Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Pierre Toulat, né à Chauvigny (Vienne) en 1922, s’est intéressé dès son temps de séminaire aux questions sociales, notamment au monde rural, mais aussi au renouveau missionnaire.

Ordonné prêtre en 1944 pour le diocèse de Poitiers, il va se trouver rapidement impliqué dans l’Action catholique rurale, tout particulièrement avec la JACF dont il sera aumônier national durant 6 ans. Il est appelé ensuite à travailler pour la formation continue des prêtres.

En 1966, au lendemain du concile, il devient secrétaire général adjoint de l’épiscopat, avec la charge de l’apostolat des laïcs. C’est dans ce cadre qu’il va prendre une part décisive dans la fondation de la Commission Justice et Paix (1967) et de la Commission sociale (1969). Il fut secrétaire de l’une et de l’autre. Il a pris également une part très active dans la fondation de l’Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT). Retenons aussi qu’il a été sensible aux engagements de son frère Jean, également prêtre, contre la peine de mort et les armements nucléaires.

Dans cette relecture de sa vie, Pierre Toulat accorde une grande place à Justice et Paix, aux personnes qui ont travaillé avec lui, aux thèmes traités, aux documents produits. Il redit sa volonté de promouvoir les droits de l’homme, en paroles et en actes, au nom même de l’Évangile.

Au terme de son mandat à Justice et Paix, en 1989, résidant alors à Fontenay- sous- Bois, il a renforcé ses liens avec la Mission de France et mis à  profit son esprit créatif en devenant la cheville ouvrière d’un lieu d’accueil pour les SDF et d’un comité de soutien pour les Roms. Il a également travaillé au dialogue interreligieux.

Depuis de nombreuses années, Pierre Toulat est atteint d’un grave handicap visuel. Ce qui l’a conduit à se retirer en 2009 à la maison de retraite des prêtres de Poitiers. Mais, grâce à ses multiples relations et à son grand courage, il se tient au courant de l’actualité, et tout particulièrement des activités de Justice et Paix.

Nous reconnaissons en Pierre une grande figure qui a marqué l’Église de France dans  la deuxième moitié du XXème siècle. Il demeure un artisan passionné de la mise en œuvre du concile, en appelant et en soutenant de nombreuses personnes qui inscrivent la fidélité chrétienne au cœur de la vie sociale.

Lutter contre la traite des êtres humains est un défi à relever aux niveaux local et mondial 

La traite sous toutes ses formes : un phénomène d’ampleur

La traite des êtres humains est le fait de recruter, héberger ou déplacer une personne d’un endroit à un autre, dans le  même pays, ou dans un autre dans le but de l’exploiter pour en retirer un bénéfice. Cette personne est le plus souvent trompée, enlevée, vendue, victime de violences physiques, morales et psychologiques qui entrainent exclusion sociale et discrimination. La traite prend des formes diverses : exploitation sexuelle, exploitation à des fins économiques, servitude domestique, exploitation de la mendicité, incitation à commettre des délits, trafic d’organes, mariages forcés etc. Largement ignorée du grand public, la qualification de victime de traite reste peu utilisée par les professionnels concernés. Pourtant, l’identification des victimes et la reconnaissance de leurs droits sont une obligation au regard des engagements internationaux.

Les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sont les premières victimes de la traite. Les statistiques fiables dans ce domaine font défaut mais on estime que chaque année, environ 2,5 millions de victimes, principalement des femmes et des enfants, sont recrutées et exploitées à travers le monde. Selon les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, la traite des êtres humains serait la troisième forme de trafic la plus répandue dans le monde après le trafic de drogue et le trafic d’armes. Elle  génèrerait 32 milliards de dollars par an de chiffre d’affaires, dont 3 milliard d’euros pour l’Europe. 25 % des victimes de la traite dans le monde seraient des enfants.

La société civile en France

Les associations ont un rôle important à jouer en instituant  des lieux d’accueil. Les victimes y reçoivent un accompagnement spécifique. Les associations agissent aussi sur la prévention des publics à risque. Connaissant les réalités de terrain, elles sensibilisent le grand public : outils écrits et audiovisuels, rencontres, expositions. Elles participent à la formation des services sociaux, de la police, de la justice pour faire tomber les préjugés et pousser les administrations à s’engager. Elles mènent des plaidoyers pour faire évoluer et appliquer les textes internationaux et les lois nationales. Elles impliquent les médias. Elles s’investissent au niveau international. Ainsi, au cours des dix dernières années, le Secours Catholique a consacré 2 millions d’euros à des projets de lutte contre la traite dans une douzaine de pays.

Des engagements européens et internationaux

La mobilisation de la communauté internationale contre la traite est récente et aujourd’hui encore, la diversité des législations et des approches complique l’identification et la prise en charge des victimes. En 2000, la Convention de Palerme, protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, a défini juridiquement la traite comme une action (recrutement, hébergement…), un moyen (contrainte, violences, abus de vulnérabilité…) et un but (l’exploitation de la personne). En 2008, la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains est entrée en vigueur. En 2012, l’Union Européenne a adopté une directive visant l’éradication de la traite à travers la prévention, la protection, le soutien aux victimes, la poursuite des trafiquants.

« Ensemble contre la traite des êtres humains »

Créé en 2007, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » coordonné par le Secours catholique comprend 24 associations membres[1] agissant dans différents domaines : accompagnement des victimes (social, juridique, administratif, éducatif, santé physique et psychologique), sensibilisation du grand public, prévention, plaidoyer.

Le 10 mai 2014, le premier Plan d’action 2014 – 2016, est annoncé par le Président de la République, lors de la Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage. Le Plan comporte plusieurs volets : identifier, accompagner et mieux protéger les victimes; assurer une protection inconditionnelle des mineurs; démanteler les réseaux ; mobiliser de façon concertée tous les moyens d’enquête contre les réseaux ; renforcer la coopération européenne et internationale ; faire de la lutte contre la traite une politique publique.

La politique française en matière de traite des êtres humains vise principalement la traite à des fins d’exploitation sexuelle commise dans le cadre du crime organisé et des réseaux. De façon complémentaire, certaines mesures sont étendues aux victimes de traite à des fins d’exploitation par le travail. Alors que les textes internationaux contraignants garantissent une protection similaire à l’ensemble des victimes de traite, quels que soient le secteur, le lieu géographique ou les auteurs, les instruments d’application du Plan doivent être mis en œuvre de manière à garantir un traitement égalitaire à l’ensemble des victimes.

Le Collectif exhorte le gouvernement à prendre toutes les mesures en vue d’une mise en œuvre rapide et effective du plan, en vue de lui attribuer les moyens adéquats, de protéger plutôt que poursuivre les victimes et d’homogénéiser les pratiques des préfectures en matière de titre de séjour et d’autorisation de travail. Il faut mettre en œuvre une coopération internationale judiciaire et policière, sensibiliser le grand public, notamment les jeunes scolarisés. Chaque ministère concerné doit prendre en compte la question de la traite. Une vraie garantie de la mise en œuvre effective de l’accès aux droits des victimes est nécessaire : accès aux soins, accès à l’hébergement, droit au délai de réflexion, délivrance du titre de séjour etc.

Une politique à part entière

Institution créée en 2013, la Mission interministérielle contre les violences faites aux femmes et la traite des êtres humains est chargée d’assurer le pilotage global des actions en coordination avec les acteurs publics et associatifs chargés de la mise en œuvre du plan. L’évaluation de la politique publique sera assurée par un rapporteur national indépendant, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, chargée de produire un rapport annuel.

Le financement du Plan devrait être assuré par plusieurs programmes budgétaires de l’Etat et la création d’un fonds. Tout n’est pas limpide à ce jour. La bonne volonté affichée des ministres (Droit des Femmes et Intérieur) et des Cabinets (Education, Affaires sociales, Intérieur, Premier ministre) rencontrés autour de ce Plan ne suffit pas. Cela nécessite des moyens financiers, certes, mais des dispositions de droit commun peuvent déjà être appliquées (en matière de droit des étrangers, d’aide sociale à l’enfance, d’hébergement).

Les pouvoirs publics doivent aussi se mobiliser pour sensibiliser l’ensemble des citoyens, changer les mentalités afin de faire découvrir à côté de nous  des victimes aujourd’hui mal identifiées. Le collectif souhaite que la traite soit prochainement une Grande cause nationale[2].

Un combat européen et international

L’engagement est forcément international : on ne peut atteindre les causes sans une mise en réseau interétatique. La concertation entre les Etats, ceux d’où viennent les victimes, ceux par lesquels elles transitent et ceux où elles s’arrêtent est efficace. Les liens doivent aussi s’établir entre les associations, entre gouvernements et associations. Dans les Balkans, avec le réseau Caritas, ce travail a permis d’établir des liens entre les coordinations nationales. L’action des personnes agissant spécifiquement contre la lutte contre la traite des êtres humains a été renforcée.

Coatnet[3], « Christian Organisations Against Trafficking NETwork » a été créé au niveau européen par Caritas Europa au début des années 2000 et est maintenant de dimension mondiale, présent sur tous les continents. Il favorise la coopération entre pays en vue d’améliorer les méthodes de lutte contre la traite des êtres humains grâce à l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre ses membres dans les domaines de la prévention, de l’accompagnement des victimes, du plaidoyer et de la création de réseaux de solidarité.

Le Secours Catholique est, depuis son origine, membre de la plateforme européenne contre la traite des êtres humains créée en 2013 par la Commission européenne[4]. Prévue par la stratégie européenne en vue de l’éradication de la traite pour la période 2012 – 2016, la Plate-forme européenne rassemble une centaine d’associations. Le Secours Catholique y représente le réseau mondial Coatnet coordonné maintenant par Caritas Internationalis.

Le Secours Catholique a aussi été entendu par le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite du Conseil de l’Europe. Le rapport[5] dresse un état des lieux de la traite en France, des efforts qui ont été entrepris et surtout des efforts  qu’ il faudra encore consentir.

Le Secours Catholique poursuit sa coopération concrète avec ses partenaires à travers des appuis financiers et des échanges de bonnes pratiques en favorisant des rencontres internationales entre associations et pouvoirs publics : traite dans le cadre de conflits armés, traite des femmes et pauvreté au Brésil ou en Ukraine , traite des mineurs entre Kosovo et Albanie etc.

 

Une implication à tous les niveaux de l’Eglise est nécessaire : sensibilisation dans les paroisses, accompagnement des victimes en dépassant les préjugés. Un bel exemple est la rencontre organisée au Vatican en novembre 2014, « La jeunesse contre la prostitution et la traite des êtres humains, la plus grande violence à l’encontre de l’humanité », avec des jeunes d’une quarantaine de pays. Le pape François soutient cette cause. Des communautés religieuses sont engagées auprès des victimes depuis longtemps[6].Le seul lieu d’accueil spécifique à Paris recevant des femmes victimes de traite a été créé par une congrégation religieuse.

 

[1] Action Catholique des Femmes, Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, Amicale du Nid, Armée du Salut, Association Contre la Prostitution des Enfants, Association du Foyer Jorbalan, Association Jeunes Errants, Association pour la Réadaptation Sociale, Comité Contre l’Esclavage Moderne, Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine, Congrégation des Sœurs du Bon Pasteur, Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant, ECPAT France, Fédération de l’Entraide Protestante, Fondation Scelles, Hors la rue, Justice et Paix France, Les Champs de Booz,  Mouvement du Nid, Organisation Internationale Contre l’Esclavage Moderne, Orphelins Sans Frontières, Planète Enfants, SOS Esclaves, Secours Catholique – Caritas France.

www.contrelatraite.org. @Contrelatraite. Facebook.

[2] En 2015, la question climatique.

[3] www.coatnet.org

[4] http://ec.europa.eu/anti-trafficking

[5] http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/Docs/Publications/Evaluations_fr.asp

[6] réseau Renate