s’est engagé avec la signature en février 1992 du traité de Maastricht. Le Marché commun s’est transformé en Union européenne. Ce mouvement s’est heurté dans la plupart des pays membres à des résistances qui ont culminé en 2005 avec le rejet du projet de Constitution européenne par les référendums néerlandais et français. Mais, alors que la plupart des États membres surmontaient cet échec en acceptant une plus grande cohésion européenne face aux défis de la mondialisation, le Royaume-Uni a connu une évolution inverse. Il a refusé d’adhérer à la monnaie unique, à l’espace Schengen et bloqué avec succès toute extension significative des compétences de l’Union européenne dans le domaine de la défense. Si d’autres pays membres (Danemark, Suède) ont refusé l’euro, le Royaume-Uni présente la particularité d’être resté également à l’écart de l’espace Schengen, alors qu’il avait la capacité d’en respecter les règles.

La marche au référendum de 2016 et ses conséquences

C’était alors la droite du Parti conservateur qui refusait l’intégration européenne : elle critiquait le montant de la contribution nette britannique au budget européen, même après la réduction décidée en 1984, et jugeait les réglementations européennes inutiles et paralysantes. Elle craignait que l’arrivée continue de migrants en provenance du continent, et en particulier d’Europe centrale, ne finisse par menacer l’identité britannique. Enfin, elle considérait que le départ de l’Union européenne (ou Brexit) permettrait au Royaume-Uni de renforcer ses liens avec le monde anglophone et au premier chef les États-Unis tout en restant un partenaire indispensable pour l’Europe continentale notamment en matière d’économie, de sécurité et de culture. Ces craintes et ces ambitions, sans doute largement illusoires, se sont traduites par un certain succès électoral de personnalités critiques à l’égard de l’Union européenne (eurosceptics).

Un parti constitué sur cette base, le Parti de l’Indépendance du Royaume-Uni (UKIP) obtenait certains succès électoraux. Surtout les thèses hostiles à l’Union européenne rencontraient un écho grandissant au sein du Parti conservateur au pouvoir. Le 24 janvier 2013 le Premier ministre conservateur, David Cameron, promettait, en cas de réélection, un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Il déclarait ne pouvoir défendre ce maintien que si l’Union se réformait dans un sens favorable aux intérêts britanniques. Après sa victoire aux élections de mai 2015, il a obtenu des autres pays membres le 19 février 2016 un « nouvel aménagement pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne ». Le compromis portait principalement sur quatre points : non-participation britannique au processus « d’union sans cesse plus étroite » ; limitation des droits aux prestations sociales des immigrants provenant d’autres États membres ; réduction des contraintes réglementaires ; protection de la place financière de Londres et du système financier britannique. Malgré cet accord qui permettait au gouvernement britannique de préconiser le maintien dans l’Union européenne, les électeurs ont exprimé, par 52 % des voix, leur volonté d’en sortir, lors du référendum du 23 juin 2016.

David Cameron a alors démissionné, laissant à son successeur, Theresa May, la charge de négocier le retrait. Le 29 mars 2017, le gouvernement britannique notifiait au président du Conseil européen l’intention de son pays de quitter l’Union européenne, en application de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. Theresa May exprimait, le même jour, devant la Chambre des Communes, son souhait que la Grande Bretagne reste « une amie proche et une alliée » pour les pays de l’Union européenne ainsi qu’un « partenaire engagé ». Elle n’en annonçait pas moins son intention d’organiser une sortie du marché unique, de manière à pouvoir réglementer sur le territoire britannique la circulation des personnes provenant des pays membres de l’Union européenne.

Une négociation difficile

L’article 50 du Traité sur l’Union européenne prévoit qu’en principe les conditions du retrait doivent être fixées dans les deux ans. La tâche est cependant considérable, compte tenu des liens économiques étroits entre les deux rives de la Manche et de la nécessité pour le Royaume-Uni de reprendre l’ensemble des relations commerciales extérieures nouées par l’Union européenne au nom de tous les États membres. Une difficulté particulière concerne la City de Londres dont les établissements financiers gèrent une part très importante des opérations en euros (compensation notamment). Si les établissements financiers britanniques n’obtiennent pas le « passeport » qui leur permet d’offrir leurs services dans l’Union, une grande partie de leurs activités devra être relocalisée sur le continent.

Le 29 avril 2017, le Conseil européen réuni sans participation du Royaume-Uni a défini ses orientations pour la négociation du Brexit. Les 27 semblent décidés à maintenir leur cohésion sans accepter de négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et les États membres qui lui paraîtraient les plus conciliants. Ils ont décidé de négocier d’abord les conditions du divorce avant de définir les relations futures de l’Union avec le Royaume-Uni. Ils ont identifié trois questions-clefs, indissociables, à résoudre en priorité : la préservation des droits des quelque 3,5 millions de ressortissants des 27 installés au Royaume-Uni et du 1,2 million de Britanniques dans les autres pays de l’Union ; le règlement par le Royaume-Uni de ses engagements financiers à l’égard de l’Union (sans doute plus de 60 milliards d’euros) et des facilités de circulation entre l’Ulster et l’Irlande. Les 27 se sont prononcés en faveur d’un « partenariat étroit entre l’Union et le Royaume-Uni après son retrait » mais en soulignant que ce partenariat ne pourrait pas « offrir les mêmes avantages que l’appartenance à l’Union »

Pour renforcer sa position dans les négociations, Theresa May a décidé d’organiser de nouvelles élections le 8 juin 2017, sans succès, puisqu’elle a perdu sa majorité et n’a pu garder le pouvoir qu’avec le soutien d’un petit parti nord-irlandais unioniste (probritannique).

La Première ministre britannique semble avoir opté pour un « Brexit dur » (hard Brexit) qui rendrait au Royaume-Uni la pleine maîtrise de sa politique d’immigration et de sa législation économique, même au prix d’une dégradation, au coût élevé, de ses liens commerciaux avec le continent. L’Union européenne représente en effet plus de 40 % des exportations du Royaume-Uni et environ la moitié de ses importations. L’Union européenne assure la moitié des investissements directs étrangers au Royaume-Uni.

Le 22 septembre 2017, Theresa May a proposé une période de transition entre l’accord de Brexit qui doit intervenir au plus tard en mars 2019 et sa mise en œuvre complète. Elle a également demandé pour l’après-Brexit « un accord stratégique ambitieux » dans le domaine de la sécurité intérieure et extérieure.

Toutefois, début novembre 2017, aucun accord n’était encore intervenu sur les trois questions-clefs du divorce, malgré des progrès sur le statut des ressortissants de l’Union européenne installés au Royaume-Uni. Quant à l’état final des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, aucune approche commune n’est encore définie.

Les 27 ont jusqu’à présent fait preuve de cohésion. Le négociateur de l’Union européenne, Michel Barnier, a pu recevoir un mandat clair sans toutefois obtenir du Royaume-Uni les engagements attendus, en matière financière. Une absence d’accord est donc toujours possible en principe ; dans ce cas, le Royaume-Uni n’aurait plus dans ses relations avec l’Union européenne que le statut de droit commun d’un pays tiers.

Les incertitudes de l’après-Brexit

Pour ce qui est de l’après-Brexit, une grande diversité d’options est envisageable : un accord de libre-échange devrait intervenir mais selon des modalités inédites, de nombreuses questions restant ouvertes comme celle des contrôles de douane et de police aux frontières.

En matière de défense, le retrait du Royaume-Uni a permis une entente des 27 sur une relance de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Mais pratiquement aucune décision concrète n’a encore été prise. Une négociation prématurée avec le Royaume-Uni sur une future coopération en ce domaine ne ferait donc qu’introduire, aujourd’hui, une confusion préjudiciable à la mise en œuvre du projet.

À ce stade, deux enseignements peuvent être dégagés :

  • Une sortie de l’Union européenne serait pour tout pays membre très complexe et surtout très coûteuse ; les difficultés seraient démultipliées en cas de sortie de la zone euro. Le Brexit a donc une vertu pédagogique pour ce qui est des conséquences d’un retrait de l’Union européenne.
  • Le départ du Royaume-Uni entraînera sans doute pour l’Union européenne une perte d’influence économique et de capacité militaire. Il permettra cependant la levée de certains blocages, notamment en matière d’intégration des politiques de défense et de sécurité.

Il est donc possible que le choc du Brexit puisse conduise à terme à un renforcement des solidarités entre les 27, ce qui en atténuerait les conséquences négatives.

 

Une délégation d’ONG pakistanaises s’est rendue en septembre dans plusieurs pays européens pour informer les autorités dans le cadre de la préparation de l’Examen périodique universel qui aura lieu pour ce pays mi-novembre.

L’examen périodique universel

Il s’agit d’un mécanisme unique créé en 2006 par les Nations unies, lors de la définition du mandat du Conseil des droits de l’homme. Il consiste en l’examen de tous les États membres de l’ONU par leurs pairs. Il vise à dresser un état des lieux des moyens mis en œuvre par chaque État pour maintenir et améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire, et à traiter des violations de ces dits droits.

Les difficultés des minorités religieuses

Après Bruxelles, La Haye et Oslo la délégation est venue à Paris avant de se rendre à Londres. A Paris elle a rencontré la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Ministère des Affaires étrangères (Asie ; Droits de l’homme et droit humanitaire), le Service National de la Mission Universelle de la Conférence des évêques de France et bien sûr Justice et Paix.

Conduite par Peter Jacob (Center for Justice, ex secrétaire général de Justice et Paix Pakistan), elle a mis l’accent sur les difficultés rencontrées par les minorités religieuses dans le système éducatif, sur les effets dramatiques de la loi contre le blasphème, sur l’inégalité constitutionnelle qui frappe les minorités et la difficulté à mettre en place une Commission nationale pour les droits des minorités.

Le Center for social Justice est une sorte de tête de réseau pour une quinzaine d’ONG dont la Commission nationale Justice et Paix. Il publie et diffuse à l’occasion de cet examen périodique universel une analyse de la liberté de religion. D’autres groupes d’ONG pakistanaises et internationales traitent d’autres sujets.

Les recommandations visent plusieurs thèmes, par exemple :

  • L’abrogation de la loi contre le blasphème à cause laquelle des milliers de personnes ont été emprisonnées et soumises à des procès inéquitables, à cause de laquelle des centaines de maisons appartenant à des chrétiens et à des hindous ont été détruites. 60 personnes ont été tuées ces dernières années et des crimes de haine commis.
  • Le retrait dans les livres scolaires des textes haineux
  • La nécessité d’une législation luttant contre les conversions forcées à l’islam.
  • La fin des discriminations à l’embauche contre les minorités.

La peine de mort

La question de la peine de mort a été abordée lors des entretiens à Paris. De fait un moratoire existait au Pakistan mais les autorités l’ont levé en 2015. Malgré les protestations de l’Union européenne et des Nations unies, le gouvernement a décidé de lever complètement e moratoire sur la peine capitale, peu après le raid taliban contre une école de Peshawar (nord-ouest), ayant fait 153 morts à la mi-décembre 2014, en autorisant les exécutions de condamnés à mort dans les seules affaires de terrorisme.

Selon Amnesty International, près de 8 000 condamnés à mort croupissent aujourd’hui dans les prisons au Pakistan. Et environ 1 000 prisonniers condamnés à mort ont épuisé tous leurs recours, incluant leur demande de grâce au président.

Le maintien du moratoire avait pourtant été considéré comme l’un des points clés ayant permis au Pakistan d’obtenir un statut économique spécial de la part de l’Union européenne.».

Recommandations de 2008 et 2012

Dans le même registre, parmi les 22 recommandations formulées après l’examen périodique de 2012, 4 seulement ont été partiellement mises en œuvre : de petites actions contre des violations de la liberté religieuse, quelques actions administratives inefficaces contre le blasphème, une loi contre les discours de haine, la représentation des minorités dans des assemblées législatives.

Rien par contre à propos des discriminations contre les femmes et les minorités religieuses ou les groupes vulnérables. Rien pour améliorer le système éducatif. Rien contre les actes de violence à fondement religieux, sauf en matière de terrorisme. Rien pour promouvoir le dialogue interreligieux et une culture de tolérance. Rien pour abolir la loi sur le blasphème.

Pourquoi la liberté religieuse est-elle un pivot de la transformation sociale?

Peter Jacob préface le document élaboré pour l’examen périodique universel :

« Afin de construire un récit propice à faire naître au Pakistan une attitude tolérante, inclusive et une société pluraliste, un véritable cadre de reconnaissance de la liberté religieuse de tous les citoyens doit être mis en œuvre, l’Etat devrait s’engager à respecter, promouvoir, protéger et assurer la liberté de religion ou de conviction. Les institutions étatiques ont non seulement la responsabilité d’autoriser les libertés et de s’abstenir d’interférer dans la liberté de conscience, la religion, la croyance et l’expression des personnes, mais ont aussi un devoir important de contenir des éléments dans la société contre la violation des libertés des peuples.

Rétablir un statut égal et digne de tous les citoyens signifie de respecter la liberté religieuse de tous les citoyens, comme pivot pour la transformation sociale. »

La décision du Royaume-Uni du brexit a surpris de nombreux observateurs. Elle marquait pourtant le terme d’une longue période d’hésitations et de doutes.