Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La tragédie que connaît le peuple syrien n’est, hélas, pas terminée.

Il convient pourtant, d’ores et déjà, d’en tirer quelques leçons majeures susceptibles d’aider les acteurs de paix à y voir plus clair.

Si elle n’est pas nouvelle, la première de ces leçons n’en est pas moins sévère pour les Occidentaux, si prompts à se donner en exemple. N’est-ce pas dans cette région riche en pétrole que nos démocraties ont noué, pour leurs seuls intérêts particuliers, des amitiés dangereuses avec des dictatures sanglantes ? N’est-ce pas au berceau même des trois monothéismes qu’une aussi terrible cruauté a vu le jour ? Certes, ni les uns ni les autres ne sont directement responsables d’un tel enchaînement de violence. Qu’au moins ils acceptent de s’interroger sur leur peu d’empressement à sortir du   silence. Il leur faudra bien, de toute façon, prendre acte de la fin d’une époque.

Car, si elle a été en partie détournée de son objectif premier, d’abord par le régime syrien lui-même, puis par des forces extrémistes bien rôdées, la révolution syrienne pour le respect de la dignité de chacun et l’établissement d’une justice égale pour tous n’en demeure pas moins une révolution citoyenne qui habite les profondeurs du pays. Ses leaders ont, certes, été pourchassés, parfois tués. Mais elle demeure le terreau d’un changement d’autant plus désiré par tout un peuple qu’il ne cesse d’en payer le prix.

Il est vrai – troisième leçon – que rien ne sera simple. Au-delà du conflit syrien proprement dit, c’est en effet l’affrontement jusqu’ici latent entre Perses et Arabes et entre sunnites et chiites qui apparaît au plein jour. La déstabilisation de toute la région risque demain d’être d’autant plus grave que l’ONU, bloquée par les Russes et les Chinois, s’est montrée jusqu’ici totalement impuissante. Et que la résolution du conflit israélo-palestinien, clé majeure de toute solution durable, n’est pas pour demain.

Dans ce contexte, on comprend mieux que les chrétiens syriens et, au-delà d’eux, leurs frères du monde arabe, vivent dans une situation de plus en plus chaotique et s’inquiètent pour leur avenir. Au-delà de ce douloureux constat et de la solidarité qu’il devrait nous inspirer, on mesure à quel point la présence chrétienne dans l’ensemble du Proche et du Moyen Orient est aujourd’hui menacée.

Avec une double conséquence, religieuse et géopolitique. L’exil de ses héritiers couperait le christianisme de ses racines et le verrait disparaître de la terre où il a grandi. Sa disparition entrainerait celle du message d’égalité de tous les hommes et de fraternité universelle porté par les chrétiens arabes. Elle laisserait alors face à face les communautarismes montants et leurs extrémismes. Il s’agirait là d’un vrai risque pour la paix du monde. On comprend dès lors que  l’avenir de la paix passe aussi par l’accès des chrétiens arabes à une pleine citoyenneté. A nous d’y travailler en solidarité avec eux.

REPERES

Lors de sa forte implication dans le Proche et le Moyen Orient qui l’avait conduit à organiser un important colloque sur l’avenir des chrétiens dans cette région et à suggérer la création d’un  Observatoire des libertés fondamentales, Régis Debray n’avait pas craint de dire : « La question chrétienne dans les pays arabes est comparable aujourd’hui à la question juive au XIXème et XXème siècle. Notre devoir est de faire de la question chrétienne la pierre de touche de la politique au Proche Orient. »

Le 27 juillet 2012, la Conférence internationale de négociation d’un Traité sur le commerce des armes, organisée sur un mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies, a mis fin à ses travaux sans accord.

Elle devait prendre ses décisions par consensus : or les États-Unis ont demandé un délai de réflexion, imités par plusieurs  pays comme la Russie, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Egypte.

Dans leur majorité, les participants ont cependant demandé la poursuite du processus de négociation engagé depuis 2006. En particulier, 90 États, dont ceux de l’Union européenne et de très nombreux États d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes ont publié une déclaration pour réaffirmer leur volonté de parvenir rapidement à un traité.

Dans un communiqué conjoint du 26 septembre 2012, les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, et le ministre du commerce de la Suède déclarent que «le monde a besoin d’un Traité sur le Commerce des Armes (…) qui ait la fermeté et l’envergure suffisantes pour avoir un réel impact sur les ravages causés par la régulation insuffisante du commerce des armes classiques. (…) Nos pays ont déployé de vigoureux efforts lors de la Conférence des Nations unies à New York pour négocier le premier traité global régissant le commerce des armes classiques. (…)

Nous souhaiterions obtenir un nouveau mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies pour tenir une deuxième conférence le plus tôt possible en 2013. (…) »

Pour leur part, les commissions Justice et Paix d’Autriche, de Belgique francophone, de France, de Grèce, du Luxembourg, d’Ecosse, d’Espagne, avec le soutien de la conférence des 30 commissions européennes ont publié, le 18 septembre, la déclaration suivante qui est transmise aux responsables politiques :

« Les États membres des Nations Unies se sont réunis du 2 au 27 juillet 2012 à New York pour adopter un Traité régulant le commerce des armes. Malheureusement, les négociations se sont soldées par un échec. Alors même que 50.000 personnes ont perdu la vie au cours de ce mois  du fait de la violence armée et que la répression s’intensifiait en Syrie, des pays au poids non moins conséquent ont demandé plus de temps pour évaluer et se prononcer sur la proposition de Traité proposée par le Président de la Conférence de New-York.

Les conséquences de ce commerce sont multiples et désastreuses. (…).Le recours effréné aux armements de certains pays dépasse les besoins légitimes de la défense nationale, détournant des montants importants des budgets de la santé et de l’éducation et engendrant une pratique généralisée de la corruption estimée à plusieurs milliards de dollars.

Le chiffre d’affaires généré par le commerce des armes est de l’ordre de 1 400 milliards de dollars par an – soit l’équivalent du PIB de la Russie en 2010. Beaucoup d’acteurs du secteur paraissent peu regardants sur les questions des droits de l’Homme et pratiquent un commerce irresponsable.

Les enjeux financiers des guerres et du commerce des armes en général, les intérêts géostratégiques, les échéances électorales dans certains pays, le manque de volonté de certains États sceptiques ainsi que des préoccupations exclusivement nationales, expliquent l’échec des négociations. Il est pourtant primordial de passer au-delà des intérêts des États et de veiller à la paix et à la sécurité internationales, comme stipulé dans la Charte des Nations Unies. (…)

Concrètement, nous demandons aux pays négociateurs de reprendre les négociations et que de veiller à ce que:

  • les transferts qui violent les obligations et engagements internationaux des États, notamment ceux découlant des mesures adoptées par le Conseil de sécurité, et en particulier les embargos sur les armes, soient interdits ;
  • les transferts d’armes qui risquent de faire l’objet d’un détournement ou d’une revente sans autorisation soient interdits ;
  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire;
  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violences envers les femmes et les enfants ;
  • les transferts d’armes ne soient pas une entrave à la réalisation des Objectifs du Millénaire des Nations Unies ;
  • les transferts d’armes ne favorisent pas les réseaux de criminalité organisée, les réseaux terroristes et de violence organisée ;
  • les transferts d’armes ne causent ou ne prolongent des conflits armés ou aggravent des tensions ou conflits existants;
  • les transferts d’armes n’aient pas une incidence négative sur la sécurité et la stabilité régionale;
  • les transferts d’armes n’encouragent pas la corruption.

Enfin, le champ d’application du Traité devait être le plus large possible afin que les objectifs soient clairement remplis. Ainsi, les munitions et, en particulier les munitions pour les armes légères et de petit calibre, et le plus large de types d’armes conventionnelles devrait être concerné. Une transparence totale devrait également être exigée à travers la publication de rapports annuels retraçant toutes les opérations effectuées par les États.»