Une autre Guadeloupe est possible !

Les responsables de nos trois diocèses catholiques de Guyane, Martinique et Guadeloupe, à l’occasion de leur rencontre annuelle les 17, 18 et 19 Janvier à l’évêché de Basse- Terre, regardant les réalités de nos peuples reconnaissent que « nous ressentons la crise actuelle qui touche l’univers entier.

Cette crise affecte le sens de la vie même et l’avenir des jeunes. Nous en ressentons les contrecoups fortement. Pour nos trois régions, cela relance la question de la relation institutionnelle avec la France pour favoriser la maîtrise du développement économique de ces pays. L’Eglise mesure l’ampleur de cette crise qui ne pourra être jugulée que par du sens et de l’éducation »

Oui, la crise est bien là et touche tous les domaines de la vie : l’utilisation des ressources naturelles comme la terre, l’eau et tout l’environnement, l’enfance, la jeunesse, l’éducation, l’emploi, les personnes âgées, toute les productions locales, l’agriculture, la pêche, le bâtiment, les moyens de communication etc…Et surtout l’augmentation du coût de la vie facilitée par les monopoles et le non contrôle des prix, ce qui fait que le pouvoir d’achat n’arrête pas de régresser. Reconnaissons que ce sont les plus pauvres les premières victimes et que le nombre de personnes pauvres et de familles pauvres augmente d’année en année dans notre pays.

On comprend alors que des mouvements sociaux s’organisent et qu’ils prennent une signification nouvelle quand ils regroupent des associations, des partis politiques, des syndicats et des groupements professionnels très divers qui décident ensemble de soutenir ces mouvements. Tous ceux qui interviennent, quel que soit leur idéologie, religion ou parti politique reconnaissent que sont exprimées là « des revendications essentielles ».

C’est donc l’occasion, pour nous citoyens, et beaucoup parmi nous citoyens chrétiens, de nous rappeler certains droits et devoirs essentiels, à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise.

« Le fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être humain est une personne, c’est- à- dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même, il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns des autres, ensemble et immédiatement de sa nature : aussi sont- ils universels et inaliénables » Jean XXIII Paix sur la Terre N° 9)
« Tout être humain a droit à la vie, à l’intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente, notamment en ce qui concernent l’alimentation, le vêtement, l’habitation, le repos, les soins médicaux, les services sociaux (N° 11)…droit également à une information objective (N° 12)….droit d’accéder aux biens de la culture…et donc d’acquérir une instruction de base, ainsi qu’une formation technico- professionnelle correspondant au degré de développement de la communauté politique à laquelle il appartient.(N°13)…Tout homme a droit au travail et à l’initiative dans le domaine économique (N°18)…ainsi qu’à des conditions de travail qui ne compromettent ni sa santé, ni la moralité (N°19)…dans la vie en société, tout droit conféré à une personne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de reconnaître et de respecter ce droit (N°30) »

Nous savons bien que tout pouvoir civil, et donc tout Etat, a le devoir essentiel de protéger et de promouvoir ces droits inviolables de la personne humaine, c’est aussi le devoir de toutes les instances de la société de la famille aux institutions politiques en passant par les syndicats, les associations et tous les groupes de la société civile. Il faut donc nous interroger à tous les niveaux.

Reconnaissons que, influencés par l’extérieur, nous avons laissé s’installer trop facilement des modes de vie qui, maintenant sont difficiles à faire disparaître. Même si notre peuple possède des aspirations légitimes à une amélioration de sa vie, mais quels devront être nos choix ? Continuez à être des consommateurs sans nous projeter dans un avenir qui engage l’avenir de notre jeunesse ? Oublier que notre petite île ne peut supporter aucune erreur dans les futurs projets concernant l’environnement, la pollution ? Oublier que nous formons des jeunes et pour quel projet ? Oublier notre histoire commune avec la Caraïbe et ne pas savoir prendre toute notre place dans cette région si riche en potentialités ?

Quant aux moyens et à la méthode, ils seront toujours à confronter aux droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, la violence physique, verbale, symbolique, morale ou économique ne peut être facteur d’un mieux être ni à court terme, ni à long terme. Sur ce point tous les groupes concernés sont appelés à réviser leur méthode et moyens d’action. Il est trop facile de dénoncer la méthode et les moyens des autres et de donner à plein, clandestinement dans des moyens peu honnêtes et même violents. Pour régler les problèmes, il faudra bien s’asseoir autour d’une table pour dialoguer et chercher ensemble.
La situation est trop grave pour continuer de cacher la vérité aux gens sur la crise, ses causes et ses conséquences si nous ne réagissons pas. Prenons les moyens pour arrêter la politique du paraître et du prestige en faisant des choix plus conformes à nos possibilités et au respect de l’environnement.

Certains proclament que la crise actuelle peut être l’occasion de « resserrer notre lien social ». Certainement, s’il s’agit de réorganiser la solidarité dans notre pays mais ne rêvons pas de projet guadeloupéen « unique », car une saine logique démocratique suppose que des partis politiques fassent des projets qu’ils expliquent clairement au peuple qui choisira et aucun choix ne peut être accepté et mis en action sans l’adhésion démocratique d’une majorité.

Nous nous rappelons, à l’occasion, que tout peuple a droit à un vrai développement. Pour la doctrine sociale de l’Eglise le « vrai développement » doit être intégral (concernant toute la personne et toutes les personnes), intégré (donc à partir des richesses naturelles et humaines du pays) et durable (respectant l’environnement à transmettre aux générations futures).

Une autre Guadeloupe est possible si nous nous donnons les moyens de réorienter notre économie pour qu’elle soit au service des personnes et non du seul profit de quelques- uns. Cela exige une réflexion éthique et un engagement à la démocratie et au développement intégral, intégré et durable.

« Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes devient prioritaire, l’espérance renaît ».