Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Le pape François conçoit le désarmement nucléaire comme une question cruciale pour l’avenir de l’humanité et la sauvegarde de la création.

Il ne la sépare pas de la problématique plus générale du désarmement intégral (c’est-à-dire d’un désarmement complet qui ne se limite pas à la réduction des niveaux d’armement nucléaire et conventionnel mais qui vise plus profondément à créer ou recréer des liens de confiance et de coopération entre les adversaires potentiels).

Il considère également que « Le désarmement intégral et le développement intégral sont étroitement liés[1]. » Le développement intégral suppose une paix durable, parce que fondée sur la justice ; il ne peut être atteint sans un désarmement intégral, dont le désarmement nucléaire est une pièce essentielle.

Dans ses prises de position sur l’armement nucléaire, le pape François reprend les éléments d’une doctrine à présent ancienne mais l’actualise en fonction des défis contemporains. Il conclut à une condamnation morale de tous les éléments de la dissuasion nucléaire : non seulement la menace d’emploi de l’arme mais aussi sa possession.

Une prise de distance ancienne de l’Église à l’égard de la dissuasion

Dès le début des années 1960, le pape Jean XXIII demandait l’interdiction de l’arme nucléaire. En avril 1963, quelques mois après la crise des missiles de Cuba, il écrivait dans Pacem in Terris : « La justice, la sagesse, le sens de l’humanité réclament … la proscription de l’arme atomique ; elles réclament la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique et enfin le désarmement dûment effectué d’un commun accord et accompagné de contrôles efficaces. »

En décembre 1965, le Concile Vatican II condamnait tout emploi de l’arme nucléaire : « Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation » (Gaudium et Spes, n° 80).

  • Pendant la guerre froide, une tolérance provisoire et conditionnelle

Dès le concile Vatican II est cependant apparue une distinction entre emploi de l’arme nucléaire et menace de son emploi. L’accumulation des armes nucléaires « sert d’une manière paradoxale à détourner des adversaires éventuels. Beaucoup pensent que c’est là le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer aujourd’hui une certaine paix (peace of a sort) entre les nations ». Ce n’est cependant pas « une voie sûre pour le ferme maintien de la paix » car « le soi-disant équilibre qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable. Bien loin d’éliminer ainsi les causes de guerre, on risque au contraire de les aggraver peu à peu » (Gaudium et Spes, n° 81).

Le questionnement éthique ne porte plus dès lors sur l’attaque nucléaire, mais sur la menace d’y avoir recours. Devant cette stratégie, le Concile suspend son jugement mais il constate en même temps que l’équilibre de la dissuasion (ou équilibre de la terreur) est le produit d’une course aux armements qui ne conduit ni à une paix stable ni à une paix véritable.

En 1982, Jean-Paul II, dans un message aux Nations Unies, accepte la dissuasion nucléaire conçue comme une étape vers le désarmement : « Dans les conditions actuelles, une dissuasion basée sur l’équilibre, non certes comme une fin en soi, mais comme une étape sur la voie du désarmement progressif, peut encore être jugée comme moralement acceptable. Toutefois, pour assurer la paix, il est indispensable de ne pas se contenter d’un minimum toujours grevé d’un réel danger d’explosion ». Cette position sera notamment reprise par les épiscopats américain, français et allemand. Cette tolérance provisoire est assortie de deux conditions limitatives : elle ne vaut que dans les conditions concrètes de la guerre froide et ne peut être considérée comme une fin en soi.

Dans le document « Gagner la paix » de 1983, les évêques français soulignaient que « la menace n’est pas l’emploi » et, invoquant une « éthique de détresse », ils qualifiaient la dissuasion de « moindre mal » : « Affronté à un choix entre deux maux quasiment imparables, la capitulation ou la contre-menace […] on choisit le moindre sans prétendre en faire un bien. » Cette tolérance de la dissuasion était toutefois subordonnée à quatre conditions : qu’il s’agisse seulement de défense ; que l’on évite le surarmement ; que toutes les précautions soient prises pour éviter un tir par accident ; qu’une politique constructive soit engagée en faveur de la paix, notamment par un engagement dans des négociations de désarmement progressif et réciproque.

  • Après la fin de la guerre froide, vers une condamnation complète

Dans les années 1990, le Saint-Siège intègre dans son magistère les conséquences de l’effondrement de l’URSS. Il constate que la menace qui pouvait conduire à une certaine tolérance de la dissuasion nucléaire a disparu.

Il observe également que la quasi-universalisation du régime de non-prolifération masque une crise profonde. Sa légitimité est fondée sur trois éléments : reconnaissance à cinq puissances du statut d’État nucléaire[2] ; engagement de ces États à négocier de bonne foi leur désarmement ; droit inaliénable des États non nucléaires à développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Or, les États nucléaires ne respectent pas leur engagement de désarmement et le développement par certains États non nucléaires d’une forte infrastructure nucléaire civile peut les conduire, en sortant du traité de non-prolifération, à accéder à l’arme nucléaire. Par ailleurs trois États nucléaires « de fait »[3] restent en dehors de ce régime et un État (la Corée du Nord) a invoqué le droit de retrait qu’il prévoit.

On assiste par ailleurs à la reprise de la course qualitative aux armements nucléaires.

Dans ce contexte, Benoît XVI condamne la dissuasion : « Que dire … des gouvernements qui comptent sur les armes nucléaires pour garantir la sécurité de leurs pays ? Avec d’innombrables personnes de bonne volonté, on peut affirmer que cette perspective, hormis le fait qu’elle est funeste, est tout à fait fallacieuse[4] ».

Dans son message pour la Journée de la paix de 2010, Benoît XVI fait valoir l’argument de la responsabilité à l’égard de la création : « Il est plus que jamais souhaitable que les efforts de la communauté internationale visant à obtenir un désarmement progressif et un monde privé d’armes nucléaires – dont la seule présence menace la vie de la planète et le processus de développement intégral de l’humanité actuelle et future – se concrétisent et trouvent consensus ». 

La condamnation ferme du pape François

Le pape François a détaillé sa position sur l’armement nucléaire lors d’une audience accordée aux participants au colloque international sur le désarmement organisé au Vatican les 10 et 11 novembre 2017 sous l’égide du dicastère du Développement humain intégral[5].

  • Les éléments de la condamnation

Les points principaux de l’allocution du pape François étaient les suivants :

  • La spirale de la course aux armements ne connaît pas de pause et les coûts de modernisation et de développement des armes, notamment nucléaires, représentent des dépenses considérables au détriment des priorités réelles de développement intégral et durable ;
  • les conséquences humanitaires et environnementales de tout emploi des armes nucléaires ou de toute explosion de ces armes par accident ou par erreur seraient catastrophiques ;
  • les stratégies de dissuasion nucléaire reposent sur une logique de peur ; elles n’engendrent qu’un sentiment trompeur de sécurité ; les armes nucléaires ne concernent pas les seules parties à un conflit entre puissances nucléaires mais l’ensemble du genre humain ;
  • il faut donc « condamner fermement la menace d’emploi des armes nucléaires, ainsi que leur possession» ;
  • Les relations internationales ne peuvent être dominées par la force militaire, les intimidations réciproques, l’étalage des arsenaux militaires ;
  • le cercle des détenteurs de l’arme nucléaire tend à s’élargir en raison de la diffusion des technologies de l’atome ; ce qui ouvre des perspectives « angoissantes» dans le contexte géopolitique actuel ;
  • les armements qui ont pour effet la destruction du genre humain sont illogiques même sur le plan militaire. Elles sont le produit d’un dévoiement de la science ;
  • la prise de conscience saine de ces réalités fait cependant naître « dans notre monde désordonné» une « lumière d’espérance » dont témoigne la récente adoption au sein des Nations Unies d’un traité d’interdiction de l’arme nucléaire.

 

  • Quelles conséquences pour les puissances nucléaires ?

Le pape François a énoncé un jugement moral sur les différents éléments de la stratégie de dissuasion. Pour les chrétiens des puissances nucléaires et pour tous ceux qui partagent les mêmes aspirations à la paix, c’est un appel au débat avec les autorités de leur pays sur les moyens d’atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires, à présent universellement partagé, au moins en paroles.

Les puissances nucléaires ont fait bloc, malgré leurs inimitiés réciproques, contre l’élaboration du traité d’interdiction des armes nucléaires. Il est peu probable qu’elles reviennent à court terme sur leur position. Une adhésion isolée de tel ou tel pays nucléaire à ce traité est envisageable ; elle s’apparenterait à un désarmement unilatéral qui serait, dans les conditions actuelles, mal compris par les citoyens du pays concerné et qui n’est en tout état de cause défendu par aucune force politique significative.

Des mesures de désarmement progressives, concertées et contrôlées peuvent en revanche être proposées : transparence des arsenaux et réduction de leur niveau ; moratoire sur tout ou partie des « modernisations » en cours ; dialogue sur les stratégies ; renforcement des dispositifs de vérification ; entrée en vigueur de l’interdiction des essais ; arrêt de la production des matières fissiles à usage militaire ; prohibition des vecteurs nucléaires les plus déstabilisants ; extension des zones libres d’armes de destruction massive, etc.

Il convient en tout état de cause d’éviter toute polarisation de la communauté internationale sur la question de l’interdiction des armes nucléaires et d’accepter le débat sans a priori sur cette question.

Enfin les actuelles crises de prolifération relatives à la Corée du Nord et à l’Iran ne pourront être résolues de manière efficace que par le dialogue politique, tout recours à la force présentant d’immenses dangers pour la paix.

[1] Discours du pape François aux membres du corps diplomatique sur le désarmement nucléaire (8 janvier 2018).

[2] États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine.

[3] Israël, Inde, Pakistan.

[4] Message pour la Journée mondiale de la paix (1er janvier 2006).

[5] De nombreuses commissions Justice et Paix ont été représentées à ce colloque. Trois membres de la commission française y ont été invités.

Le message du pape François pour la Journée mondiale de la Paix 2018 est à accueillir dans son contexte. La communauté politique internationale a lancé un processus multilatéral de consultations et de négociations qui doit conduire à l’adoption, par les Nations-Unies, de deux pactes internationaux d’ici la fin de l’année 2018.

L’un sur les migrants, « pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », et l’autre concernant les réfugiés. Le Saint-Père souhaite que ces accords « soient inspirés par la compassion, la prévoyance et le courage de façon à saisir toute occasion de faire progresser la construction de la paix », et il invite l’Église à prendre part à ce processus. Il avait déjà approuvé les vingt points d’action  concernant les migrants et les réfugiés, préparés par la section qui est chargée des Migrants et des Réfugiés au sein du nouveau Dicastère pour le Service du Développement humain intégral,     au Vatican. Son message pour la Journée mondiale du migrant est de la même veine.

Avec son accent particulier et dans un nouveau contexte, François se situe dans la continuité de ses prédécesseurs, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, qu’il cite à plusieurs reprises. Depuis le début de son pontificat, il attire notre attention sur la situation des migrants et des réfugiés qui fuient les guerres, les persécutions, la pauvreté, la misère, misère accrue par la dégradation environnementale. Nous ne sommes pas dans une situation passagère : les migrations vont caractériser notre avenir. On compte aujourd’hui dans le monde 250 millions de migrants – à l’intérieur des frontières nationales et au-delà -, dont 22 millions et demi sont des réfugiés, à savoir « des hommes et des femmes, des enfants, des jeunes, des personnes âgées qui cherchent un endroit pour vivre en paix », ou qui essaient très souvent de « laisser derrière eux le ‘désespoir’ d’un avenir impossible à construire » (Benoît XVI).

Des réticences

Nous sommes devant une situation qui suscite de fortes réactions, souvent nourries par « une rhétorique largement diffusée » mettant en exergue « les risques encourus pour la sécurité nationale ou le poids financier de l’accueil des nouveaux arrivants » : « ceux qui fomentent la peur des migrants, parfois à des fins politiques, au lieu de construire la paix, sèment la violence… ». François nous invite à aiguiser notre regard pour mieux prendre en considération les situations et les enjeux, et adopter une attitude responsable fondée sur la dignité de tout être humain.

Le pape François n’occulte pas les difficultés auxquelles sont confrontés aujourd’hui les gouvernants qui doivent gérer ces situations nouvelles complexes qui, souvent, s’ajoutent aux problèmes déjà existants : « En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, dans la mesure compatible avec le bien de leur peuple… ». Il refuse toutefois de considérer les migrations comme une menace et nous invite à un  » regard contemplatif », à savoir un regard rempli de confiance, seul en mesure de construire un avenir de paix.

Quatre principes d’action pour les migrants

Nous sommes une unique famille dans cette maison commune  où tous ont les mêmes droits de bénéficier des biens de la terre. En outre, les migrants et réfugiés « n’arrivent pas les mains vides » et « ils enrichissent la vie des nations qui les accueillent ».

Pour offrir aux migrants et aux réfugiés la paix qu’ils recherchent, le Pape propose un processus qui s’articule autour de quatre verbes, et donc quatre principes d’action, à conjuguer : Accueillir, Protéger, Promouvoir, Intégrer.

« Accueillir »,  c’est avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée, sûres et légales, dans les pays de destination et veiller à un accueil approprié et digne.

« Protéger », c’est garantir le respect de la dignité de toute personne et empêcher l’exploitation de ceux qui fuient un danger réel, en quête d’asile et de sécurité.

« Promouvoir », c’est favoriser le développement intégral des personnes déplacées. Il commence par l’accès à l’instruction des enfants et des jeunes. En facilitant la rencontre des autres, l’instruction développe un esprit de dialogue et prévient les risques de fermeture et d’enfermement.

« Intégrer », c’est permettre aux migrants de participer activement à la vie de la société qui les accueille, dans une dynamique d’enrichissement mutuel.

Le pape François s’adresse à tous les croyants et personnes de bonne volonté. Tous sont invités à conjuguer leurs efforts pour accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les hommes et les femmes obligés de quitter leur terre et leur maison. Le Pape cite saint Jean-Paul II, dans son message pour la Journée mondiale de la Paix de 2004 : « Si le « rêve » d’un monde en paix est partagé par de nombreuses personnes, si l’on valorise la contribution des migrants et des réfugiés, l’humanité peut devenir toujours plus la famille de tous et notre terre une véritable « maison commune » ». Les accents sont les mêmes, mais l’urgence d’agir est sans doute plus forte, pour assurer la paix aujourd’hui et demain.

Heureux stimulant  qu’un bref coup de phare sur la rencontre internationale annuelle de la Conférence  des commissions Justice et Paix d’Europe qui s’est tenue du 22 au 24 septembre, à Taizé, à l’heure des tentations centrifuges et des réflexes identitaires dont témoignent autant le Brexit britannique que les mouvements indépendantistes à l’intérieur de l’Europe – pas seulement en Catalogne ! – et à l’heure d’une panne d’inspiration commune dans l’institution Europe !

Faire grandir la solidarité 

Pour nous tourner ensemble vers l’avenir, choisir la colline de Taizé, en Bourgogne, comme lieu de la réunion statutaire annuelle, n’était pas anodin. Et trois fois le jour, dans l’église de la réconciliation, nous avons prié avec la communauté et les jeunes présents. Occasion pour quelques-uns des participants de (re-)découvrir la communauté qui accueillait en ce haut-lieu œcuménique européen. Occasion pour d’autres d’évoquer des étapes décisives de leur vie, vécues là. Frère Roger, le fondateur, y invitait naguère tous les chrétiens à vivre avec un même sérieux Lutte et contemplation[1] dans l’accueil « d’un printemps de l’Eglise » et dans un engagement « pour que l’homme ne soit plus victime de l’homme[2] »… Programme toujours d’actualité ! Frère Aloïs, l’actuel prieur, nous a accueillis avec sa simplicité confiante. Conscient des nouveaux risques de division dans la famille humaine, il en a appelé à la pratique de l’échange des dons et souligné la nécessité vitale de faire grandir la solidarité.

Comme un aiguillon énergique, les propos de Claire Sixte-Gateuille, théologienne de l’Eglise protestante unie de France, venue représenter la CEC (Conférence européenne des Églises), incitaient à prendre à bras le corps des questions très concrètes et à multiplier les actions œcuméniques. D’autres intervenants ont encore partagé leurs recherches avec passion. Quant à Nick Spencer, directeur de recherche du Think Tank londonien Theos, il s’est notamment autorisé la référence de Benoît XVI à Julien l’apostat[3], qui attribuait la popularité des « Galiléens » à leur activité caritative, pour proposer que dans l’Eglise, on ne parle plus d’« action sociale », expression qu’il juge sécularisée, mais de « liturgie sociale ». Porté par le contexte britannique, son propos ne semblait pas envisager un engagement partagé avec hommes et femmes de bonne volonté non chrétiens. Que faire alors de l’appel adressé à tous de Laudato sί ?

 

Cri de la terre, cri des hommes

 

Une certaine émotion nous a gagnés quand Cecilia Dall’Oglio a introduit l’action symbolique prévue et qu’elle a furtivement évoqué la mort probable de son frère Paolo, le père jésuite disparu à Rakka, en Syrie, en juillet 2013, tandis qu’il rêvait de contribuer au dialogue entre l’État islamique et le régime de Damas. Tous se sont déchaussés, comme Moïse devant le buisson ardent où Dieu s’est révélé comme celui qui entend le cri des hommes. Chaque délégation avait apporté de la terre prise en des lieux significatifs pour qui veut bien entendre le cri de la terre. On a planté un pommier. Et chaque délégation est repartie avec des lentilles à semer, signe d’espérance…

Le terme de pèlerinage est plus familier à Taizé qu’à Justice et Paix : il évoque l’inconnu de cette route que nous avons à découvrir et à parcourir solidairement. Difficultés et obstacles ne manquent pas, mais, depuis le soir de Pâques, nous en savons le sens et nous ne sommes pas seuls en chemin. L’Autre qui nous a rejoints s’efface et responsabilise.

Justice et Paix à Rome, le développement humain intégral

 

Cinquante ans après l’encyclique Populorum progressio et la création de Justice et Paix, vingt et une délégations ont répondu à l’appel de Mgr Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg et président de Justice et Paix-Europe : il fallait marquer le coup et s’offrir à se laisser déplacer !

Le cardinal nigérian Peter Turkson, venu tout exprès de Rome, s’est efforcé de présenter les contours de son nouveau dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral. Il en a justifié l’organigramme : une structure en adéquation avec l’encyclique Laudato sί. Et, anticipant les questions inquiètes de son auditoire, il a précisé que si la mention de Justice et Paix n’apparaît pas dans ce nouvel organigramme, au contraire de la Charité, de la Santé et du Soin de la création, c’est parce que les questions de justice et de paix sont transversales et qu’elles doivent se situer au cœur de toute l’activité et de toutes les réflexions du dicastère, comme le courant central (main stream) de cette institution. « Tout se tient », insiste l’encyclique. À Rome, par exemple, la question du désarmement nucléaire fait l’objet d’un séminaire en novembre, organisé par ce nouveau dicastère.

[1] Titre d’un livre de frère Roger, paru en 1973.

[2] Joyeuse nouvelle, 1970.

[3] Deus Caritas est, 24.