Vallée du Rhin : terre de conflit et de paix

Face aux atrocités de la première guerre mondiale, le pape Benoît XV adresse le 1er août 1917 une lettre aux chefs d’État des peuples belligérants, [… et] propose un arbitrage international.

Cette posture médiane lui vaudra le surnom de « pontife du Saint-Empire » pour les uns, et de « pape français » pour les autres ». Cette journée entendait « replacer cette lettre dans le contexte du Rhin supérieur. Avec cette destinée commune, se dégagent des itinéraires singuliers qui conduiront à la paix, la réconciliation et la fraternité, après l’Armistice du 11 novembre 1918, vécu comme une véritable libération. Un véritable laboratoire d’une Europe en devenir  ».

Extraits de la lettre de Benoît XV

« Dès le début de Notre Pontificat, au milieu des horreurs de la terrible guerre déchaînée sur l’Europe, Nous Nous sommes proposé trois choses entre toutes : (a) garder une parfaite impartialité à l’égard de tous les belligérants… (b) Nous efforcer continuellement de faire à tous le plus de bien possible, et cela sans acception de personnes, sans distinction de nationalité ou de religion… enfin… (c) amener les peuples et leurs chefs… aux délibérations sereines de la paix… Nous n’avons pas cessé non plus d’exhorter peuples et gouvernements belligérants à redevenir frères… L’Europe… va-t-elle donc… prêter la main à son propre suicide ? Nous jetons de nouveau un cri de paix… Nous voulons maintenant descendre à des propositions plus concrètes… se mettre d’accord sur les points suivants, qui semblent devoir être les bases d’une paix juste et durable  […].

Tout d’abord le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit ; d’où un juste accord de tous pour la diminution simultanée et réciproque des armements… puis, en substitution des armées, l’institution de l’arbitrage, … selon des normes à concerter et des sanctions à déterminer… Que l’on enlève tout obstacle aux voies de communication des peuples, en assurant… la vraie liberté et communauté des mers, ce qui… éliminerait de multiples causes de conflit, et… ouvrirait à tous de nouvelles sources de prospérité et de progrès.

Quant aux dommages à réparer… principe général : une remise entière et réciproque, justifiée… par les bienfaits immenses à retirer du désarmement… la restitution réciproque des territoires actuellement occupés. Pour ce qui regarde les questions territoriales, … les examiner avec des dispositions conciliantes, tenant compte, dans la mesure du juste et du possible, … des aspirations des peuples, et… coordonnant les intérêts particuliers au bien général de la grande société humaine. Fasse le Ciel que… vous vous assuriez aussi, auprès des générations futures, le beau nom de pacificateurs ».

« La paix française » ou non possumus !

Le 10 décembre 1917, en l’église de la Madeleine, le Père Sertillanges prononçait un sermon célèbre, devant l’archevêque de Paris et un parterre de personnalités, dont voici des extraits :

« La victoire… n’est destinée qu’à obtenir une juste et glorieuse paix… Nous n’avons pas confiance en la bonne foi teutonne…  C’est pourquoi, unanimement,… nous nous tournons vers ce trône de justice élevé au-dessus des nations, et, après l’avoir salué, après nous être unis à ses hautes intentions pacifiques dont nous fûmes et demeurons entièrement d’accord … nous disons : Très Saint Père, nous ne pouvons pas (non possumus) pour l’instant, retenir vos appels à la paix … ne croyant pas à une paix de conciliation, nous nous sommes engagés à réaliser une paix différente, une paix française … Ce ne sera pas la paix des diplomates, ni la paix de Stockholm, ni la paix des Soviets, ni la paix illusoire, quoique sincère, de nos socialistes ; ce ne sera pas même, – nous le regrettons de toute notre âme -,  la paix par une paternité s’élançant au-dessus des deux camps : ce sera la paix par la guerre  âpre et menée jusqu’à terme, la paix de la puissance juste brisant la violence, la paix du soldat ! … et pour la victoire, tout, jusqu’au bout ».

La journée d’étude

Il est révélateur que les monuments aux morts d’Alsace et Moselle portent les mots « morts à la guerre », et non « morts pour la France » ! Une fois resitué le pontificat de Benoît XV (L. Perrin), la réception de son appel fut examinée pour le diocèse de Strasbourg (C. Muller) et au pays de Bade (B. Henze). Et de découvrir, par exemple, l’art de gouverner de l’évêque allemand de Strasbourg, Mgr Fritzen, obligé de relayer la conception de l’État allemand – l’alliance du trône et de l’autel – mais jouant de sa liberté dans ses mandements de carême pour adopter alors un ton catholique et non allemand. Clergé et laïcs sont fracturés entre germanophiles et francophiles. En quoi la lettre du Pape a-t-elle participé à la construction d’un nouveau droit international (A. Zardi) ? Ou rejoint-elle les programmes de paix de M.J. Metzger (F. Wintermantel), ou de G. Fessard (D. Coatanea) ? Quid de la guerre, de la paix et de la fraternité dans la pensée sociale chrétienne (M. Feix) ? Et le général E. de Hautecloque-Raysz d’examiner si l’Europe, construite pour la paix, doit préparer la guerre …