Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Un colloque « Le climat : quels enjeux pour les religions ? » s’est tenu le  21 mai 2015 au Sénat à l’initiative de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF)[1] et de la Commission du développement durable du Sénat.

En vue de la COP21, les différents responsables de culte se sont rencontrés pour découvrir comment leurs diverses traditions religieuses pensaient les enjeux liés aux changements climatiques et comment mobiliser leurs fidèles et proposer une « collaboration fraternelle ».

Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète a introduit la table ronde du matin : « La planète peut se passer d’humanité, l’humanité ne peut se passer de la planète. Si la dimension éthique ne dépasse pas la simple expertise, l’effort ne sera pas suffisant. » Il a  souligné le rôle des religions : « Vous avez des voix qui portent au dessus des bruits de fond de nos sociétés. Sans effrayer ni culpabiliser mais en responsabilisant vos fidèles, vous pouvez poser la pierre angulaire de l’engagement sur la justice sociale et le respect de la dignité. » Il a lancé un appel à la solidarité : « L’ultime injustice est que le réchauffement climatique touche les personnes déjà en situation de vulnérabilité. Elles n’ont pas eu les bénéfices des effets du développement mais en ont ses conséquences négatives. C’est le lit de toutes les radicalisations. Saisir le défi climatique c’est pacifier le monde. »

Bouddhistes, protestants, orthodoxes, catholiques, musulmans et juifs ont alors croisé leurs regards. Voici quelques extraits de leurs interventions : « Le Bouddha souligne l’interdépendance et l’impermanence des éléments. Il porte un message d’espoir et d’optimisme pour tendre vers l’apaisement, le respect et l’harmonie », Olivier Reigen Wang-Genh, pour l’Union bouddhiste. « Notre attitude à l’égard de la nature est dans l’erreur. Or la nature est le médiateur de nos relations entre hommes », Georges Prévélakis, pour l’Eglise orthodoxe.

« La création est le premier acte d’amour de Dieu, nous y répondons en la détruisant. L’heure est au changement vers davantage de modération et de sobriété », Martin Kopp, Chargé du plaidoyer pour la justice climatique à la Fédération luthérienne mondiale. « Retrouvons une relation au monde faite d’émerveillement. Nous sommes invités pour cela au courage et à la lucidité. », Christine Lang pour l’Eglise catholique et Pax Christi France. « La vie est un don de Dieu, sa préservation est un devoir sacré », Tarik Bengara, théologien musulman. Et le rabbin Michaël Azoulay : « Il faut être digne de la terre qui nous a été confiée en ne gaspillant ni ne gâchant. »

Tous ont reconnu la brillante intelligence de l’homme parfois capable d’inconséquence et de comportement nuisant.

La table ronde de l’après midi a rassemblé des acteurs de la société civile et du monde religieux.

Sur l’aspect vertueux de la collaboration, Elena Lasida de Justice et Paix a affirmé : « Le climat convoque à une alliance nouvelle entre Églises et sociétés civiles vers un meilleur possible », rejointe par Juliette Rousseau de la Coalition Climat, collectif d’ONG. Guy Aurenche, président du CCFD a insisté sur l’importance de rendre acteurs du nouveau développement et des alternatives aux dérèglements climatiques les partenaires du Sud.  « Il y a un lien direct entre dignité, droit à l’alimentation et dérèglement climatiqueSoyons donc solidaire d’un avenir commun.»

Annouar Kbibech, prochain président du Conseil français du culte musulman a souri en faisant allusion à la couleur verte de l’islam tout en reconnaissant : «On est en retard ; on a la circonstance atténuante d’être les derniers. Mais on a le projet de mosquées vertes fournies à l’énergie renouvelable et avec un système de réduction de la consommation d’eau pour les ablutions. » Il a placé l’adoration de la nature et son respect au même degré d’importance que le jeûne et la prière.

Le Grand Rabbin de France Haïm Gorsia a souligné la responsabilité de l’homme par rapport à la nature à la lumière d’un verset de la Bible : « Si tu es en train de planter un arbre et qu’on t’annonce la venue du Messie, le Messie attendra », rejoint par Tarik Bengazai au nom de l’Islam : « Si vous avez une datte dans la main à l’heure où sonne la fin du monde et que vous pouvez la planter, plantez là, vous en serez récompensé comme pour tout acte de charité.» Une légende assure même que Luther aurait dit : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je veux quand même planter aujourd’hui mon pommier. » Chrétiens, musulmans et juifs se rejoignent ainsi sur la vertu de semer des graines d’avenir. Tous ont alors avancé l’idée de s’interroger avant de poser un acte sur sa « climat compatibilité », autrement dit sur le respect du patrimoine commun qu’est la création.

La présentation du monastère orthodoxe de Solan dans le Sud de la France a enfin permis de donner un exemple concret de sauvegarde de la création au quotidien et Radia Bakkouch, de l’Association Coexister a mis en lumière des initiatives interreligieuses en faveur du climat. La CRCF a annoncé qu’elle rencontrera le président de la République le 1er juillet 2015 pour lui faire part de la mobilisation des religions pour le climat.

 

[1] Depuis 2010 les responsables de culte s’y concertent régulièrement pour favoriser le discernement interreligieux : bouddhisme, catholicisme, islam, judaïsme, orthodoxie, protestantisme.

2015 est une année exceptionnelle pour le développement et la solidarité entre les peuples. Mi-juillet 2015, la conférence d’Addis-Abeba va discuter des enjeux du financement du développement et de la lutte contre les changements climatiques.

L’Assemblée Générale des Nations Unies adoptera en septembre 2015 des Objectifs de Développement Durable (ODD), pour succéder aux OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) qui arrivent à échéance fin 2015. Début décembre 2015, se tiendra à Paris la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) qui sera décisive pour l’avenir.

Les Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par les Nations Unies en septembre formeront le cadre général de l’engagement de la communauté internationale pour les années 2015-2030. Il s’agit donc d’un événement essentiel, d’où la présence annoncée du Pape François. Les ODD chercheront à finir le travail des OMD – en particulier éradiquer l’extrême pauvreté – et à corriger certaines faiblesses des objectifs précédents, en prenant en compte la nécessaire réduction des inégalités et en intégrant mieux les questions environnementales.

Une préparation soignée

Pour préparer ce vaste chantier, les Nations Unies ont lancé plusieurs processus très participatifs, qui ont convergé afin d’aboutir aux futurs ODD. Pour faire le bilan des OMD et penser la nouvelle phase, l’ONU a mis en place un panel de haut niveau qui a rendu son rapport en mai 2013. Ces réflexions ont été préparées et complétées par une cinquantaine de consultations nationales, neuf consultations thématiques et des contributions en ligne.

Pour la construction des nouveaux Objectifs du Développement Durable, l’ONU a mis en place, à l’issue du Sommet de la Terre de Rio en 2012, un Groupe de Travail Ouvert. Il a rendu son rapport en juillet 2014, et ses propositions d’ODD ont été discutées lors de l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2014.

Un Comité intergouvernemental d’experts a élaboré des propositions sur le financement des ODD, qui seront discutées lors de la conférence d’Addis-Abeba. La somme des rapports et contributions préparatoires à l’AG des Nations Unies de septembre 2015 est donc considérable, d’autant qu’il faut y ajouter les nombreuses contributions de la société civile, très impliquée.
Les Objectifs de Développement Durable

1. Eliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde
2. Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable
3. Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges
4. Veiller à ce que tous puissent suivre une éducation de qualité dans des conditions d’équité et promouvoir les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie
5. Réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles
6. Garantir l’accès de tous à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement et assurer une gestion durable des services en eau
7. Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable
8. Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous
9. Mettre en place une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation soutenable qui profite à tous et encourager l’innovation
10. Réduire les inégalités entre les pays et en leur sein
11. Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et soutenables
12. Instaurer des modes de consommation et de production soutenables
13. Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
14 Conserver et exploiter de manière soutenable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable
15. Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité
16. Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes
17. Revitaliser le partenariat mondial au service du développement soutenable et renforcer les moyens de ce partenariat

Des nouveautés significatives

Avec les ODD, le développement durable devient le nouveau paradigme des Nations Unies. Les Objectifs de Développement Durable seront considérés comme « universels », c’est-à-dire qu’ils s’adresseront à tous les pays, du Nord comme du Sud. Ils seront aussi contextualisés pour chaque pays, avec un plan national d’action. Par exemple, l’ODD 1 fixe l’objectif d’éradiquer à l’horizon 2030 l’extrême pauvreté (moins de 1,25$/personne/jour). Voilà un bel objectif, ambitieux mais réalisable. En tant qu’objectif universel, il s’applique à tous les pays. Pour les pays européens, l’éradication de la pauvreté extrême devrait signifier de faire diminuer la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté relative défini pour ces pays (60 % du revenu médian) et plus encore de diminuer l’intensité de la pauvreté (pour que personne ne vive avec moins de 40 % du revenu médian, considéré comme le seuil de grande pauvreté).
Parmi les 17 ODD proposés, les 6 premiers se situent dans la continuité des OMD (c’est la perspective d’aller au bout de ce qui était visé avec les OMD).

Un ODD est consacré aux inégalités, marquant la prise en compte – enfin – de l’accroissement dramatique des inégalités à l’intérieur de nombreux pays du monde entre 2000 et 2015.
5 ODD sont consacrés aux questions économiques et d’emploi. Il s’agit là d’une nouveauté, fortement promue par le rapport du Panel de haut niveau publié en mai 2013. 3 ODD concernent les enjeux environnementaux (le principal échec des OMD), avec l’apparition d’un ODD consacré à la lutte contre les changements climatiques – mais jugé peu ambitieux par beaucoup. Enfin, le 16ème ODD traite de l’État de droit, de la justice, de la paix et de la redevabilité des institutions tandis que le 17ème ODD livre des recommandations en matière de mise en œuvre et de financement (un objectif au contenu assez décevant).

La dignité pour tous d’ici 2030 ?

Le Secrétaire Général des Nations Unies a présenté sa synthèse de tous les travaux préparatoires en décembre 2014. Cet important rapport, qui guide les négociations internationales d’ici l’Assemblée des Nations Unies en septembre 2015 met l’accent sur les concepts fédérateurs de dignité pour tous et de transformation, comme l’indique son titre : « La dignité pour tous d’ici à 2030 : éliminer la pauvreté, transformer nos vies et protéger la planète ». Le Secrétaire Général des Nations Unies y exprime sa volonté d’aboutir à un programme ambitieux et universel (s’appliquant à tous les pays), axé sur les êtres humains et ne laissant personne de côté.

Ce dernier point est fondamental et implique de vérifier que même les plus pauvres bénéficieront des différents Objectifs de Développement Durable. Voilà un critère pertinent, que les chrétiens apprécient : juger une politique publique par son impact sur les plus pauvres. Six points clés sont proposés par le rapport :

« dignité : en finir avec la pauvreté et lutter contre les inégalités
êtres humains : garantir à tous l’accès à la santé et au savoir et donner toute leur place aux femmes et aux enfants
prospérité : développer une économie forte qui profite à tous et favorise le changement
planète : protéger les écosystèmes dans l’intérêt de toutes les sociétés et des générations futures
justice : favoriser l’édification de sociétés sûres et pacifiques et la mise en place d’institutions solides
partenariat : faire jouer la solidarité mondiale au service du développement durable ».

Ces six éléments ne remplacent pas les 17 ODD présentés par le Groupe de Travail Ouvert et pourraient n’être utilisés qu’en préambule de la future présentation des ODD.
L’année 2015 est consacrée aux ultimes négociations interétatiques, en particulier sur l’épineuse question du financement (qui est traitée lors de la conférence internationale de mi-juillet 2015 à Addis-Abeba), et aux derniers arbitrages. Le risque de ces négociations est de perdre progressivement la vision globale et intégrée que l’on trouve présente dans le document du Groupe de Travail Ouvert et d’affadir le document final.

Les discussions portent également sur l’établissement d’une liste d’indicateurs, qui permettront de vérifier l’atteinte des objectifs et des cibles. Il est enfin essentiel de vérifier la cohérence entre l’AG des Nations Unies en septembre 2015 à New York qui adoptera les ODD pour la période 2015 – 2030, et la 21ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (ou COP 21) qui aura lieu en décembre 2015 à Paris – Le Bourget et qui s’annonce décisive pour l’avenir du régime climatique international. Ces deux grands événements internationaux sont issus de processus disjoints mais leurs enjeux sont évidemment interconnectés. Pour autant, les négociations pour ces deux conférences fonctionnent de façon trop séparée.

Pour de nombreux observateurs, le principal défi sera d’éviter le syndrome de « l’usine à gaz »: dans quelle mesure les 17 ODD (chaque objectif ayant entre 5 et 19 cibles, soit 169 cibles au total !) pourront –ils être lisibles et appropriés au-delà des cercles onusiens pour permettre une véritable mobilisation politique ?

Cependant, cet exercice commun de construction d’un cadre universel pour le développement durable pousse l’ensemble des États à réfléchir à un horizon (15 ans) qui va au-delà des cycles électoraux. Il offre aussi à la société civile une formidable opportunité de contribuer à ces débats – ce qu’elle fait au travers de plusieurs coalitions d’envergure – et une possibilité d’effectuer ensuite un suivi vigilant des engagements pris dans le cadre des ODD, ce qui s’avérera sûrement nécessaire. C’est là une fonction essentielle de la société civile.

Pour les chrétiens, ces événements sont porteurs de sens. On ne peut qu’être frappés par la proximité des espoirs qui s’expriment dans les discussions et même dans les rapports officiels et l’espérance chrétienne. La plus grande prise de conscience de la fragilité de notre monde, mais aussi les possibilités offertes par les technologies, les moyens financiers disponibles et les connaissances accumulées depuis plusieurs décennies de développement, poussent la communauté internationale, dans ce qu’elle a de meilleur, à vouloir s’engager pour un développement durable, centré sur l’être humain, et ne laissant personne de côté. Toutes choses qui consonnent avec la Bonne Nouvelle qui nous anime.

Beaucoup, dans les milieux écologistes – mais pas seulement –  répètent volontiers que, sur les questions d’environnement, la prise de conscience des catholiques a été tardive.

C’est sans doute vrai pour la masse des fidèles, mais c’est faux en ce qui concerne le magistère.

C’est en effet en 1970, soit deux ans avant 1972 – date à laquelle la question émerge dans le débat public, avec le rapport du Club de Rome sur les limites de la  croissance -, que Paul VI déclare devant la FAO : « La détérioration progressive de ce qu’il est convenu d’appeler l’environnement risque, sous l’effet des retombées de la civilisation industrielle, de conduire à une véritable catastrophe écologique. Déjà nous voyons se vicier l’air que nous respirons, se dégrader l’eau que nous buvons, se polluer les rivières, les lacs, voire les océans, jusqu’à faire craindre une véritable ‘mort biologique’ dans un avenir rapproché, si des mesures énergiques ne sont sans retard courageusement adoptées et sévèrement mises en œuvre» (La documentation catholique, n° 1575, pp 1051-1056).

Il récidive l’année suivante : « Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente – pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu – mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière. C’est vers ces perceptions neuves que le chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun (Octogesima adveniens, n. 21).

On voit que la « doctrine sociale de l’Eglise » est parfois en avance sur ce que pensent les catholiques, et parfois les bouscule même un peu. Ce fut le cas avec Rerum Novarum (1891), qui suscita bien des réticences chez les patrons catholiques ; c’est le cas aujourd’hui sur des questions comme la peine de mort aux Etats-Unis ou l’accueil de l’étranger dans notre pays.

Autre encyclique à rappeler : Populorum progressio (1967). Certes, ce texte n’aborde pas la question écologique, mais il familiarise les catholiques avec l’idée – devenue aujourd’hui essentielle pour l’avenir de notre planète – que le vrai développement ne s’identifie pas à la croissance du PIB par habitant. Il comprend aussi (au § 17) une phrase qui annonce un thème qui devient aujourd’hui central dans l’argumentaire éthique, le devoir de laisser à nos descendants une planète vivable : « Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine ».

Repris par Jean-Paul II (voir le n° 367 du Compendium), ce thème est développé par Benoît XVI, qui introduit le concept de « solidarité intergénérationnelle », puis souligne que l’adjectif « universel », dans l’énoncé du principe traditionnel de la « destination universelle des biens » ne couvre pas seulement l’espace, mais le temps : « L’environnement naturel a été donné à tous par Dieu et son usage représente pour nous une responsabilité à l’égard des pauvres, des générations à venir et de l’humanité tout entière » (Caritas in veritate 48).