Conflits et risques de conflit en Europe

Les Secrétaires généraux de vingt-cinq commissions Justice et Paix européennes se sont réunis – comme chaque année – en février 2018, cette fois à Belfast, en Irlande du Nord.

 

Brexit : danger en Irlande du Nord

 « Une frontière dure ferait beaucoup de mal ». Tel fut le message. Les discussions avec des militants de la paix, des responsables de l’Église et des dirigeants politiques concernèrent l’impact potentiel du Brexit sur l’Accord de paix du Vendredi Saint de 1998. Parmi les interlocuteurs et intervenants, notons l’universitaire nord-irlandaise et ancienne politicienne Monica McWilliams, le ministre presbytérien Dr. Ken Newell, l’historien Dr. Eamon Phoenix, la supérieure des Sœurs de l’Adoration à Belfast Mère Mary Joséphine, Ed Petersen de la Mission Clonard Paix et Réconciliation et Mgr Noel Treanor du diocèse de Down et Connor.

L’ancien maire de Belfast et membre de l’Assemblée d’Irlande du Nord, Alban Maginness, prononça un discours liminaire. Il expliqua la pertinence de l’important accord du Vendredi Saint de 1998 sur le processus de paix en Irlande du Nord. Il contient des dispositions relatives au statut de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, aux relations entre le Royaume-Uni et la République d’Irlande et aux relations entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Inspiré par le processus d’intégration européenne, cet accord fut conçu sur la base suivante : la République d’Irlande et le Royaume-Uni, comme membres de l’Union européenne.

« Des négociations soutenues aboutissent à la signature d’un accord de paix visant à stabiliser la situation politique en Irlande du Nord. L’élection du travailliste Tony Blair (Royaume-Uni) et celle de Bertie Ahern du Fianna Fail (République d’Irlande), en 1997, pavent la voie pour une reprise des négociations sur la question de l’Irlande du Nord. Elles aboutissent le 10 avril 1998 à un accord de paix signé à Belfast. L’Irlande du Nord demeure britannique, mais une assemblée locale semi-autonome sera élue et un conseil de coopération sera mis sur pied entre les Irlandais du sud et ceux du nord.

Ces derniers se voient garantir qu’aucun changement constitutionnel ne sera adopté sans leur consentement alors que la République d’Irlande s’engage à abroger les articles de sa Constitution affirmant sa souveraineté sur l’ensemble de l’île ».[1] L’accord sera approuvé par deux référendums : OUI à 74 % en Irlande du Nord, OUI à 94 % en République d’Irlande.

Avec le Brexit, cet équilibre risque de se rompre. Le retour d’une frontière dure entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord serait particulièrement préjudiciable à l’économie et à la stabilité politique en Irlande du Nord. Cela constituerait un risque sérieux pour la paix et la réconciliation et pourrait accroître le niveau de violence entre les communautés. Une solution précise, claire et non ambiguë pour éviter une frontière dure est donc nécessaire. On comprend les soucis de l’Union européenne et de son négociateur Michel Barnier pour trouver avec Londres, Dublin et même Belfast une solution qui aujourd’hui n’apparaît pas clairement.

 

Nord de la Syrie : danger turc

 Les Secrétaires généraux ont par ailleurs étudié la situation en Turquie car l’action militaire de ce pays en Syrie du Nord est contraire au droit international. Justice et Paix Europe appelle par un communiqué de presse à la fin immédiate de l’invasion turque de la Syrie qui frappe l’une des dernières régions intactes du pays. À Afrin, depuis que la guerre civile syrienne a éclaté en 2011, des centaines de milliers de personnes déplacées ont été accueillies sans distinction d’ethnie ou de religion. L’attaque des forces militaires turques, avec le soutien de certains groupes musulmans radicaux, est une violation du droit international. Elle a eu des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la région, où diverses minorités ethniques et religieuses sont maintenant menacées. Beaucoup de victimes civiles ainsi que des dévastations massives, sont à déplorer.

Le pape François, qui a reçu une délégation de Yézidis à Rome, a rencontré le président Erdogan le 6 février dernier. À l’occasion de cette audience, il lui a fait cadeau d’une médaille portant un ange de la paix. « C’est un ange de paix qui vainc le démon de la guerre et symbolise un monde basé sur la paix et la justice », a expliqué François.

Face aux pertes civiles à Afrin, Justice et Paix Europe exprime sa solidarité et soutient les demandes des habitants menacés et affectés : établissement d’une zone d’exclusion aérienne, et cessez-le-feu immédiats, création de couloirs humanitaires pour les secours et les médicaments, action diplomatique de l’Union européenne et de ses États membres vis-à-vis de la Turquie, solution négociée au conflit, accès d’observateurs internationaux à la région.

La politique européenne exige, dès lors, une position claire sur la Turquie et une condamnation de cette invasion militaire frappant la population civile. Son extension est plus qu’une hypothèse. L’action s’impose donc.