Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Ce livre est principalement le fruit de l’expérience des associations réunies dans le Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains.

Il rappelle le fléau considérable qu’est la traite, dont, chaque année, 2,4 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, sont victimes, dans le monde, alors que ce trafic correspondrait, selon le Parlement européen, à un chiffre d’affaires annuel de 25 milliards d’euros. La traite d’êtres humains est devenue le troisième trafic le plus lucratif, après les armes et la drogue.

Dans une première partie, c’est l’état des lieux qui est présenté, et les multiples formes que prend la traite : l’esclavage domestique, encore peu connu, concerne nombre de jeunes filles, notamment africaines, exploitées par des familles de tous les milieux sociaux. Elles sont souvent recrutées dans leur pays d’origine par leur famille ou par des proches ; arrivées en France, on les fait travailler sans trêve, et la plupart du temps sans rémunération, on les maltraite, on leur confisque leurs papiers d’identité, on les empêche de sortir seules et de communiquer avec l’extérieur.

On parle davantage des victimes d’exploitation sexuelle.  La prostitution est aujourd’hui une véritable industrie déshumanisée qui fonctionne avec des marchés et des profits. Un proxénète en Europe gagne environ 110 000 euros par an pour une fille et une prostituée rapporte, en France, entre 460 et 762 euros par jour à « son » proxénète. Dans notre pays, 80% des prostituées sont d’origine étrangère (d’après l’OCRTEH), venant d’Europe de l’Est ou d’Afrique. Les Nigérianes sont particulièrement nombreuses, car les jeunes filles sont prises dans des réseaux très organisés qui ont pignon sur rue dans un pays rongé par la corruption. Une fois en France, elles doivent se prostituer pour rembourser la dette contractée pour organiser leur voyage.

Des enfants font aussi partie des victimes de la traite. Il s’agit souvent d’enfants qu’on entraîne à commettre des vols ou à pratiquer la mendicité. L’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans en France pousse des réseaux de malfaiteurs à les utiliser sans risque pour commettre des délits. Il faut aussi mentionner le cas des mineurs isolés étrangers (entre 5 000 et 12 000 en France), qui sont vulnérables et, par ailleurs, traités en immigrants clandestins.

Après avoir dépeint les principales situations de traite, la seconde partie du livre de consacre aux modalités d’action contre la traite et notamment au rôle de nombreuses associations qui accompagnent des victimes, Dans l’urgence, il s’agit d’assurer sécurité, hébergement et soins. Parfois, il faut mettre la personne à l’abri des proxénètes ou des réseaux : c’est le dispositif national Ac.Sé (accueil sécurisant) qui se met en branle, en liaison avec une association. Mais toutes les démarches doivent être menées de front : la personne n’a plus de pièces d’identité, plus d’argent, et il faut l’aider à accéder à un titre de séjour, et la soutenir dans une procédure judiciaire. C’est donc une assistance sociale, médicale, psychologique et juridique qu’assurent les associations, en collaboration avec la police et la justice. Dans un second temps, il s’agit d’aider la personne à cheminer vers l’autonomie, à reconstruire son identité et à trouver un travail qui permette une réinsertion.

Sur le plan international, le Protocole de Palerme, convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée, a en 2000, été une première étape, suivie en 2005, de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains. Le Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains a plaidé efficacement pour la ratification de ce texte par la France et sa mise en œuvre s’est notamment traduite par l’adoption, le 10 mai 2014, du premier plan d’action national contre la traite et la création d’une structure interministérielle de coordination
Ce livre montre la réalité de la traite des êtres humains qui s’attaque aux valeurs fondamentales de notre société, en niant la dignité et la liberté des personnes. Il rappelle que certains s’emploient sur un plan national et international à combattre ce fléau auquel dans son message du 1er janvier 2015 le pape François a appelé à mettre un terme.

Nous sommes tous concernés : l’intervention d’un témoin qui signale une possible situation de traite à une association peut être précieuse, à condition d’être menée avec discrétion et discernement.

Aujourd’hui, dans une Europe en proie à la peur, le débat sur l’accueil et la protection des migrants et des demandeurs d’asile est presque exclusivement émotionnel.

La plupart du temps, ce débat est noyauté par un discours négatif qui tend à justifier le rejet des migrants et des réfugiés et à légitimer la marginalité et l’exclusion sociale de ceux et celles qui, arrivés parmi nous, recherchent une protection internationale et demandent une vie digne.

Contrairement à une croyance largement répandue selon laquelle nos pays européens seraient l’objet d’une invasion, entrer en Europe est aujourd’hui de plus en plus difficile et dangereux. Contrairement aux idées reçues, le droit d’asile est la première victime des politiques sécuritaires en matière de refoulements et de contrôle des frontières extérieures ; en réalité, moins de 1% des réfugiés du monde trouve effectivement refuge dans l’Union européenne.

Cette approche négative et partielle des migrations contribue à légitimer l’idée selon laquelle les migrants doivent être repoussés, si besoin est, par la force. Les polémiques qui ont accompagné le passage de l’opération « Mare Nostrum » à l’opération « Triton » (crainte d’un éventuel« appel d’air », appels à renforcer les contrôles aux frontières) constituent un bon exemple de cette méfiance à l’égard des migrants

Or, comme le rappelle le cardinal Reinhard Marx, Président de la Commission des Episcopats de l’Union Européenne (COMECE), « si l’Union Européenne [décidait] de faire honneur à ses valeurs, alors elle ne [pourrait] que réinstaurer les instruments de “Mare Nostrum” et élargir la mission “Triton” sur la protection des frontières extérieures de l’UE. Le sauvetage de vies humaines en Méditerranée ne peut rester un simple enjeu politique. Il s’agit d’un véritable devoir humain et d’une exigence de l’aspiration morale de l’Europe ».

 

Le triste rite du comptage des morts

Le 3 octobre 2013, le naufrage d’une embarcation au large de Lampedusa avait fait 368 morts et mis en lumière la passivité de l’Union Européenne face au sort de populations luttant pour leur survie.

Le 10 septembre 2014, une nouvelle catastrophe s’est produite au large de l’île de Malte, faisant 500 nouvelles victimes et rappelle à des Européens, dont les larmes s’étaient taries et l’attention détournée de leurs frères et sœurs migrants, que la situation est à ce jour loin d’être réglée.

Dans la nuit du 18 au 19 avril 2015, le naufrage d’un chalutier au large de la Libye a provoqué une onde de choc dans le monde entier. Les survivants ont témoigné que des centaines de personnes, probablement 900, parmi lesquelles une cinquantaine d’enfants et 200 femmes, étaient mortes après avoir chaviré à l’approche d’un cargo portugais venu à leur secours.

Ces naufrages portent le nombre de migrants morts ou disparus en Méditerranée à 3400 pour l’année 2014 et à plus de 1500 déjà pour les premiers 4 mois de 2015. Avec plus de 20 000 morts au cours des dix dernières années, la Méditerranée est devenue un cimetière de l’Europe, une véritable fosse commune marine.

En cause notamment la guerre intestine en Libye, les conflits en Syrie et en Irak, la montée en puissance du soi-disant « Etat islamique », les razzias de Boko Haram en Afrique sub-saharienne, les violences en Erythrée, en Ethiopie et en Somalie ou bien encore la construction de clôtures le long des frontières européennes – comme entre la Grèce et la Turquie -, lesquelles empêchent toute migration par voie terrestre.

C’est dans ce contexte global de rejet des migrants et des réfugiés, que le pape François appelle les hommes de bonne volonté, les organismes internationaux et la communauté internationale à répondre avec « la mondialisation de l’accueil et de la coopération », « à créer les conditions aptes à garantir une diminution progressive des causes qui poussent des peuples entiers à fuir leur terre natale », « à développer au niveau mondial un ordre économico-financier plus juste et équitable et un engagement croissant en faveur de la paix, condition indispensable de tout progrès authentique ».

De l’inutilité des stéréotypes et des raccourcis

Répéter à qui veut l’entendre que « nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde » ne signifie rien, a fortiori lorsqu’en réalité, « la misère du monde » reste loin et n’arrive pas jusqu’à chez nous.

Affirmer la nécessité de « lutter sans répit » contre les trafiquants d’êtres humains, contre les marchands de chair humaine et contre les organisations criminelles sans jamais dire « comment », « avec quels moyens humains et techniques », ne sert à rien.

Marteler incessamment qu’il faut arrêter les sauvetages en mer, au motif que ceux-ci créeraient des « appels d’air », qu’il faut bloquer les migrants dans les pays de départ, notamment en Libye où la guerre civile de tous contre tous fait des ravages, le tout sans expliciter « comment » (faudrait-il bombarder les bateaux qui prennent quand même la mer ?) n’est rien d’autre que de la démagogie.

Proposer d’instituer dans les pays de départ, notamment en Libye , des lieux d’accueil des réfugiés et d’examen de leurs demandes d’asile sans s’atteler parallèlement à la stabilisation et à la pacification de ces territoires, sans définir une politique d’asile cohérente et durable (l’actuelle procédure européenne de Dublin ne permet pas une répartition équitable des réfugiés dans tous les pays d’Europe) et sans repenser la politique d’immigration pour offrir aux migrants des voies d’entrée en Europe légales et sûres n’est qu’une autre manière de perpétuer le statu quo de l’inaction, pourtant complice de milliers de morts.

 

De nouvelles politiques d’asile et d’immigration

Elles doivent être adaptées aux conditions socio-économiques et respectueuses de la dignité des personnes migrantes et réfugiées.
Pour l’Union européenne, il est temps d’agir de concert et de mettre en place une politique migratoire considérant l’intégration comme un processus réciproque dans lequel migrants et société d’accueil jouent un rôle actif et contribuent à l’émergence d’une société intégrante et accueillante. Dans ce cadre, la diversité de nos sociétés peut devenir un facteur de plus en plus positif.
Une politique de migration et d’asile juste et équitable respecte la dignité inaliénable de chaque être humain et ses droits fondamentaux. Les questions de sécurité ne doivent pas aller à l’encontre de ces droits. Les bénéfices économiques, sociaux et culturels de la migration pour les sociétés d’accueil doivent être correctement présentés et reconnus.

L’existence d’une migration irrégulière ne doit pas seulement être criminalisée, mais pourra trouver des solutions si les Etats développent une politique de migration de travail capable de prendre en compte la demande de main -d’œuvre qualifiée, mais aussi non qualifiée. En outre les procédures ponctuelles de régularisation des migrants irréguliers peuvent améliorer la situation individuelle du migrant irrégulier et répondre aux demandes du marché du travail. La rétention des migrants irréguliers et des demandeurs d’asile doit être évitée. L’aide humanitaire aux migrants en situation irrégulière fournie par les Églises et les associations doit être protégée contre toute poursuite injustifiée.

Une politique de retour – surtout volontaire – et de réadmission viable ne doit pas enfreindre la dignité de la personne et doit offrir aux migrants des perspectives d’avenir et une vraie possibilité de réintégration. Le retour forcé après 5 ans de résidence légale dans un pays d’accueil doit être évité. Toute politique de retour doit préserver l’unité familiale et en particulier les droits des enfants.

Le droit à vivre en famille et donc au regroupement familial est un droit fondamental. Par conséquent, il doit être protégé et soutenu, et comme tout droit organisé et contrôlé Il ne doit pas être utilisé en tant qu’instrument de gestion de l’immigration. Par ailleurs, la vie de famille est un élément essentiel pour l’intégration des migrants dans la société.
La lutte contre le trafic et les trafiquants des êtres humains doit être soutenue et rendue possible par la mise en place d’une politique spécifique. Les victimes de trafic doivent bénéficier de solutions sûres et de réelles perspectives de vie.

Pour une meilleure connaissance du phénomène migratoire et une coopération efficace entre les autorités et les organisations de la société civile, des ressources adéquates doivent être investies dans la recherche et la collecte de données.
Un droit fondamental européen d’asile et de protection subsidiaire doit être établi avec un système d’asile commun apte à garantir un haut niveau de protection pour les réfugiés, conformément aux règles du droit international.

Les procédures d’asile doivent prévoir le plein accès des personnes à la procédure de détermination avec des services juridiques et d’interprétariat gratuits et des possibilités d’appels suspensifs. Le droit explicite des demandeurs d’asile à rester dans le pays d’asile en attendant la décision finale doit être établi dans la législation européenne. Toute procédure accélérée sans accès à l’information et à l’aide juridique, ainsi que le concept de « pays tiers sûr » minent le droit d’asile.

L’objectif de la politique d’asile et des instruments pour la protection des réfugiés est de trouver des solutions durables pour les réfugiés. Toute demande d’asile doit être traitée, au maximum, dans les douze mois. Les demandeurs doivent avoir accès au marché du travail le plus tôt possible. Les réfugiés et les personnes avec un statut de protection autre devraient être autorisés à circuler librement dans l’UE.

Il est temps « d’agir avec décision et rapidité » ; c’est là la demande du pape François à la communauté internationale et c’est le sens des mots prononcés par Mgr. Georges Pontier, Président de la Conférence des Evêques de France et par le Cardinal Reinhard Marx, Président de la Commission des Episcopats de l’Union Européenne (COMECE), qui, réagissant à la catastrophe en Méditerranée, ont déclaré : « Nos prières vont aux victimes de cette catastrophe ainsi qu’à leurs proches. Mais nous ne prions pas les yeux fermés, mais grands ouverts vers ceux qui en ont besoin ».
Alors agissons !