Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Les média arabes consacrent de nombreux articles à DAESH[1].

Ils adoptent dans les grandes lignes une position commune Sur le plan religieux, ils condamnent les pratiques contraires à l’Islam et l’idéologie takfiriste (fondamentalisme religieux visant à excommunier toute personne, même musulmane qui ne partagerait pas les mêmes convictions sur l’Islam).

Sur le plan géopolitique, cette presse dénonce la modification opérée par DAESH des frontières établies par les Accords Sykes – Picot de 1916 et dont le seul bénéficiaire serait l’Etat d’Israël. Enfin, DAESH est accusé de nourrir l’islamophobie grandissante en Occident. L’urgence de l’éradiquer par une lutte armée, spirituelle et intellectuelle rallie les médias arabes.

Les inquiétudes face à DAESH les fédèrent. Mais ils restent tributaires de leurs origines et des affrontements idéologiques entre deux alliances régionales : l’axe saoudien et libanais (les courants sunnite de Hariri et de la droite chrétienne, Forces libanaises et Kataeb) rejoint par le Qatar et les Emirats Arabes Unis et l’axe syro-iranien et le Hezbollah libanais chiite ainsi que certains partis de gauche.

La couverture médiatique de DAESH diffère selon les Etats arabes. Le considérant au départ comme un enjeu irakien et syrien, la presse jordanienne n’a réagi massivement que lors des évènements de Mossoul de l’été 2014 et la presse saoudienne qui n’entrevoyait dans un premier temps qu’une révolte sunnite contre le régime irakien d’Al Maliki s’est ravisée. Cette première lecture des évènements lui valut  une critique cinglante de la presse de gauche libanaise.

Cette bipolarité entraine une guerre médiatique sur deux points essentiels : la légitimité des moyens de lutte contre DAESH et son origine.

Selon les quotidiens saoudiens Asharq el Awsat et libanais El Mustaqbal, DAESH trouve son origine dans l’échec politique des régimes syrien et irakien, le premier ayant fait la guerre à son propre peuple, le second ayant promu la division entre Sunnites et Chiites. L’instabilité chronique sévissant et les revendications légitimes insatisfaites ont créé un environnement propice à l’incubation de l’idéologie haineuse de DAESH. Asharq el Awsat affirme que le régime d’Al Assad brandit le danger de DAESH pour se positionner en victime du terrorisme islamiste.

À l’opposé, les journaux syriens Tishrine et Al Watan (pro-régime) et les libanais Assafir (gauche) et Al Akhbar (Hezbollah) affirment que DAESH est une création américaine née dans les pays du Golfe, financée par l’Arabie Saoudite et soutenue par la Turquie. Son but est de dissiper l’attention du conflit israélo-palestinien, d’accélérer le projet fédéraliste au Moyen Orient, d’affaiblir les armées irakienne et syrienne, de menacer l’Iran et le Hezbollah.

De nombreuses théories du complot gravitent sur l’origine de DAESH : le quotidien égyptien Al Ahram titre en août 2014 qu’Hillary Clinton affirme dans son livre Hard Choices que DAESH est un produit de l’administration américaine ; en fait elle n’ a jamais écrit cela Cette théorie est relayée par les presses tunisienne, palestinienne, jordanienne, libanaise.

Autre point de désaccord entre médias arabes: le bien-fondé de la coalition internationale menée par les Etats Unis. Bien que lui étant largement favorable, Asharq el Awsat et Al Hayat, saoudiens, déplorent le retard à se mobiliser contre DAESH et préconisent d’éviter toute coopération militaire avec le régime d’Al Assad. Imputant aux politiques iranienne, irakienne et syrienne l’origine de DAESH et la guerre fratricide entre Sunnites et Chiites, les affrontements dans la région ne cesseraient qu’avec le renversement de ces régimes.

À l’inverse, hostiles au départ à toute intervention étrangère – elle ne serait  qu’un leurre pour dominer la région – les journaux syriens Tishrine et El Watan soutiennent que seuls « l’armée, le peuple et le Guide Syriens » mènent une résistance face à DAESH et au « projet israélo-américain », avant d’infléchir leur position et d’ériger ponctuellement le régime syrien en allié indispensable des Etats Unis.

Quant aux journaux libanais Assafir et Al Akhbar, ils affirment que la coalition armée contre DAESH est vaine si  des changements drastiques ne s’opèrent pas dans l’environnement saoudien. Ils font l’éloge de l’intervention du Hezbollah en Syrie, sans lequel DAESH aurait réalisé son Califat également au Liban et requalifient la nature du conflit : il n’est pas sunnite-chiite mais une résistance face aux projets israélo-américains et de DAESH dans la région.

Les diverses presses arabes constatent qu’elles ont perdu la guerre médiatique contre DAESH en raison du nombre grandissant de ses adeptes.

[1] Dowlat al-Islamiyah f’al-Iraq wa Belaad al-sham : l’État islamique en Irak et au Levant.

 

Prix Nobel de la Paix 2014 à 17 ans avec Kailash Satyarthi – militant indien contre le travail forcé des enfants – Malala Yousafzaï est engagée pour l’éducation depuis son enfance au Pakistan.

Elle déclarait en juillet 2013 aux Nations Unies : « Un enfant, un enseignant, un stylo et un livre peuvent changer le monde ».

Jeune fille pachtoune née dans la vallée de Swat, à l’Ouest du Pakistan près de la frontière afghane, elle décrit dans un livre politique et sociologique [1] la vie d’une famille d’instituteur dans cette région bouleversée par la montée des Talibans jusqu’à l’attentat dont elle fut victime en octobre 2012. Elle y dépeint la vie quotidienne et les traditions pachtounes, la place retirée des femmes, le code d’honneur et les vendettas sans fin, les déplacements forcés de populations conduits par l’armée pakistanaise en 2004, le tremblement de terre de 2005, les inondations de 2011, la vie quotidienne dans les villages et bourgades.

«Je suis très fière d’être pachtoune, mais parfois, je trouve notre code de conduite très discutable, notamment en ce qui concerne la condition féminine. Une dénommée Khalida, qui travaillait pour nous et était mère de trois fillettes, m’a raconté sa tragique histoire Elle n’avait même pas dix ans quand son père l’a vendue à un vieil homme qui avait déjà un épouse mais qui en voulait une plus jeune ».

Elle décrit les séjours au village grand paternel, la fête d’accueil et ses plats abondants, les garçons jouant au cricket dans un ravin avec une balle faite de sachets plastiques attachés par des élastiques, l’eau transportée depuis la source, les rares maisons en ciment construites par des familles dont les hommes travaillent dans les mines ou les pays du Golfe : sur quarante millions de Pachtounes pakistanais, dix millions vivent en dehors de leur pays natal.

« La plupart des maisons, en clayonnage revêtu de boue, étaient éparpillées dans les collines et elles s’effondraient lors des inondations. Parfois les enfants mouraient gelés en hiver. Il n’y avait pas d’hôpital. Seul Shahpur disposait d’un cabinet médical et si quelqu’un tombait malade dans les autres villages, il fallait que sa famille le transporte sur un brancard en bois que nous surnommions « l’ambulance de Shangla ». Si c’était grave, il fallait faire le long voyage en bus jusqu’à Mingora, sauf si on avait la chance de connaître quelqu’un qui possédait une voiture.»

[1] Moi, Malala Je lutte pour l’éducation et je résiste aux Talibans, Malala Yousafzaï avec la collaboration de Chrstina Lamb, Le Livre de Poche, juin 2014