Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Avec cette nouvelle publication Nouveaux modes de vie, l’appel de Laudato si’, c’est à frais nouveaux que les évêques du Conseil Famille et Société remettent sur le métier l’intuition de leurs prédécesseurs, en 1982, lorsqu’ils ont lancé un appel Pour de nouveaux modes de vie.

 

Il s’agissait alors de répondre, par un engagement personnel et collectif, aux conséquences d’ « une situation économique et sociale de plus en plus difficile dans un monde déstabilisé par la compétition internationale, la révolution technologique, le dérèglement du système monétaire. » Une parole totalement en phase avec ce que chacun peut constater aujourd’hui.

Et c’est donc bien pour cela que les évêques nous proposent de regarder le paysage social actuel, de faire des constats, d’en percevoir les possibles pour «  mieux vivre le temps, mieux consommer, mieux habiter l’espace… » Ce « mieux possible » est le leitmotiv de ce texte qui débouche, pour chacun des thèmes, sur un questionnement que chacun peut prendre en compte, mais dont les chrétiens, avec d’autres peut-être, pourront s’emparer pour honorer l’esprit de l’encyclique Laudato si’ invitant à mettre en acte ce développement intégral de l’homme qui fait la marque du pape François.

L’impact de l’environnement

Ce texte peut entraîner chacun à comprendre pour agir au bénéfice de cette question écologique qui appelle à «  un changement radical de nos styles de vie. » Ainsi les évêques, dans la préface, disent la nécessité de « prendre conscience de l’impact sur l’environnement de nos modes de consommation, de déplacement, d’habitat… » mais aussi de « la vie humaine et sociale qui se voit également atteinte », et donc de percevoir «  que cette question écologique pose aussi un défi d’ordre politique… »

Sept thématiques

Nous nous trouvons donc devant un travail de discernement de ce qui est bien souvent notre quotidien dans nos choix de vie sur les 7 thématiques présentées dans ce document : le temps, la consommation, l’argent, la production, l’espace, les besoins sociaux et la migration.  Il y a là un élargissement de la réflexion par rapport au texte de 1982, très marqué par le début d’une ère de chômage de masse.

C’est d’ailleurs ce thème qui structurait le texte de l’époque avec une réflexion qui entrait dans le débat public, notamment dans le monde syndical, sous le vocable du partage du travail. Appel que beaucoup vont entendre en faisant le choix de diminuer leur temps de travail tout autant que leurs revenus – autre thème du texte – pour se consacrer à des engagements dans la société ou dans l’Église.

Dans le concret

Chacune des thématiques est construite en 3 étapes : le constat de la situation, les nouveaux possibles, et les questions à se poser pour un changement de style de vie et pour « nous aider à découvrir la Création d’une manière nouvelle et ainsi revisiter le sens de notre présence dans cette maison commune qui nous a été donnée, » dit le texte.

Et lorsque l’on entre plus précisément dans la lecture, on voit apparaître des thématiques qui ont pris de l’ampleur dans nos vies ; ainsi dans le chapitre sur le temps, la question du temps libre est pensée autant que le temps de travail, d’où un appel à « un équilibre entre les différents temps – travail, engagements sociaux, vie familiale et loisirs. » Plus loin dans le chapitre   « Mieux consommer » sont évoqués autant l’alimentation que les déplacements avec leur fort impact sur l’environnement, les ressources énergétiques ou minérales.

Ce qui amène d’ailleurs une réflexion sur « mieux produire », « mieux habiter l’espace » qu’il soit urbain ou rural. Enfin, parce que la réflexion de Laudato si’ sait lier – « tout est lié » – les questions sociales aux questions environnementales, ce nouveau texte  appelle à « mieux répondre aux besoins sociaux », éducation, santé, et  migrations. L’accueil des migrants fait d’ailleurs l’objet d’un chapitre en soi, montrant par là que s’interroger sur du « mieux » pour vivre ensemble, c’est d’abord la nécessaire proximité avec les plus fragiles.

Ce qui fait dire, en tête de livre, à Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et Président du Conseil Famille et Société de la CEF : « Comme le Saint-Père l’a fait, il veut inviter les chrétiens et tous les autres hommes, au réalisme et au courage pour élaborer des solutions qui garantiront la sauvegarde de la maison commune ».

 

Jamais notre monde n’a autant facilité les communications et les circulations, et simultanément le retour des frontières et la construction de murs.

L’association Confrontations a organisé avec de multiples concours, un colloque qui a réuni 200 personnes, intitulé : Accueillir l’étranger, le défi.

Le sort des migrants interpelle notre société, dérange les responsables politiques ; il déchaîne les controverses et trouble les esprits. Il inspire la compassion et la solidarité ou bien suscite les peurs et le rejet. Accueillir l’étranger relève aujourd’hui d’un vrai défi.

 

Echanges et bénéfices

Le défi est d’abord celui de la compréhension. Il s’agit de savoir de qui et de quoi on parle. Par-delà les causes économiques et politiques, mais également environnementales, il est utile de préciser ce que ces mouvements induisent pour les pays d’accueil : n’y a-t-il pas aussi échanges, et donc des bénéfices ? Evoquer des clandestins ou des réfugiés, des murs ou des ponts, l’assimilation ou l’intégration, c’est déjà faire parler les mots.

 

Phénomène global

Le défi interpelle également les politiques menées par les Etats et les collectivités publiques. Depuis la commune rurale, dérangée par l’arrivée de quelques réfugiés, jusqu’à l’Europe en crise, bousculée à ses frontières, le phénomène migratoire concerne tout le monde. C’est à tous les niveaux que se pose la question de l’accueil, dans son esprit comme dans ses moyens. Ce phénomène sera durable ; il ne peut se circonscrire à des réponses d’ordre sécuritaire.

 

Hospitalité. De Kant à Ricœur

Enfin, le défi est aussi éthique. Les migrants et les réfugiés sont des personnes en quête d’aide : ils ont des droits comme chacun. Là où ils fuient, ils découvrent des communautés souvent sensibles à leur sort mais parfois désarmées par les difficultés que leur situation implique. Ces tensions mettent en jeu la manière de concevoir l’accueil, de répondre par l’hospitalité. C’est une responsabilité qui relève pleinement d’une approche humaniste. Les chrétiens ne peuvent jamais y rester étrangers.

L’hospitalité est certes très présente dans la Bible et les textes judéo-chrétiens, mais c’est Emmanuel Kant qui a été le premier philosophe à poser clairement le droit à l’hospitalité universelle. Cette hospitalité signifie le droit pour un étranger de ne pas être traité de manière hostile quand il arrive sur un autre sol que le sien. Mais pour Kant ce droit est limité : un Etat ou un individu n’est pas obligé d’héberger durablement un hôte.

Nos démocraties ont d’ailleurs toujours pensé des dispositifs pour contrôler les effectifs et les entrées. Seulement aujourd’hui l’image véhiculée est celle d’un débordement, et bon nombre de forces politiques sont portées par le discours de rejet de l’autre et par un projet de repli sur l’Etat et plus exactement sous sa forme d’Etat-nation.

Les compromis sociaux et politiques hérités des 7O ans qui viennent de s’écouler – après 60 ans tout juste de construction européenne- .semblent en difficulté pour redéfinir le « vivre ensemble ».

Les migrations sont essentiellement appréhendées en termes de risques :

  • Sociaux, les dépenses sociales,
  • Civils, le terrorisme, la criminalité, l’insécurité,
  • Culturels, le soupçon que l’assimilation n’est pas possible.

Pourtant malgré les contrôles, les rejets, les entraves aux déplacements, de nombreux migrants sont bien présents sur notre sol et s’intègrent plutôt bien. Sauf à noter que se développent aussi des « jungles », des squats, des campements, des bidonvilles ; une visibilité de mendiants, de migrants vivant dans la rue sinon dans la boue.

La cohabitation conflictuelle produit de la peur et de l’inquiétude identitaire, mais en même temps on assiste à des indignations, à des appels à l’entraide, à l’accueil digne, à la protection des plus vulnérables y compris en risquant des poursuites judiciaires.

Force est de constater cependant que même dans les pays les plus accueillants, même les groupes les plus généreux, même les passeurs les plus fraternels, semblent aujourd’hui plus hésitants. Une partition morale entre « bons  réfugiés » et « mauvais  migrants », apparaît. C’est bien pourquoi l’accueil des migrants qui concerne tous les échelons de l’Etat aux communes, des institutions et des associations aux citoyens est un véritable défi. L’hospitalité est une vertu morale, souvent individuelle ; peut-elle être la base d’une politique collective et si oui à quelles conditions ?

Dans un article récent d’Etudes, Véronique Albanel citait Paul Ricœur, qui distingue trois figures de l’hospitalité dans un ordre de tragique croissant :

  • le visiteur de plein gré,
  • le travailleur étranger qui réside chez nous,
  • le demandeur d’asile ou réfugié.

Pour Ricœur, l’Etat, les institutions locales et internationales, doivent être les garants et les soutiens d’une politique juste, d’accueil ; mais c’est aux citoyens de clarifier leur compréhension de leur appartenance nationale, en refusant de fonder une identité collective sur une logique destructrice du « vivre ensemble », celle du « nous » face à « eux ».

 

Un manifeste

A l’issue de ce colloque un a été adressé à « ceux qui aspirent à nous gouverner ».

La violence de la guerre ou des injustices les a poussés jusqu’à nos frontières. Ils sont exilés. Leur présence sur notre sol interpelle notre société. Elle déchaîne les controverses et trouble les esprits ; elle inspire la compassion et la solidarité ou bien suscite les peurs et le rejet.
Nous sommes conscients que leur accueil est aujourd’hui un vrai défi.

Le défi de la compréhension.

Il s’agit de comprendre et de faire comprendre la réalité des faits. Ces exilés ont chacun un nom, une famille, une histoire. Quelle que soit leur situation, leur dignité et leurs droits humains fondamentaux  doivent être préservés. Cette attention concerne en particulier les plus fragiles : mineurs isolés, femmes seules, personnes âgées.

Comprendre cette réalité, c’est lutter sans naïveté contre les fantasmes et les préjugés. C’est reconnaître que ces migrations seront durables, qu’elles font partie de notre histoire et que notre pays a le potentiel pour accueillir les quelques milliers de personnes qui s’y présentent. La recherche de boucs émissaires face aux difficultés économiques et aux tensions sociales est trop commode. Tous les moyens permettant de promouvoir et de renforcer la cohésion et la solidarité doivent être mis en œuvre. Il faut écarter les risques de fractures sociales.

 

Le défi des politiques

Elles sont menées par l’État et les collectivités locales.
L’accueil des migrants concerne tous les échelons de la sphère publique, de l’Etat aux communes. Il implique de mettre en œuvre avec humanité le cadre juridique qui organise le séjour des étrangers en France. La tâche est exigeante : assurer un accueil digne, traiter avec célérité et justice les demandes d’asile, stabiliser et sécuriser le droit au séjour, protéger les plus vulnérables (mineurs non accompagnés, femmes seules, malades), respecter le droit de vivre en famille.

Autant de mesures qui sont la condition d’une intégration réussie. Assurer la sécurité des citoyens n’est pas incompatible avec l’indispensable accueil de ceux qui arrivent. Ils ont droit à se loger, se soigner, apprendre notre langue, se former. Leur refuser ces droits serait aussi nous priver de leur participation à la vie de notre société.

Une politique d’accueil digne de ce nom n’est pas compatible avec le harcèlement, l’intimidation ou la répression des personnes étrangères les plus précaires ni des citoyens qui leur viennent en aide.

Le défi de l’accueil des migrants n’interpelle pas seulement notre pays. Il revient au gouvernement français d’accroître son engagement auprès des instances européennes pour élaborer enfin une politique qui soit à la hauteur des enjeux. En finir avec des mesures conjoncturelles avant tout répressives et attentatoires aux droits fondamentaux des exilés, ne pas laisser se refermer durablement les frontières nationales avec de nouveaux murs. Reconnaître qu’il est injuste et inefficace d’abandonner aux États placés aux avant-gardes (Italie, Grèce) toute la charge de cet accueil. Il est urgent d’accepter une répartition plus équitable des exilés en Europe.

Aucun pays ne peut gérer à lui seul cette question. La priorité devrait être à de nouvelles formes de coopération internationale, où les questions migratoires seraient gérées dans l’intérêt des personnes migrantes, des pays de départ et des pays d’accueil.

 

Le défi éthique.

Les tensions actuelles autour de l’accueil des exilés résultent en partie du désarroi et des craintes de nombreux citoyens dans une Europe bousculée par les crises et les guerres qui ravagent des continents proches.

En France, les mobilisations de solidarité prouvent que de nombreux citoyens sont sensibles au sort de ces migrants. Mais beaucoup d’autres se sentent désarmés ou craintifs, et une minorité agissante prône le repli et le rejet.

Ce qui est en jeu fondamentalement c’est l’attachement aux valeurs de l’hospitalité.
L’hospitalité perçue comme un échange implique un enrichissement réciproque et permanent, capable de faire vivre tout ce qui construit l’identité et la culture de ce pays.

L’accueil des étrangers concerne des valeurs essentielles pour la République, celles qui au nom de la fraternité et de la solidarité concourent au vivre ensemble et au partage du bien commun. La France s’est construite avec des apports multiples de femmes et d’hommes venus d’ailleurs.

Un pays attaché aux droits de l’homme doit pleinement assumer et illustrer ces valeurs humanistes. Les chrétiens, eux aussi, veulent les défendre et les promouvoir. Leur histoire s’est construite à partir d’un exode et d’un exil. Elle s’est toujours nourrie d’un Évangile tourné vers les déracinés et les plus démunis.

L’accueil des exilés est bien aujourd’hui un enjeu majeur. Il est révélateur d’un choix de société, entre repli et rejet ou ouverture et accueil de « l’autre ». Tous ceux qui vont exercer des responsabilités politiques auront à relever ce défi.

Les élections, notamment présidentielles, représentent un temps fort de la vie démocratique ?

Certes, la campagne actuelle prend un tour imprévisible. Aujourd’hui, les électeurs se reconnaissent difficilement dans les idéologies qui ont inspiré les forces politiques depuis les années 70. Des repères qui semblaient fermes s’estompent, au point que certains sont tentés par l’abstention ou le vote protestataire. Le conseil permanent de la conférence des évêques de France a précisé que « chacun doit s’interroger et prendre ses responsabilités. Nous ne pouvons pas laisser notre pays voir ce qui le fonde risquer de s’abîmer gravement, avec toutes les conséquences qu’une société divisée peut connaître. C’est à un travail de refondation, auquel il nous faut, ensemble, nous atteler. »[1]

 

Une démocratie précieuse et fragile

Le régime démocratique est celui qui honore le mieux la liberté et la dignité humaine. Comme le souligne le pape François, au n° 231 de Laudato si’, la vie démocratique suppose la participation de chacun des citoyens, sous le mode d’un esprit civique qui guide les choix quotidiens, et bien sûr en prenant part aux élections. La liberté s’inscrit en des responsabilités concrètes, de manière à promouvoir le bien commun et non la simple recherche d’intérêts particuliers. Les choix opérés auront alors pour objectif le développement du peuple, au sein de l’humanité entière, et le développement de chacun dans le peuple. Il importe donc de porter une attention particulière aux concitoyens les plus fragiles, au lieu de cautionner les discours politiques de tous bords qui stigmatisent les « pauvres » en les désignant comme des assistés.

Le temps électoral ravive les tensions qui traversent la société, il met en lumière les oppositions d’intérêts et de projets. Chacun constate alors que son propre point de vue, même s’il jouit d’une certaine légitimité, n’est pas partagé par tous. La vie commune implique forcément des compromis ; sinon, la dislocation violente prend le dessus. Ce temps fort de la vie démocratique, s’il réduit le débat à des « affaires », risque de conduire au désamour envers la chose publique, avec des jeux de distanciation hautaine et cynique, ou de provoquer des pulsions de colère qui réduisent le vote à une réaction agressive.

 

Un choix responsable

Le sens de la responsabilité appelle donc à ne pas déserter le champ politique, afin d’opérer un discernement en raison, sur une base éthique. Une évocation de Paul Ricœur peut éclairer notre jugement. Il présente l’éthique comme la quête d’une vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes. À ce propos, la tradition catholique rappelle que « la politique est le domaine le plus vaste de la charité » (Pie XI). Quant à la morale, selon Ricœur, elle renvoie à des principes, à des critères de jugement. Retenons l’énoncé des « droits de l’homme », avec au cœur la dignité de chaque personne humaine. Enfin, il évoque la sagesse pratique comme étant le choix entre plusieurs nuances de gris, plutôt qu’une option brutale entre le noir et le blanc.[2]

Une telle figure est précieuse en un temps d’indécision. Plutôt que l’abstention hautaine ou le bulletin de la colère, il vaut mieux opter pour le candidat qui correspond le mieux à notre jugement éclairé ; parfois on se contentera de celui qui est le moins éloigné de nos convictions. Pour cela, il est sain de se défaire tant d’une vision « sacralisée » de la fonction de chef d’État que d’une réduction du vote à un choix binaire entre le bon et le mauvais ! Aucun projet humain ne doit être considéré comme un absolu.

 

Des enjeux majeurs

Pour ce discernement entre le gris et le gris, au cœur du réel et non dans un monde imaginaire, des points d’attention méritent d’être rappelés. En premier, la dignité de toute personne humaine, quel que soit son statut ; ce qui comprend la possibilité pour cette personne de disposer de moyens concrets pour mener une vie digne. Ensuite, la primauté du bien commun sur les intérêts particuliers. Et, bien sûr, la prise en compte de l’avenir de la vie sur terre : le choix résolu de projets écologiques.

Deux défis majeurs nous sont posés ; nous risquons de les oublier dans le bouillonnement d’une actualité hystérique. D’une part, la tentation du repli sur soi (individuel et collectif) alors que nous sommes de fait de plus en plus reliés aux autres ; c’est donc le bon moment pour découvrir la beauté d’une solidarité qui abat les murs au lieu d’en construire de nouveaux. D’autre part, le défi d’une vie possible et bonne pour les générations à venir : il nous faut choisir la vie et non la mort.

En cette période de Pâques, les chrétiens se souviennent que la violence et la haine n’ont pas fatalement le dernier mot. Ils sont appelés à témoigner d’une espérance qui déborde tous leurs projets, mais qui prend corps en des solidarités concrètes au quotidien, par l’engagement de chacun, par l’organisation d’une vie commune sous le signe de la justice et de la paix. Il est urgent de rappeler que la fraternité, inscrite au fronton des édifices publics, demeure notre programme commun !

 

[1] Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, Bayard, Cerf, Mame, octobre 2016, p. 16.

[2] Paul RICOEUR, Réflexion faite, autobiographie intellectuelle, Ed. Esprit, 1995, p. 80-81.