Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Chaque année, les 31 commissions Justice et Paix européennes proposent une action concertée qui vise à proposer dans leurs sociétés des idées d’avenir.

Le thème 2017 est relatif à l’Europe. Cela vient à point nommé nourrir la réflexion nécessaire en France, dans la période électorale actuelle.

Le projet d’une Europe paisible et unie se situe maintenant à un carrefour. Cela a été particulièrement montré par le référendum de rupture du Royaume –Uni en juin 2016, qui a ouvert une période de doute et d’incertitude. On doit y voir le signe inquiétant d’une insatisfaction largement répandue et d’un malaise qui appelle des réactions convaincantes.
La politique de « progression dans le brouillard » qui a longtemps constitué une stratégie assez efficace ne suffit plus désormais. Si l’on veut ranimer le projet européen, il faut une vision claire de ses avantages majeurs avec, dans l’ensemble de l’Europe, un discours public établissant son identité et son avenir, de même que les valeurs qu’il incarne.
La Conférence européenne des commissions Justice et Paix présente les propositions politiques suivantes :

Réforme du droit d’asile

Afin de maintenir le droit universel à l’asile, le système d’asile commun de l’Europe doit être d’urgence réformé. A notre avis, on doit respecter les principes suivants :
un droit sans restrictions d’une candidature à l’asile ;
le droit souverain et l’obligation pour les Etats qui ont signé l’accord de Schengen de contrôler collectivement leur frontière extérieure commune ;
la solidarité dans le partage des coûts administratifs ;
des efforts pour accueillir dignement les demandeurs d’asile. En outre, l’Union européenne et ses membres doivent convenir d’une nouvelle politique concernant la migration régulière.
La libéralisation des échanges au sein du marché commun n’est pas un but en soi. Par conséquent, nous appuyons la proposition de la Commission européenne tendant à renforcer un pilier européen de droits sociaux qui devrait constituer une référence pour tous les citoyens.

Traités commerciaux clairs

Au nom des Etats membres, la Commission européenne négocie actuellement plusieurs traités de libre-échange. Nous comprenons la justification de l’établissement bilatéral de règles d’échange lorsque des accords contraignants dans le cadre de l’OMC ne peuvent pas être garantis. Cependant, de nombreux citoyens européens craignent que l’abaissement des barrières commerciales ne menace leur emploi et favorise indûment les sociétés qui réalisent leurs produits dans des pays où sont faibles, voire inexistants, les droits des travailleurs, les règles de sécurité et les normes environnementales. C’est pourquoi nous proposons que la Commission européenne exige des acteurs de ces négociations qu’ils garantissent le respect de ces droits et de ces normes, ainsi que la transparence des négociations afin de restaurer la confiance dans un régime de commerce dûment régulé.

Conférence européenne sur le travail

Dans le proche avenir, l’économie marchande en Europe va être transformée par ce qu’on appelle la révolution numérique. La perspective de la numérisation et de la robotisation de l’industrie soulève beaucoup de questions concernant l’avenir du travail. Nous proposons donc que la Commission européenne et les partenaires sociaux-syndicats de salariés et organisations d’employeurs-organisent une conférence européenne sur le travail afin de confronter les idées relatives aux salaires, au maintien des rémunérations et à la création d’emplois.

Nouvelle politique fiscale

En principe, il y a un accord sur une plus étroite coopération des politiques économiques et fiscales des Etats membres de l’Eurozone, de même que sur la nécessité d’établir, sous une forme ou sous une autre, un Trésor et un budget communs. Etant donné que cela nécessiterait des changements difficiles à opérer dans le Traité de l’Union européenne, une solution pourrait être obtenue par la négociation d’un accord entre gouvernements des pays de l’Eurozone dans le cadre d’un Euro 2.0 qui comporterait des objectifs de politique économique et fiscale qu’il conviendrait d’abord de respecter.

Un des aspects néfastes de la mondialisation est la course à la baisse de l’imposition des multinationales et des personnes très riches. Nous attendons et espérons que les Etats membres de l’Union parviennent à un accord au cours de l’année 2017 sur un ensemble commun de règles concernant le calcul des bénéfices des sociétés, ce qu’on appelle Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés, que la Commission européenne a relancé en novembre 2016. En outre, nous soulignons la nécessité de s’attaquer au problème du défaut de collecte de la TVA qui se montait à près de 160 milliards d’euros en 2014.

Accord sur le climat

Dans son Encyclique Laudato Si’, le pape François invitait à une « révolution culturelle » touchant à notre style de vie et à ses effets sur l’environnement.  Il est vrai que beaucoup de citoyens européens sont aujourd’hui partisans d’un progrès écologique. Pour soutenir les efforts vers un style de vie plus soutenable, nous espérons que les gouvernements de l’Union et le Parlement européen parviendront en 2017 à un accord exigeant sur le climat, accord qui devrait inclure la réforme du Système d’Echanges des Emissions à partir de 2020, et la proposition d’une répartition des efforts en ce qui concerne les émissions provenant de secteurs tels que les transports, l’agriculture, la construction, la production de déchets, et reprenant aussi une récente proposition concernant les ressources renouvelables et les économies d’énergie.

Plan d’investissements extérieurs

Nous soutenons l’idée d’un Plan européen d’investissements extérieurs, comme l’a proposé le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l’état de l’Union en septembre 2016.Les Etats membres et d’autres partenaires devraient apporter leur contribution à ce plan pour qu’il atteigne au moins un montant de 88 milliards d’euros et pour qu’il contribue à l’application de l’Agenda du Développement durable en 2030.

Politique de sécurité et de défense

Afin de défendre l’Europe contre le terrorisme et de contribuer à la prévention et à l’élimination de conflits armés dans le monde, en particulier de nouveaux conflits entre Etats et au sein d’Etats dans le voisinage géographique de l’Europe, l’Union européenne doit renforcer sa politique commune de sécurité et de défense et ses politiques d’encouragement à la paix. Elle doit aussi renforcer ses efforts en vue du désarmement, de la non-prolifération et du contrôle des exportations d’armes.

Démocratie renouvelée

Les institutions européennes sont aussi régulièrement attaquées pour leur insuffisance démocratique. Les choses pourraient certainement s’améliorer à cet égard. Aussi une idée soutenue par une majorité de membres du Parlement européen est d’élire au moins 10% de députés à partir de listes de partis transnationaux, et ce, dès les élections de 2019. Nous souhaitons que les débats se poursuivent sur cette proposition.

La politique ne se ramène pas à la recherche de ses intérêts par des moyens stratégiques et tactiques. Dans un monde en changement rapide, une réinterprétation du rôle et de la responsabilité de l’Europe s’impose. Et ceci est particulièrement important dans un ensemble d’Etats qui sont étroitement liés entre eux. L’Europe doit développer sa capacité à « intégrer, à dialoguer et à innover », selon l’expression du pape François. L’Eglise catholique, avec les autres Eglises et avec d’autres communautés religieuses et, à vrai dire, avec tous ceux qui œuvrent pour le bien commun, peut aider à ranimer l’esprit de paix de l’Europe.

La pauvreté se situe à un niveau élevé dans notre pays, avec 14% de la population vivant en -dessous du seuil de pauvreté.

Chacun d’entre nous connaît des personnes ou des familles en grande souffrance du fait du chômage, de l’isolement, ou de la difficulté à trouver un logement stable. La fragmentation de notre société et les déséquilibres territoriaux ont tendance à s’aggraver, laissant trop de personnes sur le bord du chemin, mises de côté, invisibles.
Heureusement, de nombreux citoyens s’engagent pour restaurer le lien social et la société civile est très dynamique dans sa lutte contre la pauvreté. Des initiatives nouvelles émergent, comme l’expérience des « Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée », pour permettre l’accès de tous à un travail. La période électorale pousse à réfléchir aux moyens de promouvoir une « société bienveillante, fraternelle et solidaire ».

Une loi-cadre pour en finir avec l’exclusion et la pauvreté

C’est le titre de la plateforme de propositions qu’a publié le Collectif ALERTE pour les élections présidentielles. Il réunit 38 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et 14 collectifs locaux ou régionaux. Le Secours Catholique – Caritas France en fait partie, de même qu’ATD, Emmaüs ou la Fédération des Acteurs de la Solidarité, … Pour ALERTE, le moment est venu de changer d’échelle dans la lutte contre la pauvreté et de s’attaquer aux causes plus encore qu’aux conséquences. C’est pourquoi le collectif demande que soit discutée et votée par le nouveau Parlement une loi-cadre de programmation financière sur 5 ans pour en finir avec l’exclusion et la pauvreté. Cette loi de programmation sécuriserait un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et favoriserait les interactions entre les différents ministères.
La méthode d’élaboration et de mise en œuvre de l’action est fondamentale. Il s’agit de partir de ce que vivent les personnes en situation de précarité. Il s’agit de les associer pleinement à l’élaboration de la loi-cadre et du plan d’action, tout comme au suivi de la mise en œuvre des mesures annoncées. La participation de tous est le meilleur levier de transformation sociale et le meilleur garant que personne ne soit laissé de côté.
Les propositions d’ALERTE se structurent en 5 axes principaux.

Minima sociaux

Tout d’abord une réforme en profondeur du système des minima sociaux est nécessaire, avec comme objectif que personne ne vive dans la misère aujourd’hui en France. ALERTE propose un triptyque vertueux comprenant un revenu minimum garanti, un accompagnement effectif pour tous les allocataires de ce revenu et une politique d’emploi renforcée. Nous proposons de mettre en place un revenu minimum garanti, sous condition de ressources, dès 18 ans, avec des procédures très simplifiées (principe d’automaticité) et permettant à chacun un revenu décent, permettant de sortir de la grande pauvreté. Le deuxième pilier de ce triptyque est la mise en place d’un accompagnement effectif, avec un « référent de parcours », pour favoriser un accompagnement à la fois global, de proximité et personnalisé. Enfin, il s’agit de développer une politique d’emploi renforcée pour que l’accès à un travail décent soit une réalité pour tous les actifs, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux chômeurs de longue durée.

 

Formation professionnelle

Le deuxième axe est une politique ambitieuse de formation professionnelle et par alternance afin que chaque jeune soit à l’école, ou en emploi, ou en formation. Mais la formation professionnelle doit être beaucoup plus orientée aussi vers les chômeurs de longue durée, en complément de l’appui renforcé aux emplois aidés et aux innovations dans le domaine de l’emploi.

Enfance, logement, santé

Les trois autres axes des propositions d’ALERTE peuvent se résumer ainsi :

  • Des investissements sociaux massifs pour la petite enfance, le soutien à la parentalité ou la lutte contre l’isolement.

 

  • Une politique du logement permettant de sortir de la crise actuelle, avec la construction de 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 logements très sociaux.

 

  • Une politique de santé accessible à tous, quel que soient leurs statuts sur le territoire, en application du principe d’accueil inconditionnel.

Il est temps de changer d’échelle dans la lutte contre la pauvreté et de se mobiliser, citoyens comme personnalités politiques, pour que nous puissions faire en sorte que chacun trouve sa place dans notre société et que nous bâtissions ensemble une société bienveillante, fraternelle et solidaire.