Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

En ce mois de février, Justice et Paix pose sa réflexion sur l’Arabie Saoudite avec l’avocate Nayla Haddad.

L’examen périodique universel est un mécanisme unique créé en 2006 par les Nations-Unies, lors de la définition du mandat du Conseil des Droits de l’Homme.

Il consiste en l’examen de tous les États membres de l’ONU par leurs pairs. Il vise à dresser un état des lieux des moyens mis en œuvre par chaque État pour maintenir et améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire, et à traiter des violations des dits droits.

Recommandations à la France

Dans le cadre du troisième cycle, les États au sein du Conseil des Droits de l’Homme ont adressé à la France des recommandations lors de la session du 15 janvier 2018. Ils ont été nombreux à intervenir : 115 interventions portant 280 recommandations adressées à la France, soit près du double de lors de l’examen périodique universel précédent (165 recommandations). Ceci témoigne de l’attention particulière portée à la France, des inquiétudes soulevées par certaines de ses politiques et surtout du fait que ses discours et actions sur la scène internationale ne sauraient entrer en discordance avec les politiques menées au niveau national sans susciter de vives critiques.

Plus spécifiquement, les États s’inquiètent notamment :

  • du manque de respect des droits des migrants et demandeurs d’asile, et des droits des mineurs non accompagnés ;
  • du manque de respect des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et de la nécessité de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi ;
  • des violences policières, des contrôles aux faciès et de la nécessité de lutter contre l’impunité ;
  • des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes, en particulier dans le domaine de l’emploi ;
  • de la nécessité de lutter contre les violences faites aux femmes,
  • de la non-conformité du droit français et de ses politiques avec la lettre et l’esprit de la Convention internationale sur les Droits des Personnes handicapées ;
  • des conditions carcérales et de la surpopulation dans les maisons d’arrêt ;
  • de la persistance du racisme et des discriminations notamment à l’égard des Roms ;
  • de la persistance de la haine et des discriminations à l’encontre des personnes LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Trans) et de la nécessité de mettre en place une évaluation indépendante du Plan de Mobilisation nationale ;
  • de l’inefficacité des dispositifs de lutte contre la pauvreté et contre le mal logement, et de la nécessité de simplifier l’accès aux minimas sociaux.

Traite des êtres humains

À l’occasion de cet examen le Secours Catholique, avec le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », a présenté des propositions.

En matière de traite, il appelle le gouvernement à mettre en œuvre plusieurs mesures :

  • Un nouveau plan d’action pluriannuel contre toutes les formes de traite, pourvu des moyens humains et matériels nécessaires et prenant en compte la sensibilisation du grand public, la prévention des publics à risque, l’accompagnement des victimes, la poursuite des trafiquants.
  • Le rattachement direct au Premier ministre de la Coordination de la Lutte contre la Traite et l’Exploitation des Êtres humains afin de ne pas limiter la traite à une partie des personnes concernées ni à une unique forme de traite. Les victimes de traite à des fins d’exploitation économique ou d’esclavage domestique, de mendicité ou de délinquance forcée, etc., sont encore trop souvent négligées en raison d’une focalisation de l’action publique sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution.
  • Une attention particulière doit être portée aux mineurs. Aucune personne victime de traite ne devrait être incarcérée.

 

À propos des mineurs non accompagnés

  • L’accueil et la prise en charge des personnes mineures non accompagnées doit être une réalité effective.
  • La mise à l’abri inconditionnelle et digne, dans le respect de la présomption de minorité, qui doit être écrite dans la loi.
  • Il faut mettre en place un premier accueil de ces jeunes, dédié non seulement à l’évaluation de l’âge et de l’isolement mais aussi du danger, du risque d’exploitation ou de traite, des risques en termes de santé physique et psychologique. L’utilisation de tests osseux et des examens médico-légaux visant à déterminer l’âge doit être bannie. Un représentant légal, chargé de défendre les intérêts du jeune, doit être désigné pour tout mineur dès qu’il est repéré sur le territoire français.
  • Il faut un accompagnement global dans l’urgence et le long terme : éducation ou formation professionnelle, santé, social, hébergement, aide juridique, loisirs… Le jeune ne doit pas subir une rupture de parcours à ses dix-huit ans.
  • Si le jeune relève du droit d’asile, les démarches doivent être engagées sans attendre sa majorité et le droit au séjour doit être accessible de plein droit.

Par ailleurs les États ont appelé la France à affecter 0.7% de son PIB à l’aide publique au développement.

Au cours des trois dernières décennies, les pays de la région du Golfe, – Arabie Saoudite, Yémen, Qatar, Sultanat d’Oman, Émirats Arabes Unis, Bahreïn, Koweït -, sont confrontés à une actualité régionale et internationale comportant des défis considérables.

Intéressons nous plus particulièrement à l’Arabie Saoudite en raison de son importance incontournable dans le monde arabe, sur les plans religieux, géostratégique, économique et politique.

Le royaume wahhabite est une monarchie islamique, dynastique et de type collégial, dirigée par la famille AL SAOUD depuis sa création en 1932. La succession des rois s’y effectue selon le modèle adelphique voulu par son fondateur le roi Abdelaziz AL SAUD.

Peuplé de plus de trente millions d’habitants, dont 70% de jeunes de moins de trente ans, la monarchie s’est largement sclérosée en gérontocratie au fil des décennies.

Si l’Arabie Saoudite n’a pas connu de difficultés économiques de l’ampleur que celles de son voisin plus éloigné, les Émirats Arabes Unis en 2009, la réalité géopolitique et sécuritaire du Royaume n’est assurément pas de tout repos.

Sur le plan régional, le panorama de rapports entre l’Arabie Saoudite et certains pays du Golfe n’offre pas un paysage  rassurant. Le Qatar, mis en quarantaine depuis 2017, accusé par les pays environnements du Golfe – l’Arabie Saoudite à leur tête -, d’apporter activement son soutien au Hamas palestinien ainsi qu’à la mouvance des Frères musulmans est un exemple édifiant.

À l’instar aussi de la guerre au Yémen : l’Arabie Saoudite y mène une coalition armée contre les rebelles Houthistes soutenus par l’Iran chiite qui tend à renforcer sa position stratégique dans la région. Depuis mars 2015, le Yémen se trouve réduit à ne plus être qu’un théâtre de guerre interposée entre deux puissances revendiquant chacune leur leadership dans leur courant respectif de l’islam.

Tout ceci, sans oublier de mentionner les troubles sécuritaires visant à déstabiliser la paix civile au Royaume, comme ce triple attentat perpétré dans trois villes saoudiennes le 4 juillet 2016 (Médine, Djeddah et Qatif).

Des réformes inévitables à mettre en place

Une chronologie permet de constater que l’Arabie Saoudite est confrontée, avec une vitesse assez déconcertante, à de nombreuses tragédies géopolitiques, régionales et internationales auxquelles elle prend part, parfois volontairement, parfois non,  mais qui en tout état de cause, ne laissent pas le pays indemne.

Quelques dates marquantes : l’invasion du Kowaït par l’Irak et la première Guerre du Golfe (1990), les événements du 11 septembre 2001 pointant la responsabilité du Royaume dans la radicalisation des populations musulmanes, la seconde guerre du Golfe (2003), puis le printemps arabe survenu en Tunisie, se propageant en Égypte, en Libye et en Syrie (2010/2011), la lutte internationale menée contre le terrorisme et contre Daesh, font que Ryad prend progressivement conscience de son devoir de mener des réformes politiques et sociétales.

Depuis quelques mois, la presse internationale relaie régulièrement les changements qui s’opèrent au sein du Royaume, tant sur le plan de la politique étrangère devenue plus offensive face à l’Iran, que sur celui de la politique intérieure suite à l’ascension fulgurante au pouvoir de Mohamed Ben Salman, l’un des jeunes fils du Roi Salman, devenu le nouvel homme fort du Royaume.

Si l’ampleur des mesures réformatrices décrétées par le nouveau pouvoir en place est considérable depuis avril 2016 et annonce l’essor d’une frange de la société saoudienne décidée à embrasser une ère nouvelle et prometteuse, il paraît utile de préciser que des réformes, bien que parcellaires, avaient été néanmoins mises en œuvre, sinon amorcées, depuis une dizaine d’années par le roi Abdallah (2005- 2015).

Quelques réformes sous le roi Abdallah

Citons quelques-unes de ces réformes : campagne de sensibilisation des jeunes contre les dangers de l’extrémisme religieux, menée dans les mosquées et à travers les média, en 2005 ; série de mesures visant à lutter contre le radicalisme et les discriminations envers les non-musulmans dans le système éducatif, en 2008 ; tenue des premières élections municipales en 2005 ; amélioration de l’accès des femmes à l’éducation ; modernisation, en 2007, des institutions administratives et judiciaires du Royaume, visant à une meilleure formation et spécialisation des magistrats, mais également à adapter la Charia au monde moderne ; décret royal de 2013 permettant à trente femmes de siéger au sein de l’Assemblée consultative Majlis Al Shoura, compétente pour soumettre des propositions de lois au Roi et à son Cabinet.

L’ère du roi Ben Salman

Accédant au trône en janvier 2015, à la suite de la mort du roi Abdallah,  son frère le roi Ben Salman semble augurer l’exercice d’un pouvoir déterminé à mener des changements plus drastiques au sein du Royaume.

Tout d’abord, en rompant avec la coutume de la succession adelphique, le roi Ben Salman favorise l’ascension fulgurante au pouvoir de l’un de ses fils, âgé de 32 ans, le jeune Mohamed Ben Salman – plus communément appelé MBS – nommé prince héritier en juin 2017 au détriment de Mohamed Ben Nayef qui était pressenti à la succession de l’actuel Souverain.

Portant une brèche au système de la collégialité, et instaurant un modèle de transmission vertical et agnatique, le jeune MBS détient désormais toutes les instances du pouvoir. Changeant de paradigme dans l’exercice d’un pouvoir horizontal, consensuel et par conséquent insuffisamment propice à entreprendre des réformes structurelles, MBS entend mener une politique de modernisation du Royaume, sur la base de sa « Vision 2030 », quitte à évoluer vers un autocratisme inédit. La purge des Émirs, des hommes d’affaires et autres religieux ou journalistes encombrants en novembre 2017 en témoigne de manière flagrante.

Cette volonté réformatrice rencontre un écho favorable auprès de la jeunesse saoudienne qui s’est modifiée en profondeur, au cours de ces dernières années, grâce aux médias sociaux. Bien que cultivant l’image d’un pays verrouillé dans lequel les droits des femmes et d’autres libertés (d’expression, de croyance, etc.) sont brimés, l’Arabie Saoudite est un pays dans lequel 93% de la population accède à Internet et 35% est inscrite sur un ou plusieurs réseaux sociaux selon les statistiques de 2016 de Global Media Insight.

Dans l’une de ses tribunes du 13 décembre 2017, le quotidien saoudien Al Sharq el Awsat a consacré un article intitulé « l’Arabie Saoudite, un véritable printemps arabe », où l’auteur s’empresse de faire des parallélismes entre la volonté modernisatrice de MBS et les figures d’hommes politiques tels que Habib BOURGUIBA ou de Zayed BEN SULTAN qui ont réussi à édifier des États modernes et des Institutions.

La presse saoudienne soutient, de manière quasi unanime, le projet « Vision 2030 » porté par MBS, qui ne peut que contribuer à la Nahda de la Société saoudienne (éveil ou renaissance en arabe).

Ce projet « Vision 2030 » ambitionne de favoriser le passage d’une société saoudienne de consommation, dépendant principalement de sa réserve de pétrole, à une économie compétitive, de production et d’industrie, de prestations de services et à promouvoir un tourisme qui ne serait plus exclusivement religieux.

Pourvoir de l’emploi aux jeunes Saoudiens : voilà la finalité première du projet de MBS, avec celle de favoriser la culture du travail auprès de la société saoudienne dépendante de la main d’œuvre étrangère. La priorité à l’accès au travail est désormais nationale.

Le projet 2030 vise aussi à lutter contre le radicalisme par la mise en place d’un plan éducatif visant à l’ouverture des mentalités et la rencontre avec d’autres cultures et civilisations. Dans le même esprit, on évoque la visite inédite, en novembre 2017, d’un patriarche libanais maronite, jusque-là improbable dans un pays qui ne tolérait l’exercice d’aucun autre culte religieux en-dehors de l’islam rigoriste qu’il professe.

Dernièrement, en décembre 2017, le projet « Vision 2030 », qui incite la société saoudienne à la créativité artistique, a autorisé l’ouverture de salles de cinéma, dans la perspective aussi de relancer l’emploi à travers l’embauche de dizaines de milliers de fonctionnaires et d’agents contractuels d’ici 2030.

La liste des réformes n’est pas exhaustive. Citons par exemple la nomination, pour la première fois en 2016, d’une femme saoudienne à la direction d’un Comité général sportif chargé de promouvoir la pratique sportive à tous les niveaux de la société et de la rendre accessible à tous, sans discrimination sociale ou de genre. Ou encore, le décret de septembre 2017 autorisant, pour la première fois, les femmes saoudiennes à conduire.

Qu’il s’agisse d’un projet de construction d’un des endroits balnéaires les plus attractifs du monde à partir de 2019 ou de lancer le projet du New Djeddah Downtown qui comprendra plus de 120000 logements, de magasins et de centres de loisirs pour les années à venir, que la presse saoudienne tarisse d’éloges face au projet porté par MBS « Vision 2030 », il n’en demeure pas moins que les questions continuent à se poser concernant la capacité du futur monarque de mener à bien les réformes annoncées.

Viabilité des réformes ?

Tout d’abord, les changements amorcés par le prince héritier en matière d’ouverture sociétale sont susceptibles de générer à terme de fortes oppositions, notamment entre le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de mœurs occidentales en terre d’islam. Beaucoup de changements drastiques sont attendus et voulus par une frange de la population, mais la société saoudienne n’est elle pas encore globalement assez conservatrice ?

Un autre paradoxe de cette réforme saoudienne a été souligné par Jamal KHAWOGGI, Journaliste saoudien exilé aux États-Unis. Dans sa volonté affichée de lutter contre les élites corrompues de son pays, le futur monarque, – qui a engagé une purge contre les émirs, hommes d’affaires, autres responsables saoudiens et religieux -, a contribué à susciter un climat de peur et d’intimidation. N’encourt-il pas le risque, s’il venait à échouer dans ses réformes économiques, de perdre toute légitimité au sein de la famille royale ?

Par ailleurs, un risque de mécontentement économique pourrait survenir suite à l’instauration d’une TVA à 5% pour toute personne résidant au Royaume. Pourquoi cette mesure est elle entrée en vigueur au 1er janvier 2018 ? Pourquoi instaurer une cherté de vie ? Où va l’argent ?

Nous évoquerons un dernier risque, non des moindres : le risque géopolitique face à l’enlisement de la guerre du Yémen, le conflit ouvert avec le Qatar, les tensions tout dernièrement avec le Liban. Le Moyen-Orient est une région « volatile », et tout mauvais calcul diplomatique pourrait réduire à néant la meilleure volonté du monde d’entreprendre des projets de restructuration et de réforme jusque-là déployés.