Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Cette année, la communauté internationale commémore les 75 ans de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par l’Assemblée générale des Nations Unies. Le dialogue international qui a porté à la proclamation des droits humains témoigne comment l’engagement au service de la personne humaine a répondu au besoin de reconnaissance des implications incontournables de la dignité humaine. Par cet acte, les États Membres des Nations Unies ont non seulement saisi un signe des temps, mais ils ont aussi montré combien la prise de conscience par l’homme de sa propre dignité et des droits inaliénables qui en découlent devait être au fondement du nouvel ordre mondial, comme le rappelle le Préambule de la Déclaration.

En se référant à la reconnaissance de la dignité inhérente tout être humain, les auteurs de la Déclaration signifient de manière éloquente que cette dignité est connaturelle à toute vie humaine et égale en chacun, parce que donnée par Dieu au moment de la création. C’est pourquoi, la source première des droits humains ne réside pas dans une concession qui serait faite par les États ; elle est en réalité présente dans l’homme lui-même et en Dieu son créateur. Il s’ensuit que ces droits sont universels, inviolables et inaliénables : universels, parce que s’appliquant à tout être humain ; inviolables, parce qu’inhérents à la personne humaine et à sa dignité ; inaliénables, parce que toute tentative de priver une personne de ces droits reviendrait à faire violence à sa propre nature.

Aujourd’hui, soixante-quinze ans après l’adoption du document, nous ne pouvons constater qu’avec regret que « pour des millions de personnes sur tous les continents, l’écart persistant entre les engagements solennels pris le 10 décembre 1948 et la réalité reste à combler, et de manière parfois très pressante. »[1] Les raisons d’un tel écart sont sans doute à rechercher en partie dans les éléments caractéristiques liés à l’universalité et l’indivisibilité des droits humains. Les droits humains doivent en effet être garantis dans toutes les phases de la vie et quel que soit le contexte politique, social, économique ou culturel. Ils forment un ensemble unitaire structurellement orienté vers la promotion du bien de la personne et de la société. Comme tels, ils doivent être protégés non seulement dans leur singularité, mais aussi dans leur intégralité. Autrement dit, une protection des droits qui ne serait que partielle reviendrait à nier la reconnaissance de la dignité humaine. En ce sens, seule la promotion intégrale de toutes les catégories de droits humains constitue la garantie authentique du plein respect de la dignité de la personne humaine.

Le Saint-Siège a mis la promotion des droits humains au cœur de ses priorités dans le cadre de son action au plan international. Dès 1891, la Lettre Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII a donné une impulsion importante à son action. Puis le Pape Pie XI, dans Divini Redemptoris, a souligné, en 1937, l’importance de différents droits humains, en reprenant les enseignements du Magistère de l’Eglise. Ces apports successifs à la doctrine de l’Eglise ont été ensuite repris de manière plus systématique, d’abord par Pie XII, lequel dans son message radio de Noël de 1944 affirma que « la dignité de l’homme est la dignité de l’image de Dieu », et ensuite par les Souverains Pontifes qui ont suivi.

Pour autant, l’activité du Saint-Siège en faveur de la protection des droits humains ne se limite pas seulement à des déclarations officielles. Déjà en 1868, celui-ci adhéra à la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Il adhéra par la suite à plusieurs conventions internationales relatives à la protection des droits humains, parmi lesquelles figure la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au-delà de l’aspect technique relatif à l’adhésion à ces instruments juridiques, l’action internationale du Saint-Siège pour la protection des droits humains se concrétise aussi dans son rôle de médiateur au sein de différents fora internationaux où il s’efforce de favoriser le dialogue, la réflexion et la discussion ouverte, tout en contribuant au traitement de questions concernant notamment les droits humains, tels que le droit à la vie et l’interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants garantis par les articles 3 et 5 de la Déclaration. En même temps, il convient de ne pas oublier l’engagement actif de l’Eglise à travers les ordres religieux et leurs œuvres caritatives, les organisations non gouvernementales d’inspiration catholique et la contribution, non moins essentielle, des nombreuses écoles et universités catholiques dans le monde.

Face aux tendances modernes qui fragmentent toujours davantage l’unité des droits humains en les instrumentalisant au profit d’intérêts et de groupes particuliers, ce 75e anniversaire nous offre l’occasion, aussi bénéfique que nécessaire, de revenir aux racines de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En effet, c’est seulement en reconnaissant les droits humains comme ancrés dans la dignité commune et inaliénable de la personne humaine que nous pourrons les promouvoir dans leur intégrité originaire, à l’abri de toute division ou tentative de dénaturation, et loin de la satisfaction d’intérêts qui seraient partiaux et par là-même, contestables.

[1] Message du Pape François, Signé par le Cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin, aux participants du 6e Forum De Paris sur la Paix, Paris, 10-11 novembre 2023.

Les événements présents à travers le monde, la guerre et le déchaînement de haine qu’elle entraîne, les injustices et les violences, exigent un code minimal de conduite, pour, comme le disait Camus en 1957, « éviter que le monde ne se défasse ».

Nous admirons le courage des millions de femmes et d’hommes qui appuient leur résistance sur cet « outil », et nous nous souvenons qu’il y a 75 ans, le 10 décembre 1948, l’Organisation des Nations Unies proposait à tous les peuples et toutes les nations la Déclaration universelle comme un « idéal commun à atteindre ».

Le cylindre de Cyrus parfois considéré comme la première déclaration des droits de l’homme de l’histoire

Le pape François (Sept. 2023, Conseil de l’Europe) constatait que « les temps de crises sociale, économique, sécuritaire, et identitaire, mettent au défi les démocraties occidentales de répondre efficacement mais en restant fidèles à leurs principes ».

Cette commémoration, loin de nous éloigner des terrains de violences, invite à revisiter ces textes, les convictions qui les inspirent et les mécanismes qui en découlent. À les confronter aux défis actuels. À définir les limites des droits de l’homme (ne pas en attendre trop). À nous y engager modestement mais fermement.

Je ne m’appesantirai pas sur les changements de dénomination : droits de l’homme, droits humains, droits fondamentaux… Plus que des effets de mode, ils signifient parfois de vrais changements dans la manière d’approcher la dignité de la personne.

Le procès
Après une relative euphorie dans les années 1970/90, et avant l’indifférence actuelle, la dynamique des droits humains fut critiquée. Nombre d’intellectuels « engagés » dénonçaient le « droitdelhommisme » naïf ou trompeur. Après le drame des attentats du 11 septembre 2001, s’est ouvert un véritable procès : rejet du concept d’un droit naturel supérieur d’où découleraient droits et devoirs. (Le procès des droits de l’homme. Justine Lacroix et Jean-Yves Prandrière. Seuil 2016). Dénonciation de l’impérialisme occidental. Refus d’abandonner la souveraineté de l’État. Mise en cause de l’universalité des droits : les droits de l’homme, oui, mais conformes aux « caractéristiques » chinoises ! Rejet de la dérive individualiste. Inflation des droits exigibles. Oubli des devoirs. Ignorance du dérèglement climatique. Inefficacité face aux attentats « terroristes ». Impuissance devant les pandémies universelles. Sentiment de dérision devant la guerre Hamas/Israël, etc. Autant de critiques qu’il faut prendre au sérieux, sans naïveté quant aux motifs qui les animent.

Les droits humains comme un cri
Les droits de l’homme ne constituent ni une idée ni un remède miracle. Ils peuvent être déclinés en quatre étapes. Ils expriment un cri lancé dans un contexte particulier. En 1948, il convenait de réagir contre la folie meurtrière dont le monde venait d’être victime. La Déclaration affirme « que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie ». Est-ce obsolète face à ce qui se déroule en Palestine-Israël ? Le texte s’inscrivait dans un élan utopique visant « l’avènement d’un monde où l’être humain serait libre de parler et de croire, libéré de la terreur et de la misère ». Un beau programme pour aujourd’hui.

Logo du 75e anniversaire de le Déclaration universelle des droits de l’homme
https://www.ohchr.org/fr

Acte de foi en la dignité
Après le cri, la dynamique des droits de l’homme pose un acte de « foi… dans la dignité et la valeur de la personne humaine ». Heureusement (à mes yeux) la dignité n’est pas définie par les textes juridiques : l’on parle d’une déclaration « orpheline ».

La dignité évoque la valeur intrinsèque et inaliénable de toute personne ; elle envisage un appel à son « dépassement », un au-delà de toutes les limites apparentes. La dignité est-elle un concept dépassé, ou pour le moins « fatigué » ? (Cynthia Fleury. La clinique de la dignité. Seuil. 2023).

Pour les croyants en Dieu, elle a son origine dans la création de l’être humain à l’image et à la ressemblance de Dieu. Pour les non croyants en Dieu et selon l’esprit des Lumières, la personne est digne et cela suffit. Pour tous, ce concept a l’avantage « d’inviter à un respect absolu de tout autrui et de soi-même » (Marie-Jo Thiel. La Vie 7/09/023). Bel outil pour notre humanité mondialisée riche d’une grande diversité culturelle. « Seul un dialogue ambitieux et modeste entre tous les humanismes de la planète pourra nous en (la dignité) approcher et préserver l’humanité de la barbarie ». (Abdenour Bidar. Histoire de l’humanisme en Occident. Armand Colin. 2014). Toutes les familles de pensée devraient s’inviter dans ce dialogue. « Le respect de ces droits est une condition préalable au développement même du pays… Quand la dignité de l’homme est respectée et que ses droits sont reconnus et garantis, fleurissent la créativité et l’esprit d’initiative » (Pape François, Fratelli Tutti).

Catalogue de droits inaliénables
Affirmer la dignité de la personne, c’est bien. S’engager à en respecter les droits fondamentaux qui en découlent, c’est plus difficile. Il s’agit d’un engagement « politico-juridique », souscrit par un état qui décide non seulement de ne pas bafouer les droits énoncés ; mais aussi de créer les conditions de leur respect. La mention des devoirs n’est pas absente ; insuffisamment développée aux yeux de certains. Ces droits, énumérés et complétés par de nombreux textes mondiaux, continentaux, nationaux, rassemblent des droits civils, civiques, économiques, sociaux et culturels ; peu à peu un droit des générations futures à un environnement sain. Un double défi est posé : comment éviter l’inflation et la transformation en droits de désirs individuels non fondamentaux ? L’interprétation du concept de dignité divise. Comment vivre la fin de notre vie ? Qu’en disent les notions de dignité et de liberté ? Ou à propos des modalités du maintien de l’ordre, entre la sureté et la liberté. Comment respecter le principe ancestral de l’hospitalité ?

Contrôle, interpellation, jugement
L’outil droits de l’homme, parce qu’il est juridique, prévoit des modalités de contrôle, d’interpellation, de jugement. Par la Justice nationale bien sûr ; mais aussi par des organismes nationaux indépendants (Défenseur des droits, Contrôleur des lieux de privation de liberté, Commission informatique et liberté, Comité national d’éthique…), continentaux (Cour européenne…), mondiaux (Conseil des droits de l’homme, Cour Pénale Internationale…).

Quid du respect de la souveraineté de chaque État ? D’une part, c’est bien l’État qui a souscrit à de telles obligations et aux mécanismes qu’elles instaurent. La parole donnée est en jeu. D’autre part les moyens de coercition sont inexistants, ou très limités. La pression et la négociation sont la règle. Toute société nationale ou mondiale a besoin d’organe de régulation. Le multilatéralisme, souhaité il y a 75 ans, n’est plus de mise. Il y a là un enjeu politique important, peu pris en compte en ces temps de replis nationaux et identitaires.

Quelle utilité face à la guerre ?
« Plus jamais cela ! ». Les règles internationales n’ont jamais empêché les conflits. Avec la naissance du « droit humanitaire » et de la Croix Rouge (1863), des organismes ont voulu relever le défi « d’humaniser la guerre ». Protéger les « civils », soigner les blessés, interdire les pratiques telles que destruction massive et systématique, élimination d’un peuple entier, torture, viol, traitements inhumains, affamer une population, etc. À partir de ce socle juridique international, des gouvernements et des organes mondiaux ou nationaux peuvent non seulement dénoncer de telles inhumanités, ˗ il est sain de ne pas demeurer muet ˗, mais aussi lancer des appels pour que les auteurs soient poursuivis. Autant de moyens de pression contre des gestes de barbarie. Existe aussi l’ambition de prévenir de tels crimes (de guerre, contre l’humanité, génocide, etc.) en menaçant leurs auteurs de sanctions et en mettant sur pied un embryon de juridiction mondiale, la Cour Pénale Internationale. Mais à quoi bon tant de textes ou de conventions si leur application ne peut être assurée ? Cette question ne délégitime en rien l’élaboration des principes humanitaires mais interpelle vivement les autorités politiques : quelles initiatives nouvelles et contraignantes peuvent-elles imaginer, « ensemble » ?

© Gerd Altmann de Pixabay

Et pour demain ?
Quelques-uns désirent qu’en 2028 s’ouvre un débat mondial pour « une nouvelle déclaration » ; nombreux sont ceux qui pensent un tel exercice voué à l’échec et dangereux pour les droits humains.

L’éducation et la formation permanente restent déterminantes pour permettre à l’individu d’apprendre à grandir dans le respect et l’épanouissement de la dignité de tous. Pour aider à redécouvrir la nécessité du droit dans toute société, ainsi que ses limites. À créer les conditions politiques et économiques permettant « d’agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (Déclaration universelle).

La dynamique des droits de l’homme ne supprime en rien les pesanteurs humaines ni les violences. Elle conduit toute société à s’interroger sur son système dominant : le profit maximal et la concurrence identitaire. Si les droits de l’homme ne remplacent pas l’action politique ni son expression démocratique, ils les interpellent vigoureusement et devrait les influencer dans le cadre national et surtout européen. L’Europe est attendue. Elle a déjà beaucoup fait pour les droits de l’homme. Il lui reste beaucoup à oser.

Les habitants de Gaza et d’Israël, les peuples ukrainien, ouïgour et afghan, les femmes iraniennes, les paysans sans terre, les exclus de nos contrées, les enfants-esclaves, les artisans de paix, et bien d’autres nous donnent de multiples rendez-vous : ceux de la fraternité vécue !

 

L’assemblée générale de Justice et Paix Europe qui se termine aujourd’hui à Malte vous a élu co-président de cette Conférence des commissions d’Europe présentes dans une trentaine de pays, du Portugal à l’Ukraine et de la Suède à Malte. Quelles sont vos impressions de cette rencontre au sommet ?
   J’ai été impressionné par l’engagement des différentes commissions dans leurs pays respectifs et dans le travail en commun. Si je connais un peu la commission française, je ne connais les autres que peu sinon à travers la COMECE (Commission des épiscopats de l’Union européenne), dont je suis le premier vice-président. Elles présentent des structures différentes, des tailles différentes, mais sont toutes très engagées pour assurer la mission confiée par Paul VI avec la création de Justice et Paix. Elles articulent les initiatives de paix avec celles de justice sociale et économique qui sont autant de chemins vers la paix. Les commissions entretiennent un lien régulier avec le Dicastère pour la promotion du Développement humain intégral et la présence de 3 personnes du Dicastère à Malte en a été le signe. Il y a ainsi une vraie articulation entre le travail des commissions et ce que fait le Vatican sur ces questions de justice et de paix.

Une co-présidence a été décidée lors de la réunion de Paris en février dernier. C’est cette nouvelle organisation qui a été mise en place à Malte avec la co-présidence d’un évêque et d’une laïque. Ce n’est pas l’effet d’une mode, mais traduit la réalité de l’engagement de l’Église sur ces questions. Notre précédent président, Mgr Noël Treanor, a dû démissionner en début d’année quand il a été nommé nonce auprès de l’UE. Je veux remercier Cécile Dubernet, membre de la commission française, d’avoir accepté d’être présidente par intérim pendant cette période complexe de réflexion sur les statuts de Justice et Paix Europe.

Mgr Antoine Hérouard et Maria Hammershøy

Je me réjouis de travailler main dans la main avec Maria Hammershøy, secrétaire générale de Caritas Danemark et membre de la commission Justice et Paix. Dans la complémentarité des personnalités et des expériences, nous pourrons, j’en suis sûr, faire un bon travail.

Au cours de cette assemblée très soigneusement préparée par la commission de Malte, nous avons eu plusieurs interventions marquantes. Sr Alessandra Smerilli, secrétaire du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, a apporté un regard anthropologique sur la notion de travail et en particulier sur la notion du soin. Elle nous a montré à quel point nos critères de méritocratie et de productivité se heurtent au fait que le travail construit la personne humaine. Une approche purement utilitariste heurte et blesse les personnes engagées dans le travail du soin et l’accompagnement des personnes souffrantes.

Les ateliers du lendemain qui ont souligné qu’à Malte se posent tout particulièrement ces questions de dignité et de sécurité dans le travail. Nous avons pu aussi bénéficier de temps de rencontre entre les participants et de prière comme au fort Sant’Angelo, le Castrum Maris des Chevaliers de Malte, ou dans les souterrains de La Valette pour y vivre un geste symbolique autour de l’eau.

Un échange fort et émouvant a eu lieu avec Yuriy Pidlisnyy, membre de la commission ukrainienne, qui a évoqué les drames de la guerre, son origine dans la politique russe mais aussi en évoquant la reconstruction de l’Ukraine après la guerre, se tournant déjà résolument vers l’avenir.

Autre moment marquant, la conférence donnée par Jenny Sinclair de « Together for the common good » (ensemble pour le bien commun) à la co-cathédrale Saint-Jean devant le tableau du décollement de Saint Jean-Baptiste peint par le Caravage et signé de son sang. Dans sa vigoureuse intervention, tout en critiquant les abus du libéralisme économique, la financiarisation de toute chose et la dictature du relativisme, elle a rappelé la nature fondamentalement relationnelle de la vie humaine et a appelé l’Église à l’exprimer dans son propre fonctionnement.

Quelles sont les priorités de Justice et Paix Europe pour votre mandat ?
Il s’agit d’abord de maintenir la confiance et la qualité d’écoute entre les différentes commissions, comme autant d’encouragements pour celles aux faibles moyens. C’est ensuite de partager les initiatives et les bonnes pratiques des unes et des autres, alors que nous partageons dans des contextes différents la même mission. C’est poursuivre le développement des échanges internationaux avec les commissions d’autres continents comme cela a commencé cette année avec celles d’Amérique latine. C’est aussi être attentifs aux nouveaux champs de la justice sociale qui se découvrent aujourd’hui comme à travers les enjeux écologiques (par exemple avec le Mouvement Laudato si’ et la plateforme européenne ELSIA), les conséquences sociales et anthropologiques de la révolution digitale en cours ou la marchandisation du vivant. En tout cela, il s’agit bien de penser et de redire la place de l’homme, sa nature relationnelle, ce qui fonde sa dignité (au cœur de l’anthropologie chrétienne), ce qui permet de tracer des chemins vers plus de justice, qu’elle soit économique, sociale, politique. L’Europe, de par son histoire singulière et si souvent dramatique, peut en être l’expression et si possible le signe.