Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Après le colloque «Le désarmement nucléaire demain ?» organisé en mars 2012 (les Actes seront prochainement disponibles), la Faculté des sciences sociales et économiques (Institut catholique de Paris), Justice et Paix et Pax Christi, viennent d’organiser, à la demande des évêques, un nouveau colloque sur la responsabilité de protéger.

Celle-ci  a été définie par le Sommet mondial des Nations unies de 2005 :

« C’est à chaque Etat qu’il incombe de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité consiste notamment dans la prévention de ces crimes, y compris l’incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous l’acceptons et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les Etats à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.

Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII[1] de la Charte, afin d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.

Nous soulignons que l’Assemblée générale doit poursuivre l’examen de la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et des conséquences qu’elle emporte, en ayant à l’esprit les principes de la Charte et du droit international. Nous entendons aussi nous engager, selon qu’il conviendra, à aider les Etats à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et à apporter  une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu’une crise ou qu’un conflit n’éclate. »

Quatre types de crimes donc et trois niveaux de responsabilité : l’Etat, la communauté internationale pour le soutenir pacifiquement, la communauté internationale pour agir militairement en dernier recours.

Le colloque a permis l’examen concret des situations précises qui ont vu le Conseil de sécurité intervenir depuis 2005, chaque fois de façon spécifique. Au Darfour en 2006, il a élargi le mandat d’une force déjà présente ; en Côte d’Ivoire, en 2011, il a mis dans le circuit la Cour pénale internationale et prononcé des sanctions visant les opérations financières et les déplacements des auteurs de crimes. Le cas libyen de 2011 constitue le cas le plus flagrant de recours à la force dans ce nouveau cadre: le Conseil envisage toutes les mesures possibles, sauf le déploiement sur le terrain de forces étrangères, ce qui explique le caractère aérien des attaques françaises et britanniques. En Syrie, le Conseil a décidé de l’envoi d’une mission de 300 observateurs qui fut un échec.

Pour le Mali, dès juillet 2012, les Nations unies se sont emparées du dossier. En octobre, le Conseil condamne les violations des droits de l’homme et les crimes. En décembre 2012, il décide d’un déploiement d’une force africaine pour appuyer l’armée malienne. L’intervention de la France est une anticipation de l’arrivée des Africains, mais demandée par les autorités maliennes, elle  a été approuvée par le Conseil de sécurité.

 

En concluant le colloque, Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi, insistait sur l’aspect éthique de la responsabilité de protéger. L’important est d’abord la prévention. Et il s’agit de protéger la vie de chacun : la force est toujours un pis-aller.  La responsabilité de protéger n’est pas que militaire dans sa mise en œuvre. Ce nouvel outil de la communauté internationale manifeste l’importance du rôle des Nations unies et des demandes répétées de l’Eglise depuis Pacem in terris il y a 50 ans : « De nos jours, le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale.

Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent, eux aussi, des dimensions mondiales et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle. »(137)

[1] Actions pacifiques, actions au moyen de forces militaires

Au nom de leur foi, des chrétiens s’engagent pour plus de justice en  Palestine et en Israël

 

 

1 Carte de la Palestine sous mandat britannique de 1922 à 1948.

2 Plan de partage de l’ONU du 29 novembre 1947 qui prévoit de diviser la Palestine entre un État juif et un État arabe. Il prévoit pour Jérusalem et sa proche banlieue un statut international. Ce tracé ne sera jamais appliqué car, suite à la première guerre israélo-arabe (1948-1949), l’État hébreu victorieux élargit son territoire.

3 En 1967, à la suite de  la guerre des Six jours, Israël occupe la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est,

la bande de Gaza, le Golan syrien et le Sinaï  égyptien. Seul le Sinaï  égyptien sera restitué après les accords de paix de Camp David (1978).

4 En 2011, les colonies et leurs infrastructures occupent plus de 43 % de la Cisjordanie.

Source : OCHA 2011

Israël, une société plurielle

 Loin d’être monolithique, la société israélienne s’est constituée avec l’arrivée progressive de plusieurs vagues d’immigration porteuses de cultures différentes. Sa population atteint aujourd’hui 7,8 millions de citoyens

La population juive israélienne comprend  deux traditions culturelles principales.

Les ashkénazes, dont est encore souvent issue l’élite politique israélienne, sont d’origine européenne. Leur immigration vers la Palestine, animée par le projet politique sioniste d’y créer un État juif, a commencé dès la fin du XIXe siècle. Elle s’accélère dans les années vingt dans un contexte où l’antisémitisme grandit en Europe. Décimés par la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale, les survivants tentent de se réfugier en Palestine, alors sous mandat britannique, puis affluent massivement dans les années cinquante après la création de l’État d’Israëlen 1948.

L’autre grande tradition culturelle concerne les sépharades, originaires d’Espagne et d’Afrique du Nord. Si la communauté était déjà présente sous l’Empire ottoman, la majorité est arrivée lorsque la tension s’est développée à leur égard dans les pays arabes à la suite de  la création de l’État d’Israël. Plusieurs vagues migratoires issues du monde entier se sont ainsi succédé. À partir de 1989, plus d’un million de citoyens issus de l’ex-Union soviétique sont venus s’installer dans le pays.

On oublie souvent que 1,9 million d’habitants, soit 25 % de la population israélienne, ne sont pas juifs. Les Palestiniens, de confession musulmane, chrétienne ou druze, qui n’ont pas été forcés de fuir en 1948 et ont aujourd’hui la nationalité israélienne, représentent environ 20 % de la population. Israël a attiré aussi, depuis une dizaine d’années, des milliers de migrants roumains, thaïlandais, africains. Leur présence fait resurgir des questionnements sur la place des non-juifs dans la société israélienne.

Les débats sont vifs aujourd’hui sur la place de la religion, entre les ultra-orthodoxes, dont la proportion a grandi au sein de la société, et ceux qui défendent la laïcité originelle. Alors que la croissance économique est forte, les inégalités socio-économiques aussi se sont creusées. Pendant l’été 2011, 400 000 personnes ont manifesté dans les rues de Tel Aviv pour demander plus de justice sociale. Si le quotidien des Palestiniens est déterminé par la politique israélienne, beaucoup d’Israéliens se sentent peu concernés par la question palestinienne. Avec le mur de  séparation  les contacts avec les Palestiniens des territoires occupés sont presque inexistants, et les nouvelles générations grandissent dans l’ignorance totale de l’Autre.

Les Israéliens marqués par la peur et l’insécurité

 

Le peuple juif a été menacé dans son existence dans toute l’Europe et victime d’un génocide qui fit six millions de morts, sans qu’aucune nation ou institution internationale ne le protège. Marqués par ce passé, de nombreux juifs et Israéliens vivent avec un profond sentiment d’insécurité et d’angoisse. Après la Shoah, la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël en 1948 a représenté un immense espoir pour beaucoup de juifs, Ce traumatisme mêlé d’espoir a certainement conduit les Israéliens, mais aussi nombre d’Européens et d’Américains, à ignorer le prix payé par la population palestinienne qui fut, pour plus de la moitié d’entre elle, dépossédée et jetée sur les routes de l’exil dès 1948. Ensuite, les guerres israélo-arabes, puis les attentats terroristes et les tirs de roquettes frappant la société civile ont venus réactiver les angoisses israéliennes. L’idée que les Arabes n’accepteraient jamais leur existence s’est imposée. Malgré la supériorité militaire écrasante des Israéliens, la peur reste omniprésente dans la société.

Cependant, des Israéliens critiquent la manière dont certains hommes politiques israéliens exploitent cette peur pour se maintenir au pouvoir et légitimer l’usage systématique de la force envers les Palestiniens « au lieu d’avertir des dangers qu’il y a à poursuivre le conflit »[2]

Des voix israéliennes s’élèvent aussi pour dénoncer les conséquences de l’occupation et les violations massives de droits de l’homme à l’égard des Palestiniens.

 

Les Palestiniens, un peuple dispersé

 

Neuf millions de Palestiniens sont aujourd’hui dispersés entre plusieurs pays et territoires. Ils y subissent différents statuts discriminatoires et n’ont pas la possibilité de circuler librement. De nombreuses familles sont séparées.

Les « réfugiés » représentent plus de la moitié des Palestiniens (soit 4,8 millions de personnes. Ils sont les descendants de ceux qui habitaient sur le territoire israélien actuel et ont été chassés ou ont dû fuir dès 1948, au moment de la guerre ayant suivi la proclamation de l’État d’Israël. Ils sont dispersés depuis plus de soixante ans au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem. Leurs biens ont été pris par l’État israélien, qui a toujours refusé leur droit au retour. Un tiers d’entre eux , mal intégré dans la plupart des pays arabes, vit encore dans des camps de réfugiés.

Les Palestiniens d’Israël (soit 1,7 million de personnes) représentent aujourd’hui plus de 20 % de la population israélienne. Ce sont les descendants de ceux qui n’ont pas été obligés de fuir et ont pu rester en Israël lors de  la création de l’État en 1948. Ils sont devenus des citoyens israéliens, comme à Nazareth par exemple. S’ils bénéficient d’un bien meilleur niveau de vie socio-économique que les Palestiniens des territoires occupés, ils souffrent toujours de discriminations au sein de la société israélienne et ont dû abandonner une grande partie de leurs terres.

Les Palestiniens des territoires occupés par Israël à la suite de  la guerre des Six jours en 1967 (soit 4 millions de personnes) habitent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Avant cette date, la Cisjordanie (dont Jérusalem- Est) dépendait de la Jordanie et Gaza de l’Égypte. Depuis les accords d’Oslo en 1993 et la création de l’Autorité palestinienne sur ces territoires, leurs habitants ont une carte d’identité palestinienne. Cependant, ils sont soumis aux restrictions imposées par les autorités israéliennes. Ils ne peuvent se déplacer en Israël et à l’étranger sans permis soumis à condition. Ils ne peuvent pas non plus circuler entre la Cisjordanie et Gaza. Le mur construit depuis 2002 sépare maintenant les habitants de Jérusalem du reste de la Cisjordanie.

Les habitants palestiniens de Jérusalem-Est (soit 230 000 personnes) ont un statut à part. Cette partie de la ville a été non seulement occupée, mais annexée par Israël après 1967. Les Palestiniens de Jérusalem reçoivent depuis une « carte de résident » qui leur accorde le droit de rester vivre dans leur ville. De plus en plus difficile à faire renouveler et révocable, cette carte ne leur garantit pas non plus l’accès aux mêmes droits ni aux mêmes services publics qu’aux autres habitants israéliens.

 

Les Palestiniens se sentent pris en étau dans l’enfermement, la destruction et l’absence de perspectives d’avenir

 

Un autre symptôme de l’occupation pour les Palestiniens reste l’expérience de la détention qui représente un véritable phénomène de société. En avril 2012, près de 1 600 prisonniers palestiniens ont suivi une grève de la faim pour demander la fin de l’isolement carcéral, la levée des sanctions (interdiction d’études universitaires, arrêt de la fourniture de livres, etc.), l’autorisation des visites pour les prisonniers originaires de Gaza et la fin de la détention administrative renouvelable indéfiniment, sans inculpation ni jugement.

Avec le blocus de Gaza et le mur en Cisjordanie, les Palestiniens des territoires occupés vivent une situation inédite d’enfermement. Jusque dans les années 2000 avant la 2èmeIntifada, les hommes allaient travailler en Israël, ils parlaient souvent hébreu. Aujourd’hui, tous les contacts sont coupés. À Gaza, une génération d’enfants grandit en n’ayant jamais rencontré un seul Israélien et en ne connaissant d’eux que le bruit des bombes, des drones et des hélicoptères.

En poursuivant la colonisation de la Cisjordanie, l’annexion de Jérusalem-Est et l’isolement de la bande de Gaza, le gouvernement israélien pratique une politique du « fait accompli » qui viole le droit international et rend quasi impossible la création d’un État palestinien viable et indépendant. L’Autorité palestinienne, qui devait être provisoire, perd sa légitimité aux yeux de son propre peuple au fur et à mesure que la possibilité d’un État disparaît. Cette absence de perspectives nourrit un profond sentiment d’injustice et de désespoir chez les Palestiniens, et compromet la possibilité d’une paix future.

 

Le « Kairos » – 2010

En 2010, des chrétiens de Terre Sainte ont lancé un appel aux chrétiens du monde entier, le « Kairos Palestine », signé par tous les chefs d’Église de Jérusalem et par plus de 2 300 chrétiens palestiniens.[3]

« Notre avenir et celui des Israéliens ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. »

« Notre message aux musulmans est un message d’amour et de convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et l’extrémisme. C’est aussi un message pour le monde, pour lui dire que les musulmans ne sont pas un objet de combat ou un lieu de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue. »

 

 

La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine interpelle les autorités françaises et européennes, www.plateforme-palestine.org :

  • Pour qu’elles s’engagent activement en faveur du retrait israélien des territoires occupés, de la levée du blocus de Gaza, de la fin de la colonisation, des expropriations et des destructions de maisons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui sont des violations flagrantes du droit international et du droit humanitaire,
  • Pour qu’elles fassent preuve d’une plus grande transparence et réduisent

leurs exportations croissantes d’armes et de technologies militaires vers Israël,

  • Pour qu’elles utilisent davantage les outils de négociation à leur disposition, en particulier l’accord d’association économique qui lie l’Union européenne à Israël, et qui est conditionné au respect des droits de l’Homme,
  • Pour qu’elles encouragent le processus de réconciliation inter- palestinien.

 

[1] Rédaction : Anne-Isabelle Barthélémy. Comité de rédaction : Emmanuelle Bennani-Caillouët, Alexis Adam de Matharel, Bernard Flichy, Pascale Quivy, Séverine Laville, Joël Thomas, Denis Viénot.

 

[2] Akiva Heldar, chef de la rédaction politique et éditorialiste au quotidien Ha’aretz « En finir avec la politique de la peur », article publié dans Ha’aretz et traduit en français dans Courrier International, le 28 décembre 2010.

 

[3] Kairos est un mot grec désignant le temps. Contrairement à chronos qui désigne le temps ordinaire ou chronologique, kairos désigne le temps sacré ou donné par Dieu, le temps de l’occasion opportune pour se repentir et le temps du renouveau : « Maintenant est le bon moment pour agir. » Reconnaître le kairos signifie reconnaître que c’est maintenant le temps d’agir pour la justice.