Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Après quatre années de baisse consécutive, suivie d’une stabilisation en 2014, l’indice longitudinal de tolérance en France marque une nette progression vers plus de tolérance (+ 10 points depuis 2013).

Ce constat est pour le moins étonnant, le contexte étant d’apparence peu propice à l’acceptation de l’autre (terrorisme, arrivées de migrants, chômage, poids des thèmes sécuritaires dans les médias, certaines prises de position politiques, etc.).

L’histoire de l’indice longitudinal de tolérance apprend néanmoins que les attaques terroristes ne produisent pas automatiquement une aggravation du rejet de l’autre. Ainsi on ne constate pas de crispation raciste après les attentats de 1995 ; il y a même une hausse de tolérance après 2001. En revanche, on constate une baisse importante entre 2004 et 2005, en liaison notamment avec les émeutes en banlieue.

Un constat s’impose : la domination des dispositions à la tolérance ou à l’intolérance, qui coexistent en chacun de nous, dépend du contexte et de la manière dont les élites politiques, médiatiques et sociales parlent et racontent l’immigration et la diversité. Ainsi c’est moins l’événement en soi que la manière dont il est « cadré » par les élites politiques, sociales et médiatiques qui compte. La responsabilité de celles-ci est donc importante.

Le ralentissement de la progression de l’indice constatée en 2016 pose cependant question : la France aurait-elle atteint un plateau de tolérance ? Désormais, ceux qui persistent dans leur rejet des immigrés pourraient avoir des opinions structurées, cristallisées. Ils seraient alors moins sensibles au contexte, de la même manière que la relative stabilité de l’indice en 2013 et 2014 pouvait s’expliquer par la stabilité du noyau « ouvert » de la société française. Ce n’est là qu’un des scénarios possibles.

On peut aussi se demander si on ne se dirigerait pas vers une augmentation de l’indice sur le long terme, portée par le renouvellement générationnel (chaque nouvelle cohorte est plus tolérante que la précédente) et la hausse du niveau d’études.

Il ne faut cependant pas oublier que la prédisposition à la tolérance est liée à de multiples autres facteurs : le niveau d’ethnocentrisme (vision autoritaire et hiérarchique de la société), la sensibilité politique déclarée par la personne interrogée, la façon dont est vécue la crise économique ou encore les expériences de socialisation liées à des pratiques transnationales (comme des périodes d’études et de travail à l’étranger).

L’indice de tolérance apparait également sensible à la couleur politique du gouvernement. Ainsi, si le gouvernement est de droite, l’indice tend par réaction à s’orienter vers plus de tolérance, et inversement vers plus d’intolérance s’il est de gauche.

Recommandations prioritaires

  • La CNCDH appelle les personnalités politiques et les médias, et plus largement l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte antiraciste, à faire preuve de vigilance dans l’usage des statistiques.

 

  • La CNCDH encourage le ministère de l’Education nationale à renforcer considérablement ses efforts de formation des enseignants.

 

  • La CNCDH, préoccupée par les problèmes d’exclusion scolaire persistante des enfants allophones en situation de grande précarité, appelle à la mise en place d’une action globale et coordonnée permettant à tous les enfants d’être scolarisés.

 

  • La CNCDH recommande que les services de l’Etat élaborent et pilotent une stratégie régionale de résorption des bidonvilles.

 

  • La CNCDH recommande de réfléchir à l’élaboration d’une méthodologie permettant de comptabiliser les contrôles d’identité.

 

Une Assemblée nationale pour quoi faire ?

En simplifiant outrageusement, trois domaines en manifestent le poids.
Premièrement, le gouvernement qui n’existe que si l’assemblée le veut. Elle n’est pas obligée de l’investir mais elle peut le censurer.

Deuxièmement, le budget. Elle le vote, avec le Sénat. Comme pour la loi, les ordonnances, l’état d’urgence, l’Assemblée nationale peut, soit approuver,soit s’opposer. Et si le gouvernement veut passer en force, elle peut le censurer (le fameux 49.3).

Troisièmement, la guerre. L’article 35 de la constitution de 1958 dit tout :

« La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.
Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. »

Les décrets et nominations du Président doivent être contresignés par le Premier ministre.

Pour l’essentiel, il ne peut donc agir seul que pour la dissolution, les nominations au Conseil constitutionnel et la saisine de ce dernier. Ce ne sont pas des « formalités » en période de cohabitation.

Lors de deux récentes réunions la Commission Justice et Paix s’est intéressée tant à la nécessité de mettre en place des pratiques et des politiques de sécurité qu’à celle de respecter les libertés individuelles et collectives.

La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme d’une part dans son préambule, « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » et d’autre part à son article 3 que «Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »

Le droit à la sureté personnelle (protégé par la Constitution) est la garantie pour toute personne, française ou étrangère, de ne pas faire l’objet d’une détention sans titre légal, sans nécessité, sans assurer le respect des droits de la défense et sans l’intervention d’un juge judiciaire.

L’équilibre peut être délicat entre sécurité à promouvoir et libertés à toujours construire, d’autant plus que si le juge judiciaire est le garant des libertés il n’en est pas l’unique gardien, il doit dialoguer avec le juge administratif.

 

Depuis une trentaine d’années la recherche de la sécurité conduit à l’adoption de mesures plus restrictives pour les libertés publiques individuelles et collectives. Le respect de la personne a tendance à paraître moins important que la sécurité publique.

Après les actes terroristes de 1986 le Parlement français a mis en place progressivement une procédure pénale d’exception visant le terrorisme et la criminalité organisée. Suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux États Unis, le Conseil de sécurité des Nations Unies a délégué aux États la mission de lutter contre le terrorisme sur la base d’orientations qu’il définit et dont son Comité contre le terrorisme suit la mise en œuvre. Ces orientations, qui visent d’abord à renforcer la coopération policière, judiciaire et des services de renseignement, favorisent une approche excessivement large et purement répressive du terrorisme, considéré comme une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales.

Par ailleurs depuis les années 1970 et plus encore depuis le début des années 1990, les États cherchent à répondre au besoin de régulation des relations internationales par des déclarations relevant du droit mou ou souple (soft law en anglais). Ces déclarations engagent politiquement leurs signataires mais n’ont pas de caractère juridiquement contraignant. Le recours au droit mou ou souple est en plein développement actuellement. Un texte crée du droit mou quand il se contente de recommander des actions en formalisant un accord politique sans poser d’obligation juridiquement sanctionnée (voir responsabilité sociale des entreprises, droit de l’environnement, conclusions des grandes rencontres diplomatiques dans le cadre des G7, G20, OSCE, etc.). Il fait reposer la régulation internationale et interne sur la bonne volonté des pays ou acteurs privés les plus puissants.

 

En France

Une accumulation d’évolutions conduites par tous les gouvernements successifs y est susceptible d’ouvrir la voie à une restriction voire à un déclin des libertés :

  • Des mesures restrictives liées à la sécurité portent atteinte aux droits fondamentaux. (Voir les dispositions des lois sur l’état d’urgence qui rentrent peu à peu dans le droit commun et le suivi des mesures anti-terroristes de la loi du 21 juillet 2016).

 

  • Le contrôle a posteriori du juge administratif sur la privation de liberté prend le pas sur le nécessaire contrôle a priori par le juge judiciaire. Les assignations à résidence devraient être examinées par le juge des libertés et de la détention.

 

  • La montée de politiques de « tout carcéral » néglige les peines alternatives plus efficaces pour les délits les moins graves. Il s’agit surtout de satisfaire l’opinion publique.

 

  • La situation carcérale, surpopulation, locaux insalubres, conditions de vie indignes, conditions de travail, etc., prive de sens la peine de prison. Sept responsables nationaux des aumôneries et présidents d’associations interpellaient en avril 2017 Emmanuel Macron et Marine Le Pen sur la question Ils avancent quatre propositions : associer les divers acteurs (parquet, juges et les prisons locales) à la gestion coordonnée des flux d’entrées et de sorties de prisons ; développer les peines alternatives pour certains délits mineurs ; revoir la conception des prisons pour en faire « des lieux d’insertion, de reconstruction et d’ouverture sur la société civile » ; limiter l’encellulement à deux.

 

  • Le droit pénal fondé sur l’acte délictueux glisse vers la répression de la dangerosité potentielle de la personne.

 

  • La vidéosurveillance a été autorisée par la loi du 21 juillet 2016 pour les personnes placées en détention provisoire dans le cadre d’une affaire criminelle ; elle peut être décidée par le ministère de la Justice à l’égard des personnes dont « l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public et égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et à l’impact de celle-ci sur l’opinion publique ». Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme c’est la première fois qu’un texte de loi aborde la protection de la vie selon une logique instrumentale (la conçoit non comme une fin en soi mais comme le moyen de parvenir à une fin jugée supérieure, le maintien de la personne à la disposition de la justice).

 

  • L’usage des armes par les policiers, donc en milieu urbain, est plus dangereux qu’en milieu rural où opèrent principalement les gendarmes. La présomption de légitime défense est pratiquement applicable aux policiers depuis la loi relative à la sécurité publique du 23 février 2017.

 

  • Des mesures attentatoires aux libertés sont contenues dans les lois successives concernant les réfugiés et les migrants. En particulier le développement de la rétention administrative, la pénalisation des sans-papiers et celle de ceux qui les aident, etc. Les citoyens doivent prendre conscience que ce qu’ils perçoivent comme des micro atteintes à leurs libertés, puisqu’ils n’ont « rien à se reprocher », fait partie d’un processus évolutif qui peut être dangereux.

 

Au plan international

Les évolutions s’y inscrivent dans un contexte lui aussi régressif en termes de libertés, de sécurité commune et de respect de la dignité de la personne :

  • « Les États utilisent souvent des définitions des actes terroristes très générales, vagues et visant des actes non constitutifs des crimes les plus graves ; la participation à une association de malfaiteurs devient un acte terroriste passible de la peine de mort dans plusieurs Etats. ». Rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, de l’ONU du 30 décembre 2016.

 

  • Les progrès de la régulation internationale semblent dangereusement remis en cause. L’émergence de compétiteurs stratégiques de l’hyperpuissance américaine comme la Russie ou la Chine, et la difficulté croissante des États-Unis à faire prévaloir leurs intérêts en dehors de leurs alliances traditionnelles (Europe, Japon) face à la multiplication des centres de pouvoir autonomes (Turquie, Arabie Saoudite, par exemple) sont autant de facteurs d’instabilité en l’absence de règles du jeu acceptées par tous. L’espoir d’un « ruled based liberal order » fait place à la crainte d’un monde « apolaire » plus que multipolaire.

 

  • Parallèlement le mécontentement grandit dans les électorats d’Europe et des États-Unis à l’égard des inégalités induites par la mondialisation. Les institutions internationales voient s’effriter leur légitimité et partant leur efficacité en matière de production de normes de droit. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et les progrès de l’extrême droite en Europe en sont largement le reflet.

 

  • S’agissant du système de sécurité collective des Nations Unies, il est à présent fréquemment paralysé par l’absence d’accord entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité détenteurs du droit de veto. D’où une incitation aux actions coercitives unilatérales en violation de la Charte (cas de la Syrie, en raison du désaccord russe ou de la Corée du Nord en raison du désaccord chinois).

 

  • L’expérience des conflits en cours fait apparaître des violations, parfois flagrantes

 

  • Du Droit international humanitaire / DIH (par exemple en Syrie, bombardements indiscriminés par les forces gouvernementales et celles de leurs alliés, usage de gaz toxiques, attaques délibérées des autorités et des insurgés contre la population civile).

 

  • du droit international des droits humains (en particulier par un recours quasi-systématique – et souvent revendiqué – de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants) ; du côté américain et dans plusieurs pays impliqués dans la « guerre contre le terrorisme », emploi de drones de combat sans respect des principes du DIH y compris sur le sol de pays extérieurs au conflit et sans l’accord de leur gouvernement, destructions d’infrastructures civiles, notamment d’approvisionnement en eau et en énergie, etc.). Ces violations de la légalité internationale ne sont pas sanctionnées.

 

  • La négociation et le dialogue régressent comme outils de règlement pacifique des conflits.

 

  • Le désarmement, notamment nucléaire, et le contrôle des armements (par exemple des ventes d’armes) semblent passer au second plan derrière la nouvelle course aux armements qui s’engage.

Des moyens pour la justice

Deux commissions, la commission sénatoriale pluri partisane pour le redressement de la justice, emmenée par le sénateur LR Philippe Bas, et la commission sur l’avenir des prisons conduite par Jean-René Lecerf, ex-sénateur LR, ont rendu récemment des conclusions sans appel : « La justice va mal. », trop lente, trop complexe et trop peu accessible.

Et M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux va dans le même sens en publiant courant avril une lettre de cinquante-huit pages soumettant à son successeur «dix chantiers pour réparer le présent et préparer l’avenir» dont bien sûr l’amélioration des moyens de la justice et la mise en œuvre de méthodes de travail modernes.

S’il est vrai que les circonstances exceptionnelles permettent des atteintes aux droits fondamentaux qui seraient illégales en période ordinaire, la responsabilité des Etats, des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, comme celle des sociétés civiles, chacun dans son mode propre d’action et d’intervention, est d’être attentifs aux questions de sécurité et de respect du droit.

Il faut pour cela que la justice non seulement demeure indépendante mais qu’elle dispose de vrais moyens efficaces, tant en France, qu’en Europe et aussi au plan international où la Cour pénale internationale est actuellement menacée.)

Les représentants des six premiers pays européens ont signé, le 25 mars 1957, le traité instaurant la communauté économique européenne.

 

Ils donnaient ainsi vie à la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, inspirée par Jean Monnet : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » L’Europe, d’abord et avant tout, a été faite pour faire la paix. Le préambule du traité en pose les principes : établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens afin de parvenir au progrès économique et social de leurs pays. Mais le traité est ambigu et ne choisit pas entre une organisation politique commune et un grand marché libéral.

Hier et aujourd’hui

En 1957, l’Europe des Six, c’était 163 millions d’habitants, 1,3 million de km² et 22% du PIB mondial. En 2017, l’Europe des Vingt-sept, c’est 443 millions d’habitants, 4,2 millions de km² et toujours 22% du PIB mondial. Le monde a changé, il est devenu multipolaire, la communauté internationale est passée de soixante à plus de cent quatre-vingts pays, la mondialisation est là et des géants économiques sont apparus, en particulier en Asie. Mais assurer la paix et favoriser la construction du grand marché et la libre circulation des biens et des personnes ont permis de multiplier par plus de 4 en France et en Europe le revenu moyen par habitant. Le marché communautaire représente près des 2/3 de notre commerce extérieur et nous sert de « camp de base » dans la mondialisation. Malgré un sentiment répandu, l’euro nous a permis de n’avoir que 1,5% de hausse des prix en moyenne annuelle contre plus de 4% de 1980 à 1999 (en 1981 l’inflation en France était de 13,1%).

Bien sûr tout n’est pas réglé et comme le dit Alain Juppé : Bruxelles est accusée « d’enquiquiner les citoyens ». Les inégalités sociales, de territoires et de revenu se sont creusées, faisant apparaître ce que l’on a, trop vite, qualifié des « deux France ».Au premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 23 avril 2017, 1 électeur sur 2 a voté pour un candidat eurosceptique ou europhobe. Attention cependant à ne pas mettre au cœur de notre débat public les seules victimes du marché européen ! Nous sommes aussi responsables de ce qui ne marche pas : le chômage des jeunes, nos déficits et notre dette. Ni l’Union, ni l’euro ne peuvent à eux seuls compenser les anomalies de notre gestion nationale. Que serions-nous devenus sans l’Union ?

Un livre blanc

Mais pour changer l’opinion sur l’Europe, il faut qu’elle modifie ses orientations et son image. L’Europe ne peut plus s’élargir sans réflexion. La libre circulation des personnes est mise en question, y compris pour les travailleurs détachés. Il faut réduire le déficit démocratique, réformer la zone euro, mettre plus l’accent sur le social qui est censé être la contrepartie du marché.

Début mars – anniversaire oblige – Jean -Claude Junker, président de la Commission, a présenté le livre blanc pour l’Europe de 2025 :

  • S’inscrire dans la continuité, réparer l’euro, colmater Schengen et réviser la défense. L’Europe tiendra mais s’affaiblira progressivement (25% de la population mondiale en 1900, 4% à l’horizon 2060).

 

  • Faire beaucoup plus ensemble, un seuil politique fédéral, mais impossible en période de gros temps populiste et autres Brexit.

 

  • Se concentrer sur le marché intérieur et abandonner l’union politique.

 

  • Fabriquer une Europe à plusieurs vitesses, mais, à terme,  c’est un projet des nations d’Europe, pas le projet de l’Union.

 

  • Faire moins mais de manière plus efficace : construire une fédération classique qui disposerait des grandes prérogatives traditionnelles (monnaie, commerce, sécurité), le reste étant du ressort des Etats membres (par exemple la politique agricole redeviendrait nationale). Cela coûterait probablement plus cher mais ferait tomber la défiance d’une grande partie de nos compatriotes vis-à-vis de l’Union actuelle.

 

Redonner un sens au projet

L’Europe, il y a un siècle, c’était le quart de la population mondiale, moins d’un vingtième demain ; l’Europe, il y a soixante ans, c’était un peu plus du cinquième de la richesse mondiale, toujours la même proportion aujourd’hui, mais avec une vingtaine de pays en plus dans l’Europe. La mondialisation est là, et prétendre restaurer la grandeur de la France en s’isolant du reste du monde, c’est aller vers des lendemains qui déchantent. Plus que jamais est vraie cette phrase de François Mitterrand : « La France est notre patrie, et l’Europe notre avenir.» Il faut redonner un sens au projet, montrer que l’Union est un projet commun pour vivre ensemble, que l’Europe, c’est la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté d’entreprendre et un modèle social performant. L’Europe, et c’est peut-être ce qui a été trop oublié, c’est une histoire, une tradition religieuse et laïque, et une culture communes. Dans un monde menaçant et imprévisible, ce n’est pas si mal.