Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

La Commission nationale Justice et Paix, un organisme de l’Église catholique, demande au gouvernement du Pakistan de prendre des mesures fortes pour protéger les églises et les minorités religieuses et condamner fermement les attaques du 15 mars 2015 contre deux églises à Youhanabad près de Lahore.

Pendant les offices du dimanche, deux explosions ont eu lieu dans cette importante localité chrétienne, comptant un million d’habitants. Il y a eu 15 morts et 70 blessés. La communauté chrétienne du Pakistan a été la cible d’extrémistes au cours des dernières années. Ces deux églises ont été menacées à maintes reprises et leur protection policière était faible ; de plus, les quelques policiers présents étaient occupés à regarder un match de cricket à la télévision (une occupation importante au Pakistan). Le groupe taliban TTP- Jamatul Ahrar revendique la responsabilité des attaques.
Le Directeur national de Justice et Paix, le père Emmanuel Yousaf Mani, déclare que le TTP a assassiné de nombreux chrétiens. « En tant que nation, nous devons rester proches des familles des victimes et mettre fin à l’extrémisme; cet abus de la religion comme prétexte pour tuer la minorité doit être stoppé»

Mgr Joseph Coutts, de Karachi, président de la Conférence des évêques catholiques, exhorte le gouvernement à «prendre des mesures fortes pour la protection des églises et des minorités religieuses au Pakistan. Le gouvernement, les partis politiques, les chefs religieux et tous les citoyens du Pakistan (doivent) tenir ferme contre les forces extrémistes, avec leurs frères et sœurs chrétiens. (…) Toute la nation doit se donner la main et se présenter unie contre le terrorisme. (…) Le gouvernement doit prendre des mesures efficaces pour assurer la liberté de religion et de croyance. »

Les droits de l’Homme sont aussi menacés par les autorités qui appliquent à nouveau la peine de mort.
L’exécution collective de 12 personnes le mardi 17 mars 2015, met en lumière les conséquences de la décision du gouvernement de reprendre les exécutions pour tous les condamnés à mort, a déclaré Amnesty International le jour même.

« Les 12 hommes ont été pendus dans plusieurs prisons du pays. Ils avaient notamment été déclarés coupables de terrorisme ou de meurtre. Depuis qu’un moratoire sur les exécutions a été levé en décembre 2014, suite à l’attentat contre l’école pour enfants de militaires à Peshawar qui fit 135 morts, le Pakistan a mis à mort 39 personnes.
La semaine précédente, le gouvernement pakistanais a confirmé un changement de sa politique relative à la peine de mort, en annonçant que les exécutions allaient reprendre pour tous les crimes punis de la peine de mort, et pas uniquement pour les prisonniers reconnus coupables d’actes de terrorisme. (…) Le droit international interdit clairement le recours à la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits. »

Des milliers de prisonniers se trouvent dans le quartier des condamnés à mort et la plupart ont épuisé leurs voies de recours.
« La peine de mort est toujours une violation des droits humains, mais les doutes qui pèsent sur l’équité des procès au sein du système judiciaire pakistanais rendent son application dans ce pays encore plus choquante. »

 

Un chemin difficile et inéluctable! A la suite d’une rencontre avec le Père Mikel Epalza et Gabriel Mouesca, Justice et Paix leur donne la parole.

4 ans sans attentat!

En 1959, des nationalistes basques du Sud (Espagne) créent une organisation armée, ETA Euskadi eta Askatasuna, Pays basque et Liberté. Ils sont les fils des soldats basques qui, face à la dictature de Franco, ont défendu les droits du peuple et du gouvernement basque de 1936, présidé par J.A. Aguirre. En 2011, écoutant la voix de la société, ETA a dit définitivement non à la violence, oui au dialogue. Il a accompli un signe fort, unilatéral et attend qu’un des gouvernements de tutelle (Espagne, France) reçoive ses armes. Le Parlement européen, l’ONU, les experts internationaux, les prix Nobel de la Paix ont donné entière crédibilité au chemin de paix amorcé au Pays Basque, notamment à la Conférence internationale d’Aiete, du 11 octobre 2011, à Saint- Sebastien. L’organisation armée Iparretarrak, du Pays Basque Nord (France), a cessé d’agir depuis plus de 10 ans.

 

De Bayonne à Gernika, les mobilisations ne manquent pas. En 2014, une chaine humaine de 150 000 personnes s’est formée sur 120 kms en faveur de la paix et du droit de décider. Après la spirale de la violence, action- répression-action, un  nouveau cycle s’ouvre: respect de la vie, acceptation du pluralisme démocratique,  considération envers toutes les victimes. Encore faut-il que ceux qui détiennent le pouvoir saisissent cette opportunité en validant le processus de paix par des gestes sans équivoque. Paradoxalement, Madrid et Paris ne bougent pas.

 

Tenir compte de toutes les souffrances.

De 1960 à 2013, le conflit basque a généré 1061 morts. ETA est à l’origine de 817 morts et entre 2300 et 2600 blessés; les forces de Sécurité de  94 morts et 746 blessés; les Groupes paramilitaires sévissant contre les Basques, surtout en France (GAL, Batallon vasco-espagnol) de 73 morts et 426 blessés. A cela s’ajoutent 77 assassinats dont on ignore l’origine. Entre 5000 et 10000 cas de tortures pratiquées par les forces de l’ordre (Espagne) ont été répertoriés. Le défi est de taille: surmonter les rancœurs pour vivre ensemble!

 

480 prisonniers politiques basques

Dont 97 en France. La plupart sont à plus de 800 kilomètres de chez eux. Ils ont exprimé, ainsi que le collectif des réfugiés politiques basques, leur détermination à avancer sur le chemin de la non-violence active. La Cour Européenne de Justice rappelle la nécessité d’appliquer les droits de l’Homme à tout prisonnier. Dans ce sens, la paix doit aussi traverser les murs des prisons: rapprochement familial, libération des prisonniers gravement malades et de ceux qui ont accompli leur peine, humanisation de la politique carcérale.

 

La Paix n’est pas que fin de la violence.

Il s’agit de construire une nouvelle société où victimes de tous bords et auteurs de violences ont à devenir protagonistes d’un nouveau « vivre ensemble ». C’est là tout l’enjeu de ce processus de paix: panser les plaies des victimes, lire l’histoire sous le prisme des droits de l’Homme et de ceux de chaque peuple à exister, appliquer une justice transitionnelle aux prisonniers. Toute souffrance doit être traitée. Les responsabilités reconnues! Les pas en avant vérifiés!

 

Appel aux politiques et à l’Eglise.

Pour être viable, ce processus de paix doit cesser d’être unilatéral. Il appartient aux gouvernements français et espagnol de changer de logiciel. Selon le logiciel caduc du terrorisme, on ne parle pas avec les terroristes! Avec le logiciel de la paix, les dits « terroristes » sont admis en tant qu’acteurs de paix, comme le furent Nelson Mandela en Afrique du Sud, Gerry Adams en Irlande et, les ennemis d’hier sont appelés à se parler, à entamer des chemins de réconciliation.

Des chrétiens se réunissent régulièrement dans les diocèses basques, dont celui de Bayonne, pour impulser le processus de paix, organiser des temps de prière, des rencontres entre victimes et auteurs d’attentats. L’Eglise « experte en humanité » n’est pas perchée dans les gradins, donneuse de leçons. Elle est, elle aussi, traversée par ce conflit et elle chemine aux côtés des artisans de paix, offrant son concours à ce bel effort collectif. C’est dans ce sens qu’une délégation basque a été reçue par  Justice et Paix – France. La société basque attend des gestes d’encouragement de la part des Eglises et aussi une intervention du Vatican auprès des gouvernements pour qu’ils se saisissent de cette opportunité historique unique. 

Des témoignages

Amaia Aseguinolaza, femme de prisonnier basque, catéchiste à Bayonne

« Ma première conviction profonde est cette appartenance à la terre dans laquelle je suis née, à la langue qui nous unit au-delà des partis. C’est la famille qui est première. J’ai connu les conséquences du franquisme dont les injustices m’ont révoltée et m’ont fait agir sans attendre de recevoir des ordres pour me mobiliser. Les épreuves de la vie m’ont appris l’écoute, la compassion, la sensibilité au service de l’AMOUR et du DON. J’ai été déportée, emprisonnée. Je suis femme de prisonnier et mère d’enfants de prisonnier. Je suis habitée d’une foi indestructible, un feu sacré entretenu par la prière, la joie de cette habitation divine en moi. Cette foi m’a aidée à élever mes enfants en leur communiquant le respect de la dignité de leur père et le respect de leur propre liberté.

Dans mon chemin de vie j’ai compris que les hommes et les femmes doivent dialoguer, se reconnaître  et faire la paix. Je me suis engagée de tout mon être à incarner la liberté en renonçant au racisme, à l’orgueil, au pouvoir, à la jalousie, aux vengeances. Engagée pour ce collectif de l’humanité en tant que femme née dans le peuple basque, je crois à cette voie d’ENTENTE que le processus de paix veut édifier. »

 

Gabriel Mouesca, ex- militant d’Iparretarrak

Dans ma jeunesse, j’ai été militant de l’organisation politico-militaire Iparretarrak. J’ai fait usage de la violence. Cela m’a valu de vivre 17 années de ma vie en prison. Aujourd’hui, le vent de l’histoire souffle en faveur d’une résolution du conflit au Pays basque. Nous sommes tous appelés à être des acteurs du processus de paix, quels que soient notre passé, nos étiquettes politiques. Père d’une enfant depuis un an, chaque fois que mes yeux se posent sur elle, je ne peux m’empêcher de lui souhaiter de vivre dans un monde sans violence. Car j’ai connu la violence provoquée et subie. J’ai vécu dans ma chair l’indicible expérience de la fraternité mise à mal. Aujourd’hui, je suis habité par la volonté de construire un avenir tournant le dos aux rapports violents. Je le dois-nous le devons- aux générations à venir. C’est pourquoi je milite pour que les droits de l’Homme soient respectés, incluant la totalité des droits des prisonniers basques et pour que les personnes qui ont un lien avec le Pays basque soutiennent cette logique de paix.

 

Jean Pierre Marin, victime d’attentat

Je suis basque, né dans une famille de pêcheur, originaire de Fontarabie venue s’installer à Socoa. Quelqu’un d’Iparretarrak a décidé, sans avertissement et sans procès que je devais être puni. Puni de quoi?  D’organiser des compétitions de golf et de faire connaitre le Pays Basque à des personnes de l’extérieur? En  avril 1992, à 3 heures du matin, une bombe explose à mon domicile où il y avait 4 enfants de moins de 10 ans, ma compagne et moi. Un miracle fait qu’il n’y ai aucun mort. De gros dégâts et 4 enfants hurlant de peur et traumatisés. Grâce aux parents de ces enfants, en particulier à leur instituteur et son épouse, ils évacueront plus ou moins bien les souvenirs de cette nuit-là.

Vingt  ans après, l’histoire ressurgit à travers une réunion organisée par des personnes de bonne volonté. Je fais connaissance d’un garçon ayant posé des bombes et d’un autre ayant fait plusieurs années de prison. Nous parlons longuement ensemble; nous ne sommes pas d’accord sur tout. Que dire au bout de 20 ans? On n’oublie jamais, on ne fait juste que cacher ces choses-là  au fond de sa mémoire, dans des tiroirs qu’on évite soigneusement d’ouvrir. Le tiroir a été rouvert le jour de cette réunion. Pour les personnes qui ont subi un attentat, je ne vois que 3 solutions. La vengeance, mais c’est sans fin et éternellement recommencé. L’indifférence. La recherche d’une solution passant par la discussion et peut-être le pardon qui a le mérite pour les futures générations d’effacer le problème. J’adhère à cette  solution si elle est sincère de part et d’autre, en n’oubliant jamais que pour dialoguer il faut être deux.

 

Mikel Epalza, prêtre du diocèse de Bayonne.

Je vis le processus de paix comme un grand défi pour la société et les personnes, un appel à désarmer les cœurs et les mains, une chance pour vivre l’Evangile! Mes  quatre grands- parents étaient des réfugiés politiques basques et ont été inhumés près de Bayonne sans revoir leur pays. Mon père fut condamné à mort par Franco puis libéré. En 42 ans de prêtrise, j’ai accompagné des générations de militants basques des deux côtés de la frontière. Après tant d’années de souffrance, avec les laïcs et prêtres des diocèses basques, nous sommes heureux de faire lever ce jour où la paix s’écrit avec les mots dignité, justice, humanité, réconciliation. Continuons à écrire cette page tant attendue d’une Eglise fidèle à Jésus Christ, frère de tous!

 

Kofi Anann, Gerry Adams, Pierre Joxe.

Déclaration d’Aiete, 11 octobre 2011

« Notre expérience nous a appris qu’au moment où surgit une véritable opportunité pour la paix, il faut la saisir. L’aspiration grandissante des citoyens de ce pays et de leurs représentants politiques à résoudre le conflit basque par le dialogue et sans aucune violence a créé cette opportunité. Nous croyons qu’il est aujourd’hui possible de mettre un terme à plus de 50 années de violence et d’atteindre une paix juste et durable. »